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Délais de recouvrement des cotisations sociales dans le régime des salariés et des indépendants : absence de différence de traitement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 février 2014, R.G. 2012/AB/243

Mis en ligne le lundi 19 mai 2014


Cour du travail de Bruxelles, 14 février 2014, R.G. n° 2012/AB/243

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 février 2014, la Cour du travail de Bruxelles considère ne pas devoir soumettre à la Cour constitutionnelle une question relative à une différence de traitement entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants eu égard au délai de prescription du recouvrement des cotisations sociales.

Les faits

Une caisse d’assurances sociales a introduit une action aux fins d’obtenir la condamnation d’un travailleur indépendant au paiement de cotisations au statut social.

Le tribunal ayant fait droit à sa demande, l’intéressé interjette appel, invoquant essentiellement la prescription de la demande et faisant état d’une discrimination entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants, le délai de recouvrement étant pour ces derniers de cinq ans, alors qu’il est de trois ans dans le régime des travailleurs salariés.

La caisse fonde sa demande sur le fait que, s’agissant d’un travailleur pensionné qui a poursuivi une activité d’indépendant, un premier litige a opposé celui-ci à l’Office national des Pensions, litige clôturé par arrêt de la Cour du travail du 20 avril 2006. Sa demande est fondée sur le dépassement des revenus professionnels autorisés dans le cadre de cette activité poursuivie après l’âge de la pension. Elle considère par ailleurs que la différence dans les délais de prescription n’est pas constitutive d’une différence de traitement.

Décision de la cour du travail

La cour constate que le fondement de la demande réside dans l’arrêt rendu dans la cause opposant l’intéressé à l’Office national des Pensions, décision qui a constaté le dépassement des limites de revenus autorisées par la réglementation. Les cotisations étant réclamées sur la base des revenus constatés dans cette procédure (et l’actuelle procédure ayant précisément été suspendue dans l’attente de cette décision), la cour considère qu’ils doivent servir de base au calcul des cotisations réclamées.

La cour répond, ensuite, à la question relative à une éventuelle discrimination des travailleurs indépendants par rapport aux travailleurs salariés. Elle rappelle que, contrairement à la rémunération de ces derniers, les revenus servant de base au calcul des cotisations au statut social ne sont pas connus au fur et à mesure de leur encaissement mais au plus tôt lors de la deuxième année suivant l’encaissement des recettes brutes de l’indépendant, c’est-à-dire après la déclaration à l’impôt et l’enrôlement fiscal.

Les catégories de travailleurs ne sont dès lors pas comparables et, vu ce décalage dans le régime des travailleurs indépendants, elle considère raisonnable d’appliquer des règles de prescription spécifiques pour le recouvrement des cotisations sociales.

Elle rejette dès lors la demande de question préjudicielle, rappelant que pour qu’il y ait discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, la différence de traitement doit être constatée dans des situations comparables et qu’elle ne doit pas, par ailleurs, être justifiée par des motifs objectifs.

Un tel constat ne peut être fait en l’espèce, vu le décalage temporel entre la fixation des revenus des salariés et des indépendants.

Elle conclut dès lors à une justification objective.

Enfin, examinant les éléments du dossier elle constate que la prescription a été interrompue selon les modes admis en la matière étant, en l’espèce, par un courrier recommandé.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle une règle de base en ce qui concerne le contrôle de constitutionnalité des normes, étant qu’il s’agit de vérifier si des personnes dans une situation comparable se voient appliquer un traitement différent ou si, alors qu’elles sont dans une situation non comparable, elles se voient réserver un traitement identique. La cour rappelle en outre qu’une différence de traitement peut exister à la condition d’être justifiée par des motifs objectifs.

En l’espèce, il est clair que la situation des deux catégories de travailleurs est différente sur le plan de la détermination des revenus servant de base au calcul des cotisations. La cour précise que le délai pour les travailleurs indépendants se trouve ainsi allongé de deux ans (soit le laps de temps nécessaire pour que les revenus déclarés soient enrôlés par l’administration fiscale). L’on constatera que la prescription dans ce régime est allongée de deux ans par rapport au régime des travailleurs salariés.


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