Terralaboris asbl

Sécurité sociale des travailleurs salariés : cas de désassujettissement d’office

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 mars 2014, R.G. 2012/AB/323

Mis en ligne le lundi 12 mai 2014


Cour du travail de Bruxelles, 12 mars 2014, R.G. n° 2012/AB/323

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 mars 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les pouvoirs de l’O.N.S.S. sur le contrôle de l’existence d’un contrat de travail entraînant l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés, et ce eu égard à l’exigence de la réalité des prestations vantées.

Les faits

En décembre 2010, l’O.N.S.S. notifie à un assuré social une décision de désassujettissement. Le motif à la base de celle-ci est le caractère fictif des prestations vantées pour compte d’une société. Suite à un recours introduit par l’intéressé devant le tribunal du travail, la décision est confirmée. Il interjette appel, considérant qu’il apporte la preuve de l’existence du contrat et de la réalité des prestations effectuées.

La décision de la cour

La cour se penche en premier lieu sur les éléments de fait susceptibles de contribuer à prouver la réalité des prestations de travail déclarées par la société. Elle constate l’absence de toute formalité administrative obligatoire, dans son chef (absence de déclaration à l’impôt des sociétés pendant la durée d’occupation, absence de déclaration TVA, absence de comptes annuels). Sur le plan matériel, la société ne possède aucun bien, ne semble avoir qu’un seul listing de clients et l’huissier instrumentant n’a pas trouvé de trace à l’adresse du siège social. Celle-ci étant par ailleurs tombée en faillite, la cour constate que le curateur a également eu peu d’éléments quant à l’existence d’une activité quelconque (absence de compte bancaire, d’actif,…). Elle relève également que les personnes présentées comme travailleurs sont dans l’impossibilité de déterminer les prestations qu’ils auraient effectuées.

Elle décide dès lors de confirmer le jugement du tribunal, rappelant les principes dans l’hypothèse du désassujettissement.

Sur le plan de la preuve, l’absence de prestations doit être établie par l’O.N.S.S., ce qui est le cas en l’espèce, puisque plus aucune activité économique n’était exercée depuis plusieurs années et que les éléments pointés ci-dessus constituent des preuves indiscutables de la chose.

Il ne pouvait dès lors se concevoir qu’un travailleur entre au service d’une société qui n’était plus active depuis plusieurs années, faits qui en eux-mêmes sont susceptibles de justifier le désassujettissement du régime général de sécurité sociale.

La cour en vient aux documents sociaux produits. Ceux-ci sont, pour elle, dénués de toute force probante, même s’ils ont été élaborés avec la complicité (consciente ou non) d’un secrétariat social.

Enfin, sur le pouvoir de l’O.N.S.S. de remettre en cause les éléments qui lui sont produits et de décider du désassujettissement, la cour rappelle que cette décision rentre dans les compétences légales de l’Office.

Quant au travailleur, la cour constate qu’il n’apporte pas la preuve d’éléments susceptibles d’établir l’exercice d’une activité, à savoir des lieux précis, l’identité de collègues et supérieurs, ainsi que des détails sur l’organisation du travail. A cet égard, le seul écoulement du temps ne peut suffire à faire admettre qu’il y a eu déperdition de la preuve, eu égard à la nature des faits. Pour la cour, il y a délai raisonnable, 5 ans seulement s’étant écoulés entre la période visée et aujourd’hui. Dans la mesure où il n’y a même pas d’apparence de réalité des prestations, la situation n’est pas préjudiciable au travailleur.

La cour va encore constater que les documents fiscaux ne permettent pas en eux-mêmes d’accréditer la thèse de prestations effectuées et que, dans les faits, celles-ci ayant été déclarées, elles ont eu pour effet d’aboutir à un remboursement d’impôt, vu le paiement d’un précompte professionnel.

La cour va encore constater qu’ l’intéressé a déjà fait l’objet de décisions judiciaires de même nature concernant des prestations pour d’autres sociétés.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’O.N.S.S. peut procéder, malgré une apparence de légalité des documents qui lui sont soumis, à une vérification de l’exercice réel d’une activité professionnelle salariée susceptible d’ouvrir le droit aux prestations de sécurité sociale.

En l’occurrence, les juridictions du travail, saisies par le travailleur qui s’est vu notifier une décision de désassujettissement d’office, peuvent également réexaminer l’ensemble des éléments produits (éléments comptables et financiers relatifs à l’activité de la société) pour en inférer qu’il y a eu ou non prestations de travail dans le chef de celui qui veut se voir reconnaître la qualité de travailleur salarié.


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