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Revenu d’intégration sociale : obligations respectives des parties

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 29 juin 2011, R.G. 2010/AB/365

Mis en ligne le mardi 1er juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 29 juin 2011, R.G. 2010/AB/365

Dans un arrêt du 29 juin 2011, la cour du travail de Bruxelles rappelle en les synthétisant les obligations des parties lors d’une demande de revenu d’intégration sociale, eu égard au texte de la loi du 26 mai 2002 et aux règles fixées par la charte de l’assuré social

Les faits

Suite à une exclusion des allocations de chômage pour une période de 27 semaines, un assuré social se tourne vers le CPAS aux fins de solliciter le revenu d’intégration sociale. Sa demande est rejetée au motif qu’il n’aurait pas produit des documents (attestation de l’office de paiement des allocations de chômage confirmant l’absence de paiement de celles-ci1, ainsi que document C4 relatif à son dernier emploi).

L’intéressé introduit un recours devant le tribunal du travail, qui le déboute, au motif d’absence de collaboration.

Décision de la cour du travail

La cour du travail procède d’abord au rappel des conditions d’octroi du revenu d’intégration (résidence effective en Belgique, majorité, nationalité, absence de ressources suffisantes, disposition au travail et obligation de faire valoir ses droits à d’autres prestations s’il échet).

Elle précise que le devoir de collaboration ne figure pas parmi ces conditions d’octroi, ce qui avait déjà été dégagé par la Cour de cassation en matière de minimex (Cass., 27 fév. 1995, Pas., 1995, p. 227).

Il peut cependant constituer un obstacle à l’intervention du CPAS s’il empêche celui-ci d’effectuer l’examen des conditions d’octroi. En vertu de la loi du 26 mai 2002, le CPAS est en effet tenu de procéder à une enquête sociale lors de toute demande de RIS, enquête qui doit porter sur tous éléments utiles pour l’examen du droit. L’article 19 § 2 de la loi dispose expressément que le demandeur doit collaborer à cette enquête et fournir tous éléments utiles sur sa situation. Dans le cadre de cette enquête, le CPAS a cependant à sa disposition des possibilités d’investigation offertes par la banque-carrefour de la sécurité sociale, l’article 11 de la loi du 15 janvier 1990 relative à l’institution et l’organisation de celle-ci disposant que, lorsque les données visées sont disponibles dans le réseau, elles doivent être demandées exclusivement à la banque-carrefour. Pour la cour, il en découle qu’un manque de collaboration d’un demandeur de RIS ne peut être invoqué si les renseignements demandés peuvent être obtenus par ce canal.

Mais des précisions supplémentaires sont données par la Charte, puisque dans son article 11 elle fixe une procédure pour l’instruction des demandes, précisant que l’institution de sécurité sociale doit recueillir d’initiative toutes les informations faisant défaut en vue d’apprécier les droits du demandeur. Une demande peut être adressée à celui-ci en vue d’obtenir des renseignements complémentaires et ce n’est qu’en cas de silence supérieur à un mois après un rappel (sauf demande de l’intéressé de voir augmenter le délai de réponse) que l’institution peut statuer sur la base des renseignements dont elle dispose, tout en ayant cependant accompli toute démarche utile en vue de l’obtention desdits renseignements.

Ceci signifie pour la cour que l’articulation entre les comportements des parties est la suivante : (i) obligation pour le CPAS de demander à l’assuré social les renseignements qu’il souhaite obtenir et fixation d’un délai pour la réponse ; (ii) obligation d’adresser un rappel si la réponse n’est pas parvenue dans le délai fixé ; (iii) obligation pour le CPAS de faire toute démarche utile pour obtenir les renseignements en cause avant d’en tirer des conséquences pour l’assuré et (iv) obligation pour celui-ci de faire connaître les motifs justifiant éventuellement un allongement du délai pour répondre.

La cour examine ensuite la question de la disposition au travail, condition d’octroi au sens légal, dont elle rappelle qu’elle est une notion essentiellement relative (la cour renvoyant à C. trav. Liège, 6 nov. 2008, R.G., n° 8284/06) et qui doit être appréciée notamment au regard du soutien accordé par le CPAS à l’intéressé dans la recherche d’un emploi. Cette position est en effet rencontrée régulièrement en jurisprudence (voir notamment C. trav. Liège, 18 déc. 2006, R.G., n° 33638/05 et 18 mai 2005, R.G., n° 32840/04 ainsi que C. trav. Bruxelles, 22 oct. 2009, R.G., n° 51.089).

Appliquant ces principes au cas d’espèce, la cour constate l’absence d’aide offerte par le CPAS dans la recherche d’un emploi. L’intéressé ayant cependant régulièrement retravaillé dans le cadre de contrats d’intérim de courte durée, sa disposition au travail est établie.

Par ailleurs, elle considère que l’on ne peut lui faire grief d’un manque de collaboration, les obligations ci-dessus n’ayant pas été respectées, à savoir : (i) absence de rappel envoyé (manquement à l’article 11 de la Charte) ; (ii) caractère non fondé des reproches formulés dès lors que les conditions d’octroi ont pu être vérifiées. Elle relève en outre expressément que le CPAS aurait pu, via la banque-carrefour, avoir toutes informations quant aux contrats de travail, vu les DIMONA rentrées lors des engagements.

Intérêt de la décision

Dans ce bref arrêt, la cour dégage une méthode et des critères clairs permettant de vérifier à la fois les conditions d’octroi du RIS ainsi que l’étendue de l’obligation de collaboration dans le chef de l’assuré social. L’intérêt particulier de l’arrêt réside dans le renvoi à l’article 11 de la loi sur la banque-carrefour, qui fait obligation aux institutions de sécurité sociale de se tourner exclusivement vers celle-ci pour toutes les données qui y sont disponibles. La cour déduit de ce texte que pour les informations relatives aux données en cause, l’on ne peut dès lors reprocher à l’assuré social un refus de collaboration au cas où lui-même ne les fournirait pas.


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