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Accident du travail : obligation pour l’assureur de rembourser à la mutuelle les indemnités avancées par celle-ci dès lors qu’il ne l’a pas informée de son refus d’intervention ou de la modification du taux d’incapacité

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 mai 2014, R.G. 2013/AB/415

Mis en ligne le jeudi 24 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 19 mai 2014, R.G. n° 2013/AB/415

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme mis sur pied par l’article 63, § 2 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, étant qu’il y a un ensemble de notifications à adresser, par l’entreprise d’assurances, en cas de refus de prise en charge ou de modification du taux d’incapacité de la victime, et ce afin de préserver les droits de cette dernière dans le secteur AMI ainsi que ceux de la mutuelle.

Rétroactes

La cour du travail est saisie d’un litige entre un organisme assureur et l’assureur-loi de l’employeur d’un travailleur victime d’un accident du travail (juillet 2008). L’assureur-loi prit en charge l’incapacité temporaire (de courte durée). La mutuelle lui adressa, 3 mois plus tard, un courrier signalant ne jamais avoir été avisée d’une modification du taux d’incapacité de travail. Elle réclamait en conséquence un montant de l’ordre de 2.000 €, correspondant à des indemnités d’incapacité primaire payées pour la période postérieure à l’arrêt de la prise en charge par l’assureur.

La mutuelle introduisit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles en paiement de ce montant.

Elle fut déboutée par jugement du 13 décembre 2012.

Appel fut dès lors interjeté, la mutuelle maintenant sa position initiale.

La décision de la cour

La cour est amenée à statuer dans le cadre de l’article 63, § 2, 1er alinéa de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. En vertu de cette partie de la disposition, il est prévu qu’en cas de refus de prise en charge par l’assurance (ou si elle estime qu’il existe un doute quant à l’application de la loi), celle-ci est tenue de prévenir, dans le délai de 30 jours suivant la réception de la déclaration, l’organisme assureur auquel la victime est affiliée. De même, lorsqu’une modification intervient dans le pourcentage d’incapacité attribué à la victime, elle doit faire la même notification dans les 7 jours qui suivent le jour où intervient celle-ci.

L’article 63, § 2 prévoit par ailleurs que les indemnités d’incapacité de travail prévues par l’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité sont dues par l’entreprise d’assurances qui omet de faire en temps utile la déclaration requise, et ce à partir du début de l’incapacité jusqu’au jour de la déclaration inclus. Ceci suppose que, hormis la formalité de la déclaration, le travailleur remplisse les conditions pour bénéficier des indemnités. Dans cette hypothèse, les indemnités d’incapacité qui ont été payées à la victime par la mutuelle sont récupérées directement par elle auprès de l’assureur.

L’entreprise d’assurances estimant que cette disposition n’est pas applicable en l’espèce au motif qu’il n’y a pas eu de modification dans l’incapacité de travail, la cour rappelle que, dans la mesure où une incapacité n’est plus acceptée par l’assureur-loi, il y a indubitablement une modification du taux de celle-ci, qui a une influence sur les indemnités dues par lui du fait de l’incapacité de travail.

La cour rejette également un autre argument de l’assureur, selon lequel la sanction de l’article 63, § 2 (3e alinéa) n’est pas applicable dans l’hypothèse où il y a non-respect de l’obligation de notification s’il s’agit d’une modification du taux d’incapacité. La cour considère qu’il faut lire la disposition légale comme signifiant que la sanction qui y figure vaut également lorsque l’assureur refuse de continuer à reconnaître l’accident comme ayant toujours le caractère d’accident du travail, c’est-à-dire lorsqu’il estime que l’incapacité de travail n’est plus la conséquence de celui-ci.

La cour aborde ensuite la question de savoir sur qui repose la charge de la preuve du non-respect de l’article 63, § 2 de la loi sur les accidents du travail. Celui-ci fait en effet obligation à l’assureur-loi d’informer l’organisme assureur du refus de reconnaissance (ou de poursuite de cette reconnaissance), ainsi qu’en cas de modification du taux d’incapacité.

Ce sont dès lors les règles de droit commun qui s’appliquent, à savoir l’article 1315, 2e alinéa du Code civil. Ceci signifie qu’il appartient à l’assureur-loi d’établir qu’il est libéré de l’obligation pesant sur lui, en sa qualité d’entreprise d’assurances, d’informer l’organisme assureur de la victime en cas de refus de reconnaissance ou de poursuite de celle-ci, ainsi qu’en cas de modification du taux.

La cour constate qu’en l’espèce, l’assureur-loi ne rapporte pas cette preuve, la loi exigeant une notification émanant de lui, notification expresse. L’intervention du Fonds des Accidents du Travail dans cette information n’est pas suffisante, non plus que les flux électroniques entre l’assureur AMI et l’assureur intervenus quelques mois plus tard.

La cour accueille dès lors l’appel de la mutuelle et condamne l’entreprise d’assurances au paiement des indemnités versées à la victime pour la période suivant immédiatement la décision de refus de prise en charge.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle le mécanisme de l’article 63 de la loi du 10 avril 1971, étant l’obligation triple dans le chef de l’entreprise d’assurances en cas de refus de prise en charge (ainsi que de poursuite de la prise en charge) ou de modification du taux d’incapacité. L’entreprise d’assurances a 30 jours après la réception de la déclaration d’accident pour informer le Fonds des Accidents du Travail de sa décision, ce qui permet au Fonds de procéder à une enquête sur les causes et circonstances et de dresser un procès-verbal, procès-verbal qui sera envoyé à la victime ainsi qu’à la mutuelle de celle-ci et à l’assureur-loi. L’entreprise d’assurances est également tenue d’informer la victime elle-même, ainsi que sa mutuelle. La loi prévoit expressément que la notification, à laquelle doit être jointe une copie de la déclaration d’accident, est considérée comme une déclaration d’incapacité introduite en temps utile auprès de celle-ci.

La sanction prévue, en cas de non-respect de ces obligations, est la prise en charge par l’entreprise d’assurances des indemnités qui auront été versées par la mutuelle. Celle-ci est autorisée à les récupérer directement auprès de l’assureur.


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