Terralaboris asbl

Allocations familiales et désignation d’un administrateur provisoire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 novembre 2013, R.G. 2007/AB/50.522

Mis en ligne le mercredi 19 mars 2014


Cour du travail de Bruxelles, 21 novembre 2013, R.G. n° 2007/AB/50.522

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 novembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme de l’article 69 des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés coordonnées par arrêté royal du 19 décembre 1939 et, notamment, la violation par son § 3 des articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il ne permet pas à un administrateur provisoire de faire opposition, dans l’intérêt de l’enfant, au paiement effectué à l’une des personnes habituellement visées pour recevoir celui-ci.

Objet du litige

L’O.N.A.F.T.S. introduit une procédure à l’encontre de l’administrateur provisoire d’une personne ayant la qualité de bénéficiaire, action portant sur le remboursement d’une somme de l’ordre de 9.500 €. Pour l’Office, il s’agit d’un indu, les allocations ayant été versées à tort entre les mains de l’administrateur provisoire.

Par décision du 27 novembre 2007, le Tribunal du travail de Bruxelles déboute l’Office de sa demande, considérant que l’indu résultait d’une erreur de droit commise par lui-même.

Appel est interjeté et, dans le cadre de celui-ci, l’administrateur provisoire forme une demande incidente, afin de dire pour droit qu’il avait la qualité d’allocataire au sens de l’article 69 des lois coordonnées et pouvait dès lors prétendre au paiement des allocations pour compte de son administrée pendant la période concernée.

La décision de la cour

La cour rappelle, en premier lieu, les péripéties de l’affaire, étant qu’un administrateur provisoire des biens de l’intéressée avait été désigné par le juge de paix d’Ixelles, alors que celle-ci vivait à l’époque chez sa mère. L’ordonnance rendue, publiée au Moniteur belge, avait été adressée à l’O.N.A.F.T.S. par l’administrateur provisoire et l’Office avait signalé qu’il entendait poursuivre le paiement des allocations familiales revenant à l’intéressée entre les mains de sa propre mère, chez qui elle résidait. L’O.N.A.F.T.S. se fonde sur l’article 69 des lois coordonnées.

Interpellé par l’administrateur des biens, qui faisait valoir que la mère négligeait de respecter ses obligations, au point de menacer la poursuite du séjour de sa fille dans l’institution d’accueil, l’O.N.A.F.T.S. a revu sa position, les paiements se faisant ensuite au compte ouvert au nom de la personne protégée.

L’Office considère, cependant, 3 ans plus tard, dans le cadre d’une revision du dossier, que les versements effectués auprès de l’administrateur constituent un indu, les allocations devant être versées à la mère, ce que l’Office fait alors, avec effet rétroactif. Dans le cadre de cette opération, il n’informe pas l’administrateur provisoire.

L’arrêt rendu par la cour du travail le 30 juin 2009

Dans cet arrêt, la cour pose une question à la Cour constitutionnelle, question portant sur l’article 69, § 3 des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés. Cette disposition prévoit en effet que, si l’intérêt de l’enfant l’exige, le père, la mère, l’adoptant, le tuteur officieux, le tuteur, le curateur ou l’attributaire selon le cas, peut faire opposition au paiement à la personne visée aux §§ 1er, 2 ou 2bis, conformément à l’article 594, 8° du Code judiciaire. Parmi les personnes visées, figure notamment la mère.

L’arrêt considère que l’administrateur provisoire n’a pas été informé et n’a dès lors pas pu former opposition au paiement en question, alors que cette faculté est ouverte à d’autres personnes, étant celles qui sont visées par la disposition légale. L’arrêt souligne que, par l’ordonnance rendue par le juge de paix d’Ixelles, l’administrateur provisoire a été expressément chargé d’encaisser les allocations familiales revenant à l’intéressée. La question posée à la Cour se fonde sur les articles 10 et 11 de la Constitution, mais également sur la Convention de New York relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (articles 2, 3 et 26), ainsi encore que sur la Convention Européenne des Droits de l’Homme (article 6 garantissant l’accès à un tribunal en cas de contestation sur les droits et obligations à caractère civil).

L’arrêt du 21 novembre 2013

La cour souligne en préambule de son examen de la question juridique que la Cour constitutionnelle a retenu une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où l’article 69, § 3 ne permet pas à l’administrateur provisoire désigné sur la base de l’article 488bis du Code civil de faire opposition au paiement à la personne visée, et ce lorsque l’intérêt de la personne protégée l’exige.

En conséquence, la cour examine si l’O.N.A.F.T.S. est en droit de réclamer à l’administrateur provisoire les allocations versées pendant la période concernée. Il relève que le premier juge a considéré que, si le paiement a été fait par erreur à l’administrateur provisoire, le remboursement ne pouvait être réclamé sur la base de l’article 17 de la Charte de l’assuré social, s’agissant d’une erreur de droit dans le chef de l’O.N.A.F.T.S. Le mécanisme légal prévoit en effet le paiement à la mère, sauf dérogation, dans les hypothèses prévues par le § 3, qui autorise l’opposition au paiement dans l’intérêt de l’enfant, et ce à l’initiative d’une série de personnes. La cour relève que l’O.N.A.F.T.S. a obtempéré à l’ordonnance du juge de paix, selon laquelle l’administrateur provisoire désigné était autorisé à percevoir les prestations sociales et que ce comportement s’inscrit dans l’esprit de la protection, qualifié par l’Office lui-même de « seconde ligne », étant que l’on peut déroger dans l’intérêt de l’enfant au principe du paiement des allocations à la mère. Dès lors, en n’informant pas au préalable l’administrateur provisoire de son changement de position, l’O.N.A.F.T.S. a mis celui-ci dans l’impossibilité d’agir en temps utile, et ce alors qu’il est constaté qu’il a dûment réagi. Quelle que soit dès lors la légitimité du paiement effectué à l’administrateur provisoire, la demande de remboursement est considérée comme non fondée.

Intérêt de la décision

Cette affaire rappelle que, dans son arrêt du 25 février 2010 (n° 21/2010), la Cour constitutionnelle a conclu à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où l’article 69, § 3 des lois coordonnées ne vise pas l’administrateur provisoire désigné sur la base de l’article 488bis du Code civil.

Cet arrêt a précisément été rendu à l’occasion de la première décision de la cour du travail rendue dans cette espèce. L’arrêt rappelle également la circulaire de l’O.N.A.F.T.S. « CO 1277 » du 21 avril 1994 concernant notamment les enfants bénéficiaires pourvus d’un administrateur provisoire. Cette circulaire vise essentiellement la désignation de l’allocataire du solde (un tiers des allocations familiales visé à l’article 70 de la loi, les deux tiers restants allant à l’institution qui accueille l’enfant).


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