Terralaboris asbl

Constatation d’un lien de subordination et travail contre rémunération : existence d’un contrat de travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/718

Mis en ligne le mardi 8 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 23 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/718

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la constatation de l’existence d’un lien de subordination et le paiement d’une rémunération ne peuvent déboucher que sur une conclusion, étant que l’on est en présence d’un contrat de travail (hors exceptions légales).

Les faits

L’ONSS effectue une inspection dans un salon de coiffure où il constate l’occupation d’une travailleuse en qualité de stagiaire. Celle-ci a été engagée dans le cadre d’une convention à entête d’une a.s.b.l. Elle est conclue entre la s.p.r.l. qui gère le salon de coiffure et la travailleuse. Il s’agit d’une convention intitulée « contrat individuel d’insertion professionnelle en entreprise ». La convention est signée également par l’a.s.b.l. en cause. Elle prévoit des prestations hebdomadaires de 38 heures dont une partie de formation (et le reste « en entreprise »).

L’ONSS considère qu’il s’agit de travail salarié.

Il délivre une contrainte à la société, en ce qui concerne les cotisations sociales pour les trimestres concernés.

Opposition est formée à contrainte.

Le tribunal du travail la déclare cependant non fondée et appel est interjeté.

Position de la cour du travail

La cour est amenée à examiner, en premier lieu, la situation qui lui est présentée eu égard à l’existence d’un contexte plus général qu’elle qualifie d’opération frauduleuse, intervenue à l’initiative de l’a.s.b.l. en cause dans le secteur de la coiffure.

L’intéressée se trouvait, en réalité, dans un lien de subordination et exerçait une activité contre rémunération. La cour rappelle que, sauf exception légale, une telle relation de travail implique l’existence d’un contrat de travail et qu’il n’y a, à cette règle générale, que certaines exceptions légales (travailleurs sous statut, apprentis et stagiaires effectuant un stage rémunéré dans le cadre des études ou stagiaires dont le stage les prépare à l’exercice d’une profession libérale ou encore formations professionnelles au sens des articles 104 et suivants de la loi programme du 2 août 2002).

La situation présentée ne s’inscrit dans aucun de ces cas. L’intéressée était en outre titulaire d’un diplôme d’apprentissage ainsi que de chef d’entreprise pour la profession de coiffeuse délivré par l’IFAPME. Elle était donc travailleuse salariée au sens de la loi du 3 juillet 1978.

La cour relève encore que la société ne peut se retrancher derrière une erreur invincible, ce qu’elle plaide pour expliquer la situation en cause.

Elle relève qu’en l’occurrence l’employeur disposait d’une ouvrière qualifiée (dont le coût était extrêmement faible), ce qui ne pouvait nullement impliquer l’existence d’une formation en entreprise.

La cour relève encore qu’il ressort du dossier de l’inspection que la gérante était consciente de l’irrégularité de la situation.

Enfin, sur le fait que l’intéressée avait obtenu une dispense auprès des services de l’ONEm, la cour considère cet élément comme sans incidence, dès lors qu’il est constaté que l’intéressée travaillait dans un lien de subordination et contre rémunération.

La cour relève enfin que le président du conseil d’administration de l’a.s.b.l. a fait l’objet d’une condamnation correctionnelle eu égard à l’existence de diverses infractions de droit pénal social ainsi que notamment pour avoir exploité une agence de placement sans agrément régulier.

Intérêt de la décision

Indépendamment du contexte frauduleux du système mis en place qui a manifestement touché de nombreux commerce du secteur de la coiffure, l’arrêt rappelle, en de termes très clairs, que l’existence d’un contrat de travail doit être retenue dès lors qu’il y a lien de subordination et rémunération. Seules peuvent échapper à ce constat les situations définies par la loi comme étant exclusives d’un contrat de travail, à savoir le lien de statut de droit public, le contrat d’apprentissage ainsi que les stagiaires visés comme tels par la loi, étant des travailleurs qui, en vue de s’intégrer sur le marché du travail, effectuent des périodes de travail soit dans le cadre de leurs études, soit après celles-ci mais en vue de l’exercice d’une profession libérale, ainsi que l’ensemble des formations professionnelles visées à la loi programme du 2 août 2002 en ses articles 104 et suivants, étant les conventions d’immersion professionnelle.

La procédure en l’espèce a par ailleurs été initiée sur la base de la contrainte que l’ONSS peut délivrer en vue du recouvrement des cotisations. L’on peut utilement rappeler que, pour être recevable, l’opposition à contrainte doit être faite dans un délai de 15 jours, et ce en vertu de l’article 43quater de l’arrêté royal du 23 novembre 1999 exécutant la loi du 27 juin 1969. Le mode d’opposition est l’exploit d’huissier. Par ailleurs, dans un arrêt du 22 décembre 2011 (C. trav. Bruxelles, 22 décembre 2011, R.G. n° 2010/AB/675), la Cour du travail de Bruxelles avait eu l’occasion de statuer sur la question de la motivation de la contrainte, rappelant l’étendue de la motivation de l’acte administratif au sens de la loi du 29 juillet 1991. La contrainte est en effet un juridique unilatéral de portée individuelle émanant d’une autorité administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou plusieurs administrés. Elle doit dès lors contenir les conditions requises, étant dans l’acte l’indication des considérations de droit et de fait servant au fondement de la décision. La motivation doit ainsi être adéquate, aux fins de permettre l’exercice des droits de défense.


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