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Allocations aux personnes handicapées : catégorie en cas de cohabitation avec un enfant de plus de 25 ans sans revenus

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 avril 2014, R.G. 2011/AB/178

Mis en ligne le jeudi 12 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 7 avril 2014, R.G. n° 2011/AB/178

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 7 avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine la catégorie de bénéficiaire à retenir pour le calcul de l’allocation de remplacement de revenus, en cas de cohabitation avec un fils âgé de plus de 25 ans et sans revenus.

Les faits

Madame H., née en 1958, vit avec son fils, depuis 1998.celui-ci est né en 1977. Il n’a pas d’activité professionnelle et est sans revenus. Il souffre d’une affection de nature psychiatrique.

Le conjoint ne va, pendant la période en cause, pas cohabiter avec son épouse (même s’il est repris pour une partie de celle-ci dans les registres). Celle-ci demande le bénéfice d’allocations aux personnes handicapées en 2006 et, par attestation générale du 15 février 2008, le Service admet la réduction de la capacité de gain à un tiers ou moins ainsi qu’une réduction d’autonomie de 5 points sur 18.

Deux décisions sont cependant prises ultérieurement, l’allocation d’intégration étant refusée au motif qu’il n’est pas satisfait aux conditions médicales et l’allocation de remplacement de revenus étant refusée également mais ensuite accordée (réduite cependant) eu égard à la catégorie à retenir. Dans un premier temps, l’intéressée est rangée dans la catégorie A vu qu’elle ne vit ni en ménage ni isolément et cohabite avec son fils âgé de plus de 25 ans. Elle est ensuite rangée dans la catégorie C vu que le registre national fait apparaitre qu’elle formerait un ménage avec son conjoint, depuis 1997 (ce qui n’est cependant pas le cas).

En 2010, une revision d’office intervient, supprimant l’allocation de remplacement de revenus eu égard à la condition de revenus. L’intéressée est à nouveau rangée dans la catégorie A, les mentions du registre national ayant fait apparaître que le mari aurait quitté le domicile en octobre 2008 et qu’elle était de ce fait cohabitante avec son fils âgé de plus de 25 ans.

Des recours sont introduits par l’administrateur provisoire de l’intéressée, contre l’ensemble des décisions intervenues.

Par jugement du 2 février 2011, le Tribunal du travail de Bruxelles déboute l’administrateur provisoire.

Appel est interjeté.

Décision de la cour du travail

La cour constate que la contestation porte sur la question de la catégorie de bénéficiaire pour la détermination de l’allocation de remplacement de revenus. C’est la situation du fils, cohabitant, qui va influencer celle-ci, eu égard à son âge et à l’absence de revenus dans son chef.

La cour rappelle les catégories fixées par la loi du 27 février 1987 sur les allocations aux handicapés (montant de base pour la catégorie A, 150% du montant de base pour la catégorie B et 200% pour la catégorie C). Ces catégories sont précisées dans l’arrêté royal du 6 juillet 1987 comme visant les personnes handicapées soit établies en ménage soit avec un ou plusieurs enfants à charge (catégorie C), les personnes handicapées qui soit vivent seules, soit séjournent nuit et jour dans une institution de soins depuis trois mois et n’appartenaient pas à la catégorie C auparavant (catégorie B) et les personnes qui n’appartiennent à aucune des deux catégories ci-dessus (catégorie A).

La cour rappelle qu’un enfant de plus de 25 ans n’est pas un enfant à charge au sens de la réglementation et qu’il ne peut davantage constituer un ménage avec un de ses parents. La loi détermine en effet ce qu’il faut entendre par ménage : c’est la cohabitation de deux personnes qui ne sont pas parentes ou alliées jusqu’au 3e degré.

Il en découle qu’une personne handicapée vivant avec un enfant de plus de 25 ans doit être classée dans la catégorie A. En effet, elle ne vit pas seule et ne constitue pas un ménage (n’étant pas non plus considérée comme ayant un enfant à charge).

La cour conclut dès lors que la mère ne formait pas un ménage avec son fils.

Elle examine ensuite la question d’absence de revenus dans le chef du fils. L’administrateur provisoire fait en effet valoir que de ce fait, l’intéressée ne retire aucun avantage économique de cette cohabitation, le fils étant en réalité à sa charge à elle.

L’administrateur provisoire renvoie, sur ce point, à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation en matière de revenu d’intégration (C. const. 10 novembre 2011, arrêt n° 176/2011 et Cass., 21 novembre 2011, RG n° S110067F), selon laquelle le bénéficiaire vivant sous le même toit qu’un étranger en séjour illégal n’a pas la qualité de cohabitant, dans la mesure où il ne tire pas de la cohabitation un avantage économico-financier.

La cour constate ne pas pouvoir suivre cette argumentation, au motif d’abord de la différence des critères dans l’établissement des catégories de bénéficiaires dans les deux réglementations. Par ailleurs, le cas n’est pas comparable, s’agissant de la cohabitation avec un étranger en séjour illégal, qui ne peut percevoir aucune allocation sociale et ne peut non plus acquérir un revenu provenant du travail. La situation en l’espèce est considérée comme différente d’une part eu égard à la nationalité (européenne) du fils et d’autre part du peu d’explications données quant à sa situation personnelle et son droit éventuel à bénéficier d’allocations sociales. Pour la cour, si celui-ci est resté en défaut de faire valoir ses droits à cet égard, il n’est pas justifié de faire reposer les conséquences de cet état de choses sur le régime des allocations aux personnes handicapées, régime non contributif. Elle confirme dès lors le jugement sur ce point.

Enfin, l’administrateur provisoire invoquant une modification de la situation de fait (changement d’adresse du fils en cours de procédure), la cour rappelle qu’elle est tenue, eu égard à cet élément nouveau, d’examiner la situation nouvelle telle qu’elle est présentée, à dater du changement de résidence, fait qui est de nature à avoir une incidence sur le droit de l’intéressée aux allocations. La cour rappelle ici que tous les éléments de fait qui lui sont régulièrement soumis et qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur le droit litigieux doivent être pris en considération (enseignement de la Cour de cassation dans son arrêt du 22 mai 2006, Chron. D.S., 2007, p. 72). Elle va dès lors rouvrir les débats sur l’incidence de cette situation nouvelle quant aux allocations demandées.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme de détermination des catégories de bénéficiaires dans le cadre des prestations aux personnes handicapées, la spécificité du secteur étant de définir deux catégories bien précises (les personnes établies en ménage ou ayant un ou plusieurs enfants à charge d’une part ainsi que les personnes vivant seules ou étant jour et nuit en institution depuis trois mois) ainsi qu’une troisième catégorie, dans laquelle figurent tous ceux qui ne peuvent être rangés dans les catégories précédentes.

L’enfant cessant d’avoir la qualité d’enfant à charge à partir de 25 ans, une cohabitation de ce type va modifier la catégorie de bénéficiaire.


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