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Congé parental : conditions de la protection en cas de licenciement et contrôle du motif (motif grave)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/698

Mis en ligne le jeudi 10 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 22 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/698

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 22 avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’articulation des règles entre l’arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de carrière et la CCT n° 64 du 29 avril 1997 instituant un droit au congé parental.

Les faits

Une esthéticienne demande en octobre 2009 l’obtention d’un congé parental à raison d’un jour par semaine, à partir du 1er janvier 2010.

Elle est en incapacité de travail trois jours avant le début de celui-ci. Le lendemain, la société refuse le congé parental, au motif que le jour choisi (samedi) est un jour de forte demande de clientèle. La société considère également qu’il faut solliciter un tel congé trois mois avant sa prise de cours et que, en cas de fragmentation, il faut l’accord de l’employeur.

Une semaine plus tard, la société adresse une mise en demeure à la travailleuse, au motif qu’elle n’aurait pas donné suite à une convocation de son médecin-contrôleur. Elle lui enjoint de ce faire immédiatement.

L’intéressée consulte aussitôt son organisation syndicale, qui signale que celle-ci aurait tenté à de nombreuses reprises de le contacter. Deux jours plus tard, un courrier de licenciement pour motif grave lui est adressé, se fondant essentiellement sur l’absence de contrôle médical, vu le rapport que lui aurait fait parvenir son médecin-contrôleur.

Lui est également reproché son comportement général dans le cadre cette obligation et la société en conclut qu’elle a volontairement tenté d’échapper au contrôle médical en fraude des droits de son employeur.

L’intéressée introduit une demande devant le tribunal du travail postulant, en sus de sommes dues avant la rupture, une indemnité compensatoire de préavis ainsi qu’une indemnité de protection liée au congé parental.

Décision de la cour du travail

En ce qui concerne le motif grave, la cour examine scrupuleusement le déroulement des faits. Elle constate qu’il n’est pas établi qu’une convocation ait été déposée dans la boîte aux lettres de l’intéressée, la déclaration du médecin-contrôleur - mandataire de l’employeur - étant insuffisante à cet égard.

Une fois mise en demeure de se mettre en contact avec celui-ci, l’intéressée le fit, cependant, ainsi que la cour constate à partir de ses appels par GSM. La brève durée des appels permet, pour la cour, de conclure qu’elle est chaque fois tombée sur un répondeur automatique où elle a vraisemblablement laissé un message.

Eu égard à ces constatations, la cour rejette une demande d’enquête, dont elle souligne d’ailleurs qu’elle ne concernerait que le seul médecin-contrôleur, mandataire de l’employeur. S’il était entendu, il pourrait, par ailleurs, tenter de couvrir sa négligence éventuelle.

Elle considère que l’audition d’un témoin unique, dont en plus, l’indépendance et l’impartialité ne sont pas garanties, doit être écartée.

Le motif grave ne peut dès lors être retenu.

En ce qui concerne le congé parental, la cour rappelle que cette matière est réglée par deux textes et que, si ceux-ci sont supposés complémentaires, leur libellé ne concorde pas parfaitement. En conséquence, elle considère qu’il y a lieu à les interpréter conformément au principe général de la hiérarchie des sources contenu à l’article 51 de la loi du 5 décembre 1968.

Les textes en cause sont la CCT n° 64 instituant un droit au congé parental (CCT du 29 avril 1997) ainsi que l’arrêté royal du 29 octobre 19997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de carrière.

La CCT prévoit en son article 15 l’interdiction pour l’employeur de faire un acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail sauf motif grave (ou motif suffisant). En l’occurrence, la société n’invoquant pas d’autres motifs que le motif grave et celui-ci ayant été rejeté, il faut examiner si l’intéressée bénéficiait de la protection légale eu égard à la demande faite.

La société fait en effet valoir que la demande devait être formulée trois mois au moins avant sa prise de cours.

Pour la cour, cette exigence ne peut être retenue. L’article 6 de l’arrêté royal prévoit que le travailleur doit faire la demande de congé en avertissant l’employeur par écrit au moins deux mois et au plus tard trois mois à l’avance, délai qui peut réduit d’un commun accord entre l’employeur et le travailleur. Cette disposition prime, en vertu de l’article 51 de la loi du 5 décembre 1968, la disposition équivalente figurant dans la CCT n° 64, étant son article 9, qui fixe un seul délai, étant un minimum de trois mois.

Le délai réglementaire a, en l’espèce, été respecté, la cour constatant que la demande a été faite le 29 octobre 2009, pour un congé devant débuter le 1er janvier de l’année suivante. Une fois la demande faite, l’employeur a un mois, en vertu de l’article 11 de la CCT ou de l’article 7 de l’arrêté royal pour notifier le report de la prise de cours du congé. Il ne peut la refuser. En l’espèce, l’employeur n’a pas respecté ce délai, de telle sorte que la demande est régulière. La licéité du licenciement n’étant pas admise, la société est dès lors condamnée au paiement de l’indemnité de protection.

Intérêt de la décision

Cet arrêt présente un double intérêt, étant de rappeler que,

  • en cas de licenciement pour motif grave, dans lequel est examiné le droit à une indemnité de protection pour congé parental, si le motif grave est rejeté, il n’y a pas de « motif suffisant » autre à examiner ;
  • la procédure relative à la demande de congé est réglée par deux textes, qui ne se recoupent pas complètement. Il y a lieu de se référer aux règles dégagées par la hiérarchie des sources et d’appliquer en premier lieu le mécanisme de l’arrêté royal et ensuite d’examiner celui de la CCT n° 64.

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