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Le juge doit-il soulever d’office la prescription d’une action en récupération de l’indu en matière d’aide sociale ? Une clarification bienvenue de la Cour de cassation

Commentaire de Cass., 28 octobre 2013, n° S.11.0054.F

Mis en ligne le vendredi 4 avril 2014


Cour de cassation, 28 octobre 2013, n° S.11.0054.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 28 octobre 2013, la Cour de cassation considère que le juge doit d’office vérifier si oui ou non une action en remboursement de l’aide sociale est prescrite.

Les faits

Le C.P.A.S. de Molenbeek-Saint-Jean a, par décision du 29 avril 2005, décidé de retirer à Mme A. K. l’aide sociale à partir du 1er septembre 2001 au motif d’une cohabitation non déclarée et d’un train de vie que l’aide sociale ne pouvait pas assurer. Il a également décidé de récupérer le revenu d’intégration sociale auquel Mme A.K. a eu droit à partir de 2004 mais cet aspect du litige ne sera pas abordé.

Par décision du 6 avril 2007, le C.P.A.S. a fixé le montant de l’indu en matière d’aide sociale à la somme de 23.133,53 €. Après que la dame A.K. eut exercé un recours contre ces décisions devant le tribunal du travail, le C.P.A.S. a formé une demande reconventionnelle en remboursement de ce montant.

Le tribunal du travail de Bruxelles, puis la Cour du travail par un arrêt du 13 janvier 2011, ont confirmé cette décision du C.P.A.S. L’arrêt a été soumis à la censure de la Cour de cassation.

Le troisième moyen de cassation faisait grief à l’arrêt attaqué d’avoir admis la récupération de l’aide sociale depuis le 1er septembre 2001, en violation des articles 2277 du Code civil et 102 de la loi du 8 juillet 1976 organique des Centres publics d’aide sociale qui renvoie à cet article 2277.

Décision de la Cour de cassation

La Cour casse l’arrêt attaqué en ce qu’il condamne la dame A.K à rembourser la totalité de l’aide sociale versée depuis le 1er septembre 2001.

Elle souligne que l’article 102, alinéa 1er de la loi du 8 juillet 1976 « est d’ordre public. Le juge est dès lors tenu, par dérogation à l’article 2223 du Code civil, d’en examiner d’office l’application ».

La Cour de cassation relève les constatations de fait de l’arrêt et du jugement qu’il s’approprie, à savoir : que la décision du 29 avril 2005 décide de retirer l’aide sociale à partir de la date du 1er septembre 2001 ; que la décision du 6 avril 207 fixe le montant à récupérer à 23.133,53 € et qu’après que la dame A.K. eut formé un recours contre ces décisions, c’est ce montant qui a fait l’objet de l’action reconventionnelle introduite par le C.P.A.S.

Elle décide que, en s’abstenant, dans ces circonstances, d’examiner le moyen résultant de la prescription de l’action du défendeur, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision de condamner la dame A.K. à rembourser la somme de 23.133,53 € au C.P.A.S.

Intérêt de la décision

Il était généralement soutenu que, lorsqu’il s’agit d’une action en paiement introduite par un assuré social contre une institution de sécurité sociale, le juge doit soulever d’office le moyen de prescription en faveur de cette institution. Par contre, et sauf exceptions particulières, la prescription de l’action en récupération, même dans les matières de sécurité sociale d’ordre public, ne revêt pas un caractère d’ordre public en sorte que le juge ne peut soulever d’office le moyen de prescription (cf. à cet égard M. Dumont : le juge peut-il [ou doit-il] soulever d’office la prescription ? In Regards croisés sur la sécurité sociale, La révision, la récupération de l’indu et la prescription, CUP, Anthémis, 2012, pp. 157 et ss. ; A. Vermote : La prescription en droit social, EPDS, 2009/2, Kluwer, pp. 109 et ss.).

L’intérêt de l’arrêt de la Cour de cassation est de préciser clairement que le moyen de prescription d’une récupération d’indu est d’ordre public en faveur de l’assuré social et doit donc être soulevé d’office par le juge.

Cet arrêt concerne la matière de l’aide sociale mais il n’y a pas à notre estime de raison de limiter son enseignement à cette branche de la sécurité sociale. Encore faut-il, lorsque l’exception de prescription n’a pas été soulevée devant le juge du fond ni examinée par lui, que les constatations de la décision attaquée permettent de soulever le moyen pour la première fois devant la Cour de cassation.


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