Terralaboris asbl

Cotisations au statut social des travailleurs indépendants et recours fiscal

Commentaire de C. trav. Mons, 13 septembre 2013, R.G. 2012/AM/126

Mis en ligne le mardi 3 juin 2014


Cour du travail de Mons, 13 septembre 2013, R.G. n° 2012/AM/126

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 septembre 2013, la Cour du travail de Mons rappelle la règle selon laquelle en cas de recours fiscal, la prescription en vue du recouvrement de cotisations de sécurité sociale court à dater du prononcé de la décision statuant sur le recours judiciaire statuant sur cette contestation.

Les faits

L’INSASTI introduit une action contre une travailleuse indépendante ainsi que contre deux sociétés, responsables solidaires du paiement des cotisations dues par celle-ci (administratrice). Les exploits d’introductifs d’instance datent du 31 mars 2005 et les cotisations sont relatives à la période du 2e trimestre 1992 au 4e trimestre 1997.

Par jugement du 19 septembre 2011, le Tribunal du travail de Tournai considère qu’il y a prescription partielle, eu égard à l’existence d’un litige fiscal pour les années 1993, 1994 et 1995 (exercices d’imposition 1994, 1995 et 1996). Pour ces trois années, il y a condamnation de l’intéressée et des deux sociétés, solidairement.

Appel est introduit par l’INASTI.

Décision de la cour du travail

La cour est saisie essentiellement de la question de la prescription des actions en recouvrement des cotisations prévues par l’arrêté royal n° 38 organisant le statut social des travailleurs indépendants. Son article 16, § 2 fixe en effet le délai à cinq ans à dater du 1er janvier qui suit l’année pour lesquelles les cotisations dont dues. Or cette prescription ne peut courir, conformément à l’article 2257 du Code civil, à l’égard d’une créance conditionnelle et ce jusqu’à ce que la condition arrive. C’est la situation en cas de recours fiscal. Le délai prend dans cette hypothèse cours à la date à laquelle l’assujetti est averti du montant définitif des revenus contestés. La cour renvoie à un arrêt de la Cour de travail de Liège (C. trav. Liège, 30 juin 1998, R.G. n° 25.669/97).

Une procédure a effectivement opposé l’administratrice (ainsi que son conjoint) à l’administration fiscale, procédure qui a fait l’objet d’un recours judiciaire devant la chambre fiscale du Tribunal de première instance de Mons, qui a statué par décision du 31 octobre 2007 (désistement d’instance). La cour constate que la prescription pour les années en cause n’a pas pu commencer à courir avant la date du prononcé.

En outre, toutes les cotisations réclamées devaient être calculées sur la base des revenus faisant l’objet de la contestation fiscale en cause, c’est-à-dire que n’étaient pas uniquement visées les trois années en question mais également l’année 1992 (début d’activité) ainsi que 1996 et 1997. Les cotisations relatives à ces années devaient être calculées sur la base des revenus de 1993 (article 41 de l’arrêté royal du 19 décembre 1967 tel qu’en vigueur à l’époque). Plus particulièrement, pour 1992, s’agissant d’un début d’activité et d’une année incomplète, le calcul des cotisations devait intervenir sur les revenus de la première année de référence complète, c’est-à-dire 1993 (article 41 de l’arrêté royal). Pour les deux dernières années, soit 1996 et 1997, elles devaient être calculées sur la base des revenus 1992 et 1993.

La cour conclut dès lors que la prescription n’est acquise pour aucun des chefs de demande.

Elle examine ensuite la question de la solidarité, étant qu’en vertu de l’article 5, § 1, alinéa 3 de l’arrêté royal n° 38, il y a responsabilité solidaire des personnes morales avec leurs associés ou mandataires en ce qui concerne les cotisations de ces derniers. Le but de la réglementation est, par le biais de ce mécanisme, de garantir le recouvrement des cotisations en cas de mandat. Elle poursuit par l’analyse des effets de cette solidarité, étant qu’elle concerne toutes les cotisations visées et couvre également les accessoires ainsi que les intérêts et les frais et dépens, qui en constituent le complément. La cour rappelle également qu’il n’y a pas de responsabilité solidaire partielle pour une personne morale, en cas de mandat exercé auprès d’autres sociétés, une société ne pouvant ainsi demander une ventilation de la dette au prorata des revenus liés à l’exécution de chacun des mandats. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 6 juin 1988, Pas., I, p. 609).

Pour la cour du travail, l’appel de l’INASTI est dès lors fondé.

La cour se prononce, enfin, sur la question des dépens, étant que l’arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l’article 1022 du Code judiciaire se réfère à la notion d’affaires en cours pour l’application des nouveaux tarifs. La cour du travail renvoie à la notion d’affaires en cours dans la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 27 octobre 1977, Pas., 1998, I, p. 252), étant qu’il faut entendre par là toute cause non encore jugée lors de l’entrée en vigueur des dispositions nouvelles. En l’espèce, sont visées les affaires qui ne sont pas encore jugées au 1er janvier 2008. Il faut dès lors, pour celles-ci, appliquer les tarifs en vigueur au jour de la clôture des débats.

En l’espèce, s’agissant d’une demande portant sur près de 9.750€, le montant de l’indemnité de procédure devait être, pour la première instance, de 900€ (outre autres dépens) et, vu l’indexation intervenue le 1er mars 2011, l’indemnité de procédure d’appel est de 990€.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une règle douloureuse, en matière de prescription dans l’hypothèse où restent dues des cotisations et qu’un recours fiscal a été introduit. Les effets de celui-ci sont de postposer le point de départ du délai de prescription et, comme en l’espèce, si les revenus des années non prescrites ont eu pour conséquence d’influencer le montant des cotisations pour les autres années, c’est l’ensemble de celles-ci qui va être revu, de telle sorte que ces cotisations échappent à l’exception de prescription pour le tout. Il s’agit en l’occurrence d’un début d’activité intervenant en cours d’année ainsi que de deux années ultérieures, pour lesquelles le montant des cotisations est fixé sur la base des revenus faisant l’objet d’un recours fiscal.


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