Terralaboris asbl

Chômage et élevage de chiens : activité susceptible d’être régulière donc non autorisée

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2013/AB/561

Mis en ligne le jeudi 24 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2013/AB/561

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 24 avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine les conditions d’exercice d’une activité marginale et rappelle les exigences des articles 44 et suivants de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 relatif au chômage.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage depuis 2009 fait l’objet d’un contrôle, à l’occasion duquel qu’il est constaté qu’il élève des chiens pour un éleveur sis aux Etats-Unis. Cette activité n’a pas été déclarée comme activité accessoire au moment de la demande d’allocations et l’intéressé explique qu’elle lui prend deux heures par jour. Il s’agit pour lui d’un hobby, pour lequel il ne reçoit pas de rémunération mais uniquement une indemnité devant couvrir certains frais. Convoqué pour l’audition prévue par la réglementation, il ne se présente pas. Il fait l’objet d’une notification de l’ONEm, lui réclamant le remboursement d’un montant de l’ordre de 12.200€. Il forme recours contre cette décision.

Décision du tribunal du travail

Le tribunal du travail considère, par jugement du 22 avril 2013, qu’il y a lieu à annulation de la décision administrative, et ce au motif qu’il n’est pas établi que l’intéressé a été valablement convoqué pour l’audition prévue aux fins de faire valoir ses droits de défense.

L’ONEm interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’ONEm admet que la convocation a été adressée par courrier ordinaire et non par voie recommandée. Il conclut à l’absence de violation des droits de défense, considérant que l’intéressé avait déjà avait déjà été interrogé précédemment dans le cours de l’enquête administrative. Il considère que, à supposer par ailleurs qu’il y ait lieu à annulation de la décision, le premier juge devait se substituer au directeur régional et vérifier le droit aux allocations. Sur l’activité elle-même, il plaide qu’il s’agit d’une activité exercée pour compte propre, vu qu’elle est susceptible d’être intégrée dans le courant des échanges économiques des biens et des services et qu’elle n’est pas limitée à la gestion normale du patrimoine propre. Vu l’absence de déclaration, l’intéressé ne pouvait prétendre aux allocations de chômage.

Celui-ci, intimé, postule pour sa part la confirmation du jugement, demandant comme l’avait décidé le premier juge qu’il soit conclu au non respect des droits de défense. Il confirme ne jamais avoir été convoqué pour l’audition. A titre subsidiaire, il considère qu’il n’y a pas activité économique mais uniquement hobby exercé sur une base volontaire, qui lui permettait d’ailleurs d’évacuer des problèmes d’ordre psychique. Il souligne qu’il n’a pas bénéficié de rémunération. A titre plus subsidiaire encore il fait valoir sa bonne foi, en vue de limiter l’indu aux 150 dernières allocations.

Décision de la cour du travail

La cour examine les deux questions essentielles successivement.

La première concerne l’audition. S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 7 février 1983, R.G. n° 72/403), selon laquelle le non respect de l’obligation de convoquer le chômeur aux fins de l’entendre avant de prendre une décision, limitant ou refusant le droit aux allocations, entraîne la nullité de la décision même si cette omission n’a pas nui aux droits du chômeur, la cour rappelle que la preuve de la convocation doit être apportée par l’ONEm. Si la réglementation ne prévoit pas l’obligation d’adresser un recommandé, il n’est pas établi que l’intéressé a été dûment convoqué à un jour déterminé pour son audition.

La cour considère cependant qu’il faut distinguer, sur le plan des conséquences de la nullité, l’exclusion du droit aux allocations et le remboursement d’une part et la décision contenant une sanction administrative en application de l’article 154 de l’arrêté royal d’autre part.

Dans la mesure où la décision exclut l’intéressé du droit aux allocations, l’objet de la demande en justice est le droit subjectif à celles-ci. Elle rappelle le pouvoir de substitution du juge, en cas d’annulation d’une décision administrative (renvoyant aux arrêts de la Cour de cassation du 12 novembre 2001, n° S.01.0023.N et du 17 juin 2005, n° S.04.0187.N, le premier en matière de chômage et le second de CPAS), pouvoir de substitution qui ne peut s’exercer en ce qui concerne la sanction. L’arrêt confirme dès lors le jugement en ce qu’il annule celle-ci (qui portait sur une exclusion pendant 26 semaines).

Pour ce qui est du droit aux allocations pendant la période litigieuse, la cour s’écarte cependant du premier juge. Elle reprend les conditions des articles 44, 45 et 48 de l’arrêté royal, concluant que l’élevage de chiens est une activité qui, indubitablement, peut être intégrée dans le courant des échanges de biens et de services, si elle a un caractère régulier, relevant ici que l’intéressé lui-même admet qu’elle prend environ deux heures par jour. Les explications données sur les conditions réelles d’exercice de celle-ci apparaissent relativement floues et la cour constate que l’intéressé remet peu d’éléments. Il est également avare d’explications sur les aspects financiers, ayant refusé de communiquer ses extraits de banque pour la période concernée.

Elle conclut dès lors à l’absence de droit au bénéfice des allocations pendant la période concernée (un an) et à l’obligation de remboursement. Elle n’admet pas la bonne foi, dans la mesure où elle considère que l’intéressé devait savoir que cette activité ne lui donnait pas de droit aux allocations de chômage.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail rappelle la distinction à retenir, en cas d’annulation de la décision administrative, et ce eu égard au pouvoir de substitution du juge. S’il peut vérifier les droits de l’assuré social à la prestation sociale, il ne peut cependant se substituer à l’administration pour infliger une sanction à sa place.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be