Terralaboris asbl

La stabilité d’emploi dans le secteur public ne constitue pas un élément d’appréciation de l’incapacité permanente

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 octobre 2007, R.G. 45.597

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 15 octobre 2007, R.G. 45.597

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 15 octobre 2007, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’existence d’une stabilité d’emploi dans le chef de l’accidenté du travail ne constitue pas un critère pour l’évaluation de l’incapacité permanente de celle-ci, le critère applicable (secteur public ou privé) étant la diminution de la valeur économique sur le marché général du travail.

Les faits

Mme L. est victime d’un accident du travail en date du 9 septembre 1999 alors qu’elle était occupée en qualité de fonctionnaire par une entreprise publique autonome. Le service médical chargé d’évaluer les séquelles de cet accident estima que l’incapacité permanente de travail s’élevait à 25 % à partir du 28 février 2002. Mme L., contestant cette décision, introduisit une procédure devant le Tribunal du travail, qui désigna un expert judiciaire.

Celui-ci conclut, dans son rapport, à la persistance d’une incapacité de travail de 75 %, la consolidation étant fixée au 1er octobre 2001. Le Tribunal fit siennes ces conclusions, relevant, dans le corps du jugement, que les parties en sollicitaient l’entérinement.

La position des parties

L’employeur interjeta appel de la décision, faisant grief au premier Juge de ne pas avoir tenu compte, dans l’évaluation de l’incapacité permanente, de l’existence d’une stabilité d’emploi, celle-ci permettant, par ailleurs, de limiter l’incapacité permanente à 25%.

Mme L. invoqua l’irrecevabilité de l’appel, au motif qu’ayant marqué son accord sur les conclusions de l’expertise et sollicité leur entérinement, l’employeur ne dispose d’aucun intérêt à interjeter appel. Elle demandait, au fond, la confirmation du jugement. Enfin, elle sollicitait la condamnation de l’appelant au paiement de dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire, invoquant une légèreté fautive dans son chef (faire appel alors qu’il était d’accord sur les conclusions de l’expert).

La décision de la Cour

Quant à la recevabilité, la Cour relève que les demandes d’entérinement invoquées dans le jugement ne sont pas reprises au procès-verbal d’audience, ni sur aucune autre pièce de la procédure (hormis le jugement). La Cour estime qu’une erreur du juge est concevable, autorisant un appel en vue de corriger celle-ci. Par ailleurs, elle note que le rapport d’expertise peut être contesté à tout moment.

Sur le fond, la Cour précise que la mission confiée par un jugement interlocutoire non attaqué ne visait pas le critère de la stabilité d’emploi comme l’un des critères de l’appréciation de l’incapacité permanente. Pour la Cour, en l’absence d’appel quant au contenu de la mission, le jugement attaqué ne peut être réformé uniquement parce qu’il reprend les conclusions du rapport d’expertise, déposé conformément à la mission.

Par ailleurs, la Cour rappelle que le dommage réparable dans le cadre de l’incapacité permanente est identique dans le secteur privé et dans le secteur public : il s’agit de la diminution de la valeur économique de la victime sur le marché général de l’emploi. Or, c’est bien au regard de ce marché général que l’expert s’est prononcé, en des conclusions complètes et circonstanciées, respectant les règles en vigueur. Elle estime le rapport d’expertise exempt de tout grief.

La Cour précise encore l’absence de fondement de la thèse de l’appelant quant à la prise en compte du critère de stabilité d’emploi, un emploi statutaire pouvant être abandonné ou perdu.

Enfin, quant à la demande pour procédure téméraire et vexatoire, la Cour souligne que l’accès à la justice, et dès lors à l’instance d’appel, est une liberté publique garantie par la Constitution et dont l’exercice ne devient sanctionnable que s’il existe une faute caractérisée ou une légèreté grave. Or, vu l’absence de certitude quant à la position de l’appelante sur l’entérinement du rapport d’expertise, la Cour refuse de reconnaître un caractère téméraire et vexatoire à l’appel.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision réside essentiellement dans la position de principe rappelée par la Cour : l’existence d’une stabilité d’emploi ne constitue pas un critère de l’appréciation de l’incapacité permanente. Rappelons que le fait que la victime ait conservé son emploi (et/ou n’a pas subi de perte de rémunération en raison des séquelles de l’accident) ne constitue en tout état de cause pas un critère d’appréciation de la perte de capacité de travail.

Par ailleurs, concernant la recevabilité d’un appel dirigé, en matière d’accident du travail, contre une décision actant l’accord des parties, l’ont peut encore citer l’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 22 mars 2004 (Chron. D.S., 2005, p. 417).


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be