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Accident du travail dans le secteur public : prescription d’un recours contre la décision du MEDEX

Commentaire de C. trav. Mons, 11 mars 2014, R.G. n° 2013/AM/194

Mis en ligne le lundi 7 juillet 2014


Cour du travail de Mons, 11 mars 2014, R.G. n° 2013/AM/194

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 11 mars 2014, la Cour du travail de Mons rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation quant au point de départ de la prescription en cas d’accident du travail dans le secteur public : la prescription peut s’apprécier par rapport à la décision médicale si celle-ci est contestée et que l’autorité n’a pas encore notifié sa propre décision.

Les faits

Un enseignant est victime d’un accident sur le chemin du travail le 29 février 2008. Suite à celui-ci, le MEDEX lui notifie en date du 6 octobre la description des séquelles et conclut à une incapacité temporaire jusqu’au 4 mai, la consolidation étant acquise le 5 mai sans séquelles.

L’intéressé fait valoir des éléments médicaux contredisant ces conclusions et, le MEDEX restant sur ses positions, il introduit un recours devant le tribunal du travail. Celui-ci étant formé contre le MEDEX et contre l’établissement d’enseignement (sans personnalité juridique), le recours est rejeté au motif d’irrecevabilité.

Le 22 août 2012, une procédure est introduite contre la Communauté Française. Le tribunal déclare alors la demande prescrite.

Appel est interjeté.

Les moyens de parties

L’intéressé fait essentiellement valoir que le premier juge a confondu délai de recours et délai de prescription. Il fait grief à la décision du MEDEX de na pas mentionner les délais de recours, de telle sorte que, même à supposer qu’il y ait prescription, au sens de l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967, le recours devrait être accueilli, du moins – comme il le précise – pour les indemnités échues moins de trois ans avant l’introduction de la demande.

Décision de la cour du travail

La cour est saisie essentiellement de la question du délai de prescription.

Elle renvoie à l’arrêté royal du 24 janvier 1969, relatif à la réparation des dommages résultant des accidents du travail, arrêté royal applicable en l’espèce. Il prévoit que l’administration de l’expertise médicale notifie au ministre sa décision motivée relative à la détermination du pourcentage d’incapacité. Le ministre (ou son délégué) vérifie ensuite si les conditions d’octroi sont réunies, et ce après examen des éléments du dommage subi. Il fait une proposition de paiement d’une rente, à la victime ou aux ayants droit. Celle-ci doit remplir certaines conditions quant à son contenu (rémunération de base, nature de la lésion, réduction de la capacité et date de consolidation). S’il n’y a pas d’incapacité permanente, la même démarche est à suivre. En cas d’accord de la victime, la proposition est reprise dans un arrêté ministériel.

La cour constate ensuite que, si la loi du 3 juillet 1967 prévoit en son article 20, alinéa 1er, un délai de prescription, étant de trois ans à dater de la notification de l’acte juridique administratif contesté, elle ne contient pas- non plus que l’arrêté royal du 24 janvier 1969 d’ailleurs – de recours spécifique contre la proposition de l’autorité administrative qui ne recueille pas l’agrément de la victime.

Dans la mesure où le MEDEX intervient sur l’aspect médical du dossier, il ne prend pas de décision d’octroi (ou de refus) des prestations et il n’est pas une institution de sécurité sociale visée par la Charte. Les dispositions de celle-ci ne lui sont dès lors pas applicables.

La victime d’un accident du travail dans le secteur public dispose d’une action judiciaire, soumise à un délai de prescription, ce délai étant de trois ans. À l’issue de celui-ci, le droit d’action s’éteint.

La cour renvoie encore à deux arrêts de la Cour de cassation, l’un du 4 juin 2007 (Cass., 4 juin 2007, R.G. n° S.06.0082.F), qui a admis que, lorsque la demande en paiement des indemnités est introduite avant que la décision ait été prise par l’autorité, le point de départ de la prescription peut consister en cette proposition du service médical et non uniquement dans la décision que prendra l’employeur. C’est le cas en l’espèce.

La cour précise encore que l’absence d’indication des voies et délais éventuels de recours dans la décision de l’autorité administrative n’a pas pour effet d’empêcher la prise de cours du délai de prescription (c’est l’enseignement de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 mai 2010 - R.G. n° S.08.0140.F). La cour constate que, en l’espèce, la contestation concerne la décision du MEDEX et que c’est la date où celle-ci a été prise, étant le 6 octobre 2008, qui constitue le point de départ du délai de prescription. L’action été dès lors prescrite le 6 octobre 2011. La citation du 22 août 2012 est tardive.

Intérêt de la décision

Cet arrêt aborde plusieurs points intéressants, étant en premier lieu que l’action judiciaire ne doit pas dans une telle hypothèse être formée contre le MEDEX et que, s’agissant d’un enseignant de l’enseignement libre subventionné, c’est la Communauté Française qui doit être mise à la cause. L’arrêt rappelle également que le MEDEX n’est pas une institution de sécurité sociale au sens de la Charte de l’assuré social.

Il aborde par ailleurs la délicate question de la prescription de l’action dans le secteur public, eu égard à l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2007, qui a admis que le point de départ de la prescription peut être la proposition du service médical si c’est celle-ci qui est contestée, une procédure pouvant être introduite lorsque la décision de l’autorité n’a pas encore été prise.

L’on relèvera, enfin, que la cour rappelle l’arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2010, rendu à propos de l’article 7 de la Charte de l’assuré social. En vertu de cette disposition, les institutions de sécurité sociale et les services chargés du paiement des prestations sociales sont tenus de faire connaître aux personnes intéressées au plus tard au moment de l’exécution toute décision individuelle motivée les concernant et la notification doit en outre mentionner les possibilités de recours existantes ainsi que les formes et délais à respecter à cet effet. L’absence d’indication des délais ainsi que des possibilités de recours n’a pas, pour la Cour suprême, pour effet d’empêcher la prise de cours du délai de prescription en paiement des indemnités. Celui-ci est dès lors indépendant du non respect de l’obligation ci-dessus.


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