Terralaboris asbl

Récupération d’indu et aide sociale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 décembre 2013, R.G. 2011/AB/1.043

Mis en ligne le vendredi 4 avril 2014


Cour du travail de Bruxelles, 11 décembre 2013, R.G. n° 2011/AB/1.043

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 11 décembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles considère que, pour déterminer l’indu en matière d’aide sociale, il y a lieu d’appliquer par analogie la règle des abattements admis par l’arrêté royal du 11 juillet 2002 en matière de revenu d’intégration sociale.

Les faits

Une citoyenne de nationalité congolaise, avec deux enfants à charge, bénéficie d’une aide sociale équivalente au revenu d’intégration pendant 3 années. Il s’avère, par le biais des informations données par la Banque-carrefour de la sécurité sociale, que, pendant cette période, elle a travaillé pendant 6 mois, dans le cadre de contrats d’occupation d’étudiante. Il s’agit de 51 jours de travail au total.

Le C.P.A.S. prend dès lors une décision de récupération d’indu, au motif qu’il y aurait une présomption légitime de ressources au moins égales à l’aide accordée.

Il saisit le tribunal du travail, demandant remboursement d’une somme de près de 5.000 €, correspondant au total de l’aide sociale allouée pour les mois en cause.

Par jugement du 21 octobre 2011, le tribunal du travail fait droit à la demande du C.P.A.S.

Appel est interjeté.

La position des parties devant la cour

L’intéressée ne conteste pas qu’elle a travaillé à plusieurs reprises pendant la période concernée et ne conteste pas davantage le montant net admis au titre de rémunération pour cette période. Elle considère cependant que le C.P.A.S. a manqué à son obligation d’information et de conseil. A titre subsidiaire, elle demande qu’il soit fait application, par analogie, des abattements prévus en matière de revenu d’intégration sociale.

Pour sa part, le C.P.A.S. considère qu’en vertu de l’article 98, § 1er de la loi du 8 juillet 1976, il y a lieu de condamner l’intéressée à rembourser la totalité de l’aide allouée pour la période en cause.

La décision de la cour

La cour se penche d’abord sur les obligations tirées de la Charte, rappelant l’article 3, qui met à charge des parties un devoir d’information. L’appelante faisant grief au Centre de ne pas l’avoir informée sur ses obligations, et notamment sur celles relatives à la communication de tout élément nouveau susceptible d’avoir une répercussion sur l’aide sociale, la cour considère qu’un tel manquement n’est pas démontré en l’espèce.

La cour examine ensuite la question de savoir si, eu égard à l’article 98, § 1er de la loi organique, l’intéressée avait fait des déclarations volontairement inexactes ou incomplètes. Dans cette hypothèse, en effet, le Centre est autorisé à récupérer la totalité des frais, quelle que soit la situation financière de l’intéressée.

L’arrêt souligne en premier lieu que cette disposition ne peut pas permettre au C.P.A.S. de récupérer plus que ce qui a été payé indûment et qu’en l’espèce une telle déclaration n’est pas établie. Si l’intéressée a omis de signaler son activité professionnelle, alors qu’elle aurait dû le faire, il ne découle pas que cette omission est volontaire. La cour renvoie par analogie à la jurisprudence en matière de chômage, qui a admis qu’une absence de déclaration n’exclut pas nécessairement la bonne foi (la cour renvoyant à C. trav. Brux., 19 avril 2007, R.G. 48.743). Il faut dès lors conclure à l’obligation pour l’intéressée de rembourser, mais la récupération ne peut aller au-delà de l’indu.

L’arrêt examine, enfin, la question des abattements à prendre en compte. En effet, dans le cadre du revenu d’intégration sociale, l’article 22, § 2 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 permet un abattement général, lorsque les ressources de l’intéressé n’atteignent pas le montant annuel du revenu d’intégration. La prise en compte des ressources n’est dès lors pas complète. Dans l’hypothèse de revenus professionnels, un abattement particulier est d’application. La cour rappelle qu’il vise à circonvenir le risque du piège à l’emploi, le bénéficiaire du revenu d’intégration ne devant pas être découragé d’entamer une activité professionnelle. L’article 35 du même arrêté royal autorise dès lors la déduction d’un montant de l’ordre d’environ 180 € par mois (montant indexé) au titre d’abattement, sur les revenus nets.

La question en l’espèce se pose de l’application de cette disposition à l’aide sociale et la cour conclut qu’il faut raisonner par analogie, vu l’objectif de la disposition : le souci de lutter contre le piège à l’emploi est identique pour les bénéficiaires du revenu d’intégration ou d’aide sociale.

Elle relève en outre qu’il n’y a pas d’obligation de déclaration préalable, pour bénéficier de l’abattement. Le C.P.A.S., qui soutient le contraire, exige, ainsi, selon l’arrêt, une condition supplémentaire, vu l’absence d’intention frauduleuse constatée en l’espèce.

L’arrêt admet, dès lors, qu’il faut appliquer lesdits abattements, mensuellement, et ramène l’indu à un montant de l’ordre de 750 €.

En outre, un autre effet de l’absence d’intention frauduleuse est de ne faire courir les intérêts sur l’indu qu’à dater de la requête introductive d’instance.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle à très juste titre la similitude de situation entre les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale et de l’aide sociale, eu égard au piège à l’emploi. Si l’arrêté royal du 11 juillet 2002, qui autorise des abattements (ou immunisations) sur les revenus nets perçus du fait du travail, ne vise que le revenu d’intégration sociale, la cour, raisonnant par analogie, considère que ceux-ci doivent également bénéficier, comme en l’espèce, à une bénéficiaire d’aide sociale correspondant au revenu d’intégration.


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