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Contrat de travail entre époux : conditions d’existence d’un lien de subordination

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 27 mars 2014, R.G. 2012/AB/618

Mis en ligne le vendredi 13 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 27 mars 2014, R.G. 2012/AB/618

Terra Laboris A.S.B.L.

Dans un arrêt du 27 mars 2014, la Cour du travail de Bruxelles reprend les conditions légales d’existence d’un contrat de travail, dans l’hypothèse où le lien de subordination est présenté comme existant entre deux conjoints.

Les faits

L’O.N.S.S. procède au désassujettissement d’un employé pour son occupation auprès d’une S.P.R.L. L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail de Nivelles, qui, par jugement du 1er juin 2012, le déboute.

Appel est interjeté par celui-ci, qui demande à la cour du travail de réexaminer l’ensemble des éléments présentés comme établissant l’existence d’un lien de subordination.

Position de la cour

La cour constate que l’affaire implique un couple, l’assujettissement du mari ayant été annulé par l’Office suite à une enquête et une audition.

La cour du travail constate qu’il ressort des éléments du dossier que la S.P.R.L. a été constituée par le mari en 1991, avec pour objet social une activité d’import-export. En 2006, la situation a été modifiée, l’épouse étant nommée gérante et l’objet social étant étendu à des activités de conseil et d’assistance en matière de gestion et d’administration de sociétés. A ce moment, le mari est déclaré comme travailleur salarié. Il est présenté comme étant employé administratif. Son contrat de travail est rompu le 30 avril 2007.

L’O.N.S.S. procède alors à une enquête administrative et auditionne les intéressés. C’est suite à ces mesures d’instruction qu’il y a désassujettissement pour les premier et deuxième trimestres 2007, la décision étant notifiée le 22 septembre 2010.

La cour rappelle, dans son examen du cas, les principes à prendre en compte, dans la présente hypothèse, où l’on est en présence d’un contrat de travail écrit et signé par l’appelant (comme travailleur) et son épouse (comme représentante de la société). La cour se pose la question de savoir s’il existe des éléments qui permettent d’exclure la qualification donnée par les parties à leur convention, la qualification choisie étant celle de contrat de travail. Dans les trois composantes du contrat de travail (travail, rémunération et lien de subordination), c’est bien évidemment, comme le relève précisément l’arrêt, la question du lien de subordination qui pose question, s’agissant de la caractéristique du travail salarié. Après avoir considéré que le degré de parenté ou d’alliance entre les parties au contrat de travail n’exclut pas l’existence d’un tel contrat, et que l’autorité doit être possible, la cour procède à un examen fouillé des éléments de fait.

Elle constate que, pendant la période où le mari était gérant (et propriétaire) de la société, son épouse effectuait à domicile le travail de secrétariat (étant l’activité de la société, exercée pour compte d’un seul client). La modification de structure intervint à l’initiative du mari. L’épouse devint alors gérante et lui-même se garda la gestion administrative et la prospection commerciale. C’est lui qui décida de la rédaction et de la signature d’un contrat de travail, formalité dont il prit l’initiative, ainsi que, lors de la rupture du contrat, pour ce qui est des formalités vis-à-vis de l’ONEm.

La cour relève encore qu’il résulte des auditions séparées du couple que l’épouse était très peu au courant de l’activité de son mari. L’arrêt constate dès lors qu’il n’y aucun indice de contrôle ou de directives que celle-ci aurait données, en ce compris pour la période où elle devint gérante de la société.

La cour va encore relever, à partir des éléments de fait, que c’est le mari qui est resté le maître d’œuvre de l’ensemble de l’opération, en ce compris dans la forme juridique mise en place. Elle conclut dès lors à l’apparence de contrat, vu l’absence de tout lien de subordination.

L’appel est dès lors déclaré non fondé, la décision de désassujettissement d’office prise par l’O.N.S.S. étant confirmée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle le pouvoir de l’Office de décider, d’initiative, sur la base d’éléments issus de mesures d’instruction, du désassujettissement de travailleurs salariés au régime de sécurité sociale. Il s’agit d’hypothèses où la réalité des prestations de travail ne permet pas de conclure – en général – à l’existence d’un lien de subordination. La particularité du cas d’espèce est qu’il concerne des époux, ainsi qu’une petite société créée par l’un de ceux-ci, pour laquelle il décide, en cours de route, de procéder à une modification de gérant. Dans un jeu de « chaises musicales », le gérant devient, de sa propre initiative, simple employé administratif, restant au contrôle de la société, alors que le gérant, installé par lui-même (son épouse en l’occurrence), n’est pas en mesure d’exercer un lien d’autorité sur lui. Il est logique que, dans ces conditions, la cour, qui a recherché les indices d’autorité et admis que celle-ci pouvait exister entre conjoints et qu’il pouvait y avoir contrat de travail dès lors que l’autorité de l’employeur est seulement possible, n’ait en l’occurrence rien trouvé qui eut permis de contester la décision de l’O.N.S.S.


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