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Accident du travail et accident de la vie privée : application de la présomption de causalité

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 mai 2014, R.G. n° 2012/AB/655

Mis en ligne le lundi 25 août 2014


Cour du travail de Bruxelles, 26 mai 2014, R.G. n° 2012/AB/655

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 26 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, à propos d’un accident de la vie privée, se greffant sur un accident du travail, l’étendue de la présomption de causalité.

Les faits

Le demandeur a été victime d’un accident du travail en juin 2003, dont le règlement est intervenu par accord-indemnité du 30 mai 2006 (taux d’incapacité permanente de 6% pour des séquelles à l’épaule droite).

Il est ensuite victime d’un second accident du travail pour lequel l’assureur conclut à une guérison sans séquelles indemnisables. Cette décision n’est pas contestée.

En 2011, l’intéressé est victime d’un accident de la vie privée, alors qu’il entamait une session de formation en taekwondo (Adeps) entraînant une nouvelle luxation de l’épaule droite, siège des lésions du premier accident du travail.

Une action est introduite devant le tribunal du travail, pour laquelle il demande la prise en charge des conséquences de l’accident de la vie privée survenu en 2011.

Décision du tribunal

Le tribunal du travail rend un jugement le 19 juin 2012, par lequel il déboute l’intéressé de sa demande. Il constate qu’il y a eu lors de cet accident de la vie privée un mouvement - qualifié de « probablement brusque et/ou violent » - d’étirement du bras. Il relève que la présomption légale de l’article 9 ne s’applique pas dans l’hypothèse d’une aggravation invoquée dans le cadre d’une revision et à fortiori hors du délai de révision, en conséquence de quoi, il y a débouté.

Position des parties devant la cour

L’appelant invoque dans a requête d’appel que le premier juge a commis une erreur de droit, rappelant que, si l’accident de la vie privée de 2011 a été provoqué fût-ce partiellement par les lésions résultant d’un premier accident (en l’occurrence deux accidents du travail), les lésions produites par cet accident de la vie privée sont censées être la conséquence de l’accident du travail.

L’entreprise d’assurances sollicite pour sa part la confirmation de la décision dont appel.

Décision de la cour

La cour clarifie, en premier lieu, la situation de fait. Il est établi que lors d’un jeu pour enfants organisé dans le cadre du développement de la psychomotricité, l’intéressé a tenté d’attraper un foulard et qu’il a ressenti une vive douleur à l’épaule suite à un mouvement de flexion-abduction. Il a dû mettre genou à terre. Le kinésithérapeute présent sur place a constaté une luxation de l’épaule.

Ces faits étant mis à plat, la cour relève qu’elle ne peut suivre le premier juge, qui a mis à charge du demandeur la preuve du lien de causalité entre l’accident de la vie privée et les lésions consécutives aux accidents du travail antérieurs, au motif que la présomption de l’article 9 ne s’appliquerait pas dans l’hypothèse d’une situation d’aggravation invoquée dans le cadre d’une revision et à fortiori hors délai de revision.

Pour la cour, la présomption joue non seulement pour la lésion qui trouve son origine dans l’événement soudain au sens strict mais également si la lésion invoquée trouve son origine dans une lésion constitutive de l’accident et, renvoyant à un arrêt de la Cour de cassation du 8 janvier 1990 (Cass., 8 janvier 1990, n° 8.729), elle souligne qu’il est indifférent que les lésions diagnostiquées ultérieurement à l’accident soient survenues dans des circonstances relatives à la vie privée. Renvoyant encore à une autre décision de la Cour suprême (Cass., 26 mars 1990, n° 7.032), elle rappelle l’enseignement de cet arrêt : pour qu’il y ait prise en charge par l’entreprise d’assurances de séquelles d’un accident de la vie privée survenu après un accident du travail, il ne faut pas que ce dernier ait facilité (et la cour souligne) la survenance des lésions produites par l’accident de la vie privée mais il faut que les lésions produites par l’accident du travail aient provoqué fût-ce partiellement cet accident de la vie privée (la cour soulignant encore).

Ayant ainsi recadré le débat, la cour désigne un expert.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles réforme à très juste titre une mauvaise appréciation du tribunal, qui a mis dans une telle hypothèse à charge de la victime de l’accident du travail la preuve du lien causal entre l’accident de la vie privée et les lésions indemnisables dans le cadre de la loi du 10 avril 1971. Elle renvoie pour ce à l’enseignement de la Cour de cassation sur la question. Elle pointe plus particulièrement le sort d’une lésion qui trouve son origine dans la lésion admise dans le cadre de l’accident du travail et renvoie à l’arrêt du 28 juin 2004 de la Cour de cassation (Cass., 28 juin 2004, n° S.03.0004.F), qui a rejeté un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Liège du 30 mai 2002 sur la question (C. trav. Liège, 30 mai 2002, Chron. Dr. Soc., 2003, p. 341).


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