Terralaboris asbl

Plans formation insertion (PFI) : légalité de la clause d’engagement (pas de clause d’essai)

Commentaire de Trib. trav. Tournai, section Mouscron, 12 février 2010, R.G. 08/201.004/A

Mis en ligne le mardi 1er juillet 2014


Tribunal du travail de Tournai (section Mouscron), 12 février 2010, R.G. 08/201.004/A

TERRA LABORIS ASBL

Dans un jugement du 12 février 2010, le Tribunal du travail de Tournai pose deux questions à la Cour constitutionnelle relatives à la légalité des dispositions contenues dans l’article 8 du décret du Conseil régional wallon du 18 juillet 1997.

Les faits

Une société mouscronnoise signe une convention de formation insertion en entreprise avec un sieur V., convention cosignée par le FOREm. Il s’agit d’un contrat pour la période du 11 avril au 9 octobre 2007. L’évaluation finale est considérée comme peu satisfaisante. Le rapport d’évaluation, signé par les trois parties, reprend la mention selon laquelle suite aux hésitations du stagiaire, l’employeur prend sur lui de ne pas lui offrir un contrat de travail. Le FOREm indiquera sur le formulaire C91 que la formation a été menée à son terme mais que l’employeur a changé d’avis, n’ayant pas offert de contrat à l’issue du PFI.

L’ONEm va constater que l’obligation d’occuper le stagiaire consécutivement au contrat de formation – insertion dans les liens d’un contrat de travail dans la profession apprise n’a pas été respectée et que, de ce fait, il y a lieu pour l’employeur de rembourser au FOREm les indemnités pour frais de déplacement octroyées au stagiaire.

L’organisation syndicale postule, ultérieurement, paiement d’une indemnité correspondant à la rémunération qui aurait été perçue si la société avait respecté son obligation, étant d’occuper le travailleur pour une durée au moins égale à celle de la formation.

Une requête contradictoire sera déposée au greffe le 7 août 2008 et une citation en intervention forcée et garantie sera signifiée au FOREm.

Position du Tribunal

Le Tribunal est confronté à une question de principe, posée par la société.

Pour celle-ci, le décret du Conseil régional wallon aboutit en effet à restreindre la liberté des parties et viole dès lors l’article 6, § 1er, IV, alinéa 5, 12° de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, qui dispose (essentiellement) que l’autorité fédérale est seule compétente pour le droit du travail et la sécurité sociale.
Dès lors, la société demande que soit posée à la Cour constitutionnelle deux questions préjudicielles :

  • d’une part sur la violation de la disposition précitée de la loi spéciale du 8 août 1980, vu l’obligation (contenue dans l’article 8 du décret du Conseil régional wallon) pour l’employeur qui s’est engagé à former un stagiaire d’occuper celui-ci consécutivement au contrat de formation insertion, et ce dans les conditions qui y sont prévues,
  • d’autre part sur la violation par l’article 8 du décret de l’article 10 de la loi spéciale du 8 aout 1980 qui énonce que les décrets peuvent porter sur des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l’exercice de leurs compétences. Pour la société, le décret du Conseil régional wallon est en effet susceptible de contenir des dispositions contraires à la loi du 3 juillet 1978, puisqu’il ne prévoit pas la possibilité de prévoir une clause d’essai alors que celle-ci est possible selon la loi.

Le tribunal considère que se pose effectivement la question de savoir si le décret n’aboutit pas à imposer la conclusion d’un contrat de travail et plus particulièrement à empêcher concrètement la conclusion d’une clause d’essai ou en tout cas son effectivité, contrairement à la possibilité existant dans la loi du 3 juillet 1978.
Il relève sur ce point un article de doctrine (DEAR L. et DAVAGLE M., « Le contrat de formation – insertion en entreprise : une réglementation incertaine aux conséquences méconnues », J.T.T. , 2008, p. 361 – et jurisprudence citée), selon lequel il y aurait dans cette thèse atteinte à la liberté contractuelle telle que règlementée en droit du travail ainsi que violation des règles de répartition des compétences. Pour le tribunal, se pose la question de savoir si le législateur décrétal peut imposer à un employeur, plusieurs mois avant la signature d’un contrat de travail, de renoncer à la faculté prévue par le législateur fédéral d’assortir le contrat de travail d’une clause d’essai. La question est d’autant plus sensible que la convention de formation fera l’objet d’une évaluation et que celle-ci peut donner une conclusion allant dans le sens de prestations insatisfaisantes.

Pour le tribunal, il y a lieu, en conséquence, de faire droit à la demande de la société. Les deux questions préjudicielles soumises par celle-ci sont dès lors posées à la Cour constitutionnelle.

Intérêt de la décision

En saisissant la Cour constitutionnelle de la question, le Tribunal du travail l’interroge, en fait, sur la légalité du système de PFI, tant sur la compétence qu’avait le Conseil régional wallon pour organiser ce type de mise à l’emploi que sur la suppression, de facto, de la possibilité de recourir au mécanisme de l’essai en début de contrat de travail.

Affaire à suivre donc.


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