Terralaboris asbl

Fermeture d’UTE et obligation de reclassement professionnel

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 mars 2014, R.G. n° 2012/AB/365

Mis en ligne le lundi 7 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 5 mars 2014, R.G. n° 2012/AB/365

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 5 mars 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine, dans le cas d’un travailleur protégé au sens de la loi du 19 mars 1991, la bonne exécution par la société de son obligation de reclassement professionnel figurant dans une convention collective d’entreprise signée lors de la fermeture du site où l’intéressé était occupé.

Les faits

Une importante société du secteur pétrolier décide de fermer une unité technique dans la région bruxelloise et conclut, dans ce cadre, une convention collective de travail d’entreprise avec les représentants syndicaux. Celle-ci prévoit notamment des mesures de reclassement de quelques membres du personnel, sur d’autres sites.

Saisie de la demande de reconnaissance de l’existence de raisons d’ordre économique ou technique, la commission paritaire compétente reconnaît l’existence de celles-ci et le site est fermé.

Un travailleur protégé contre le licenciement (candidat non élu aux élections sociales de 2004) demande à occuper un des postes ci-dessus. Il tombe cependant en incapacité de travail, concomitamment.

Après sa reprise, il passe des tests de compétence et vu leurs mauvais résultats, il est licencié moyennant une indemnité de rupture. Il sollicite ensuite sa réintégration.

Vu l’absence de réaction de la société, il introduit un recours devant le tribunal du travail de Bruxelles.

Celui-ci fait droit à la demande, qui porte sur une indemnité de l’ordre de 95.000€, étant l’indemnité de protection prévue par l’article 17, § 1er de la loi du 19 mars 1991.

La société interjette appel.

Position des parties devant la cour

La société soutient que l’intéressé ne peut bénéficier de l’indemnité de protection, au motif que la procédure prévue par la loi du 19 mars 1991 a été respectée, de même que les obligations prises dans le cadre de la CCT d’entreprise concernant le reclassement.

L’intéressé soutient pour sa part que la procédure relative à la reconnaissance de raisons économiques ou techniques ne peut être invoquée à l’appui de son licenciement, intervenu ultérieurement et alors qu’il ne faisait plus partie de l’unité technique d’exploitation fermée, ayant par ailleurs été reclassé. Il plaide également que la société n’a pas respecté complètement les obligations prises dans le cadre du reclassement et que son échec ne peut dès lors lui être imputé.

Décision de la cour du travail

La cour examine la convention collective d’entreprise, qui porte sur l’existence de raisons d’ordre économique ou technique et prévoit des mesures spécifiques pour le reclassement de certains travailleurs qui devront être licenciés. Vu la mise en place d’un régime spécial de prépension, est prévue la possibilité pour certains ouvriers d’occuper les places ainsi libérées dans d’autres UTE. Il est cependant prévu qu’ils doivent satisfaire à des conditions spécifiques d’engagement (profil de la fonction, motivation, distance à parcourir). La société s’engage parallèlement à assurer un apprentissage ainsi prévu expressément qu’il y aura maximisation du reclassement.

Pour la cour, la levée de protection est certes en lien avec la convention collective mais celui-ci n’est pas une condition expresse de la levée de la protection. En outre, le reclassement n’est pas une obligation de résultat mais de moyen.

La cour examine dès lors les conditions de la réaffectation de l’intéressé, qui a d’ailleurs pu bénéficier d’une situation d’attente avant de passer des tests de compétence pour ce qui est de l’occupation sur un site en région néerlandophone. Elle constate également que celui-ci a accepté de passer les tests, confirmant ainsi le bien-fondé de la procédure suivie.

Au travailleur, qui considère que la société a en fin de compte bénéficié d’une condition purement potestative (étant qu’elle a pu elle-même apprécier les critères d’embauche en vue de la réaffectation), la cour répond que ces critères sont définis (profil de la fonction, motivation et distance à parcourir) et que la sélection des candidats a été confiée à une société spécialisée en ressources humaines. La circonstance que celle-ci ait agi pour compte d’un client n’est pas suffisante pour retenir l’existence d’une condition purement potestative. La cour rappelle à cet égard que, à supposer – quod non – que l’on soit en présence de celle-ci, ce n’est pas la condition qui serait nulle mais l’obligation elle-même, à savoir l’obligation de reclassement.

La cour rappelle encore que ne figure pas dans la décision de la commission paritaire de condition à la levée de la protection. Il en découle que l’absence de reclassement est sans influence sur la reconnaissance des raisons d’ordre économique ou technique.

La cour insiste encore sur l’objectivité de l’évaluation des capacités de l’intéressé et, reprenant des éléments de faits spécifiques à l’espèce, constate qu’il n’y a pas eu de volonté réelle de l’intéressé de satisfaire aux tests exigés pour son déplacement sur le site en région néerlandophone.

Intérêt de la décision

Cet arrêt fait le lien entre deux sources d’obligations, dans le cadre de l’existence de raisons d’ordre économique ou technique au sens de la loi du 19 mars 1991.

La cour rappelle qu’il y a lieu d’examiner en premier lieu les conditions mises par la commission paritaire dans sa décision de reconnaissance de l’existence des motifs d’ordre économique ou technique, et ce aux fins d’apprécier la levée de la protection contre le licenciement.

La cour examine, par ailleurs, l’exécution concrète des engagements pris dans le cadre de la convention collective de travail d’entreprise en vue de réaliser au maximum les conditions du reclassement professionnel des travailleurs du site fermé, eu égard aux possibilités de réaffectation consécutives à des prépensions.


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