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Règlement des séquelles de l’accident du travail dans le secteur public

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 mai 2014, R.G. n° 2011/AB/626

Mis en ligne le jeudi 24 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 7 mai 2014, R.G. n° 2011/AB/626

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 7 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que le caractère d’ordre public de la loi du 3 juillet 1967 sur la réparation du risque professionnel dans le secteur public ne permet pas aux juridictions du travail de revenir sur un accord valablement donné dans le cadre du règlement administratif des séquelles.

Les faits

Un ouvrier contractuel du secteur public a un accident sur le chemin du travail, alors qu’il se rendait au travail à vélo.

Il reprend le travail quelques mois plus tard. Vu la persistance des douleurs, il est victime de rechutes en incapacité de travail et tentera une reprise ultérieurement, reprise elle-même suivie d’une nouvelle période d’incapacité totale.

Le MEDEX lui fait parvenir les conclusions de l’expertise médicale. Il est informé de la possibilité d’introduire un appel administratif dans le délai de 30 jours. Une proposition d’indemnisation dans le cadre de l’IPP sur la base de 5% est faite. L’autorité publique confirme, ultérieurement, cette proposition, informant l’intéressé qu’en cas de désaccord il peut saisir le tribunal dans le délai légal.

L’intéressé signe le document marquant accord sur la proposition définitive du règlement. L’accord est dès lors exécuté par l’employeur.

Le travailleur introduit ultérieurement une action judiciaire, devant le Tribunal du travail de Bruxelles, contestant les conclusions du MEDEX et la décision de l’autorité publique. Il demande la désignation d’un expert, et ce sur la base d’un dossier médical actualisé, dont un rapport médical concluant à une IPP de 40%.

Décision du tribunal du travail

Le tribunal du travail statue par jugement du 17 mai 2011. Il constate que, vu l’accord intervenu, l’action judiciaire ne peut s’analyser qu’en action en révision et non en indemnisation des séquelles. Un expert est désigné avec la mission relative à l’existence d’une aggravation survenue dans le délai de révision (avec les conditions requises, étant l’exigence d’une modification imprévue en relation causale avec l’accident et entraînant une modification de l’incapacité permanente).

Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

Le travailleur fait valoir qu’il entend mettre en cause l’accord donné et se fonde sur le caractère d’ordre public de la loi, tant dans le secteur public que privé. Il considère qu’il appartient au juge de vérifier d’office si la loi a été respectée. Dès lors qu’il peut, en l’occurrence, être atteint d’une incapacité permanente de 40% au lieu des 5% proposés par le MEDEX, il sollicite de la cour qu’elle fasse droit à sa demande de réparation sur la base de ce taux de 40%, même s’il y a eu acceptation de la proposition initiale de 5%.

Il renvoie à l’article 4 de la loi du 3 juillet 1967, selon lequel toutes les contestations relatives à l’application de la loi (en ce compris celles qui concernent la fixation du pourcentage de l’IPP) sont déférés à l’autorité judiciaire compétente en la matière.

Décision de la cour du travail

La cour se prononce essentiellement sur la question de l’accord donné et du caractère d’ordre public de la législation.

Elle rappelle en premier lieu la procédure administrative à suivre dans le secteur public, constatant qu’est applicable en l’espèce l’arrêté royal du 24 janvier 1969. Cette procédure implique que (i) l’accident doit être déclaré dans les délais et formes prescrits, (ii) le MEDEX fixe le pourcentage de l’invalidité permanente résultant des lésions physiologiques occasionnés par l’accident et (iii) il notifie à l’autorité administrative sa décision motivée, le ministre vérifiant si les conditions d’octroi sont réunies et proposant alors à la victime le payement d’une rente.

La cour relève explicitement l’article 9, alinéa 3, qui prévoit qu’en cas d’accord la proposition est reprise dans un arrêté ministériel constatant celui-ci. Cet arrêté reprend également les éléments de l’indemnisation, étant la rémunération de base, la nature de la lésion, la réduction de la capacité et la date de consolidation.

La cour relève qu’en cas de défaut d’accord, les juridictions du travail peuvent être saisies.

Elle souligne, ensuite, le caractère d’ordre public des dispositions de la loi du 3 juillet 1967 en ce qui concerne l’indemnisation de la victime ou des ayant droits (renvoyant notamment à Cass., 4 septembre 1989, R.G. n° 8555). Ce caractère d’ordre public a pour effet que le rôle des juridictions du travail est de vérifier la conformité d’un accord donné aux dispositions de la loi. Il ne peut avoir pour effet d’invalider celui-ci. Renvoyant à un arrêt du 15 février 2008 de la même cour (C. trav. Bruxelles, 15 février 2008, Chron. D.S., 2009, p. 489-490, note J. JACQMAIN), la cour considère qu’un accord ne pourrait être annulé que s’il ne répondait pas aux dispositions des articles 4 à 13 de la loi, ou par exemple si, en cas d’accident mortel, il aboutissait à indemniser un tiers qui n’aurait pas la qualité d’ayant droit. Dans ces hypothèses, il serait contraire à la loi. Cependant, si ultérieurement à l’accord donné, des éléments médicaux sont produits susceptibles d’obtenir une meilleure indemnisation, ceci ne confère pas aux juridictions du travail le pouvoir de l’annuler.

La cour examine, ensuite, si l’on pourrait plaider le vice de consentement, l’intéressé abordant également cette cause de nullité. La cour constate que le MEDEX, qui a fait la proposition d’indemnisation, est un organisme étranger à l’employeur et que les termes du document qui ont été soumis au travailleur sont clairs, de telle sorte qu’il n’a pu se méprendre sur leur portée. En outre, le délai de recours administratif était repris. Reprenant également comme élément d’appréciation le fait que l’intéressé avait deux conseils médicaux à l’époque, elle conclut que si l’intéressé a commis une erreur d’appréciation, c’est une erreur inexcusable, c’est-à-dire une erreur que n’aurait pas commise un homme raisonnable. Elle rappelle le principe selon lequel une erreur inexcusable n’est pas un vice de consentement au sens des articles 1109 et 1110 du Code civil.

La cour retient dès lors, comme le premier juge, que l’action introduite est une action en révision. Confirmant la décision du premier juge, elle lui renvoie le dossier.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme d’indemnisation dans le secteur public, étant la voie possible de l’accord donné au stade de la procédure administrative, accord qui aboutira à la clôture du dossier d’indemnisation, dans la mesure où il répond aux conditions fixées par la loi. La cour rappelle le principe constant selon lequel en cas de désaccord ultérieur, il n’est pas possible de faire revoir la proposition d’indemnisation acceptée par la victime de l’accident, hors les causes de nullité d’un accord en droit commun.


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