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Allocations pour personnes handicapées - revenus relatifs à l’année de référence : une clarification

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 juin 2014, R.G. n° 2013/AB/360

Mis en ligne le lundi 15 septembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 2 juin 2014, R.G. n° 2013/AB/360

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 2 juin 2014, la Cour du travail de Bruxelles tranche un débat entre l’administration et un assuré social, relatif à la notion de revenus à retenir relativement à l’année de référence, dans l’hypothèse de revenus perçus ultérieurement et repris fiscalement comme revenus taxables distinctement.

Les faits

Une demande d’allocations est introduite par un assuré social, en décembre 2010. Celui-ci remplit les conditions médicales mais les allocations lui sont refusées, au motif que la condition de revenus n’est pas remplie. Un recours est introduit devant le tribunal du travail par l’intéressé, qui demande une modification de la catégorie admise par l’Etat belge en ce qui concerne l’allocation d’intégration.

Par jugement du 13 février 2013, le tribunal considère que les conditions ne sont pas remplies pour accorder une A.R.R. ainsi qu’une A.I. en catégorie 3 (comme demandé par l’intéressé). Il ordonne cependant une expertise médicale.

L’Etat belge interjette appel en ce qui concerne les revenus à prendre en compte.

Décision de la cour

La cour constate qu’elle n’est pas, à ce stade, saisie de la reconnaissance d’un handicap en vue d’obtenir les avantages sociaux et fiscaux, non plus que de l’évaluation du handicap admis par l’Etat belge, mais des revenus à prendre en considération, étant ceux de l’année 2009 (soit l’année moins 2) ou de l’année 2010 (année moins 1).

La cour rappelle la réglementation en la matière. Même si les conditions médicales sont réunies, les allocations ne peuvent être accordées si le revenu de la personne handicapée (augmenté le cas échéant du revenu de la personne avec laquelle elle forme un ménage) dépasse le montant des allocations en cause. Dans la mesure où ces revenus seraient inférieurs à celle-ci, ils sont imputés sur les allocations. Il y a également lieu de tenir compte de certains abattements fixés par arrêté royal.

La définition des revenus à prendre en compte, ainsi que les critères et le montant à retenir sont fixés par arrêté royal. Il y a lieu de déterminer une année de référence, pour laquelle l’on examine le revenu imposable globalement et distinctement (au sens de la loi fiscale), et ce conformément à l’article 8, § 1er, alinéa 2 de l’arrêté royal du 6 juillet 1987 d’exécution de la loi.

En ce qui concerne les revenus imposables distinctement, ils sont pris en compte dans la mesure où ils se rapportent effectivement à l’année de référence. Dans l’hypothèse où l’intéressé n’a pas rentré sa déclaration fiscale, le revenu réel de l’année en cause est fixé par l’administration.

Quant à l’année de référence à retenir, il s’agit de la deuxième année civile précédant la date de prise d’effet de la demande (soit l’année moins 2). La demande elle-même prend effet le premier jour du mois qui suit sa date d’introduction. Dans l’hypothèse où les revenus de l’année moins 1 ont varié (à la hausse ou à la baisse) de 20% au moins par rapport au revenu de l’année moins 2, c’est cette année qui est prise en compte.

En l’espèce, la cour constate que les parties sont opposées sur l’interprétation de ces dispositions, dans l’hypothèse où la personne handicapée perçoit au cours d’une année des revenus relatifs à une année précédente, ainsi des arriérés.

La cour constate que pour l’Etat belge, les revenus se rapportant à l’année de référence et perçus ultérieurement doivent être considérés comme revenus de l’année de référence, tandis que l’intéressé considère pour sa part qu’il faut se référer à l’avertissement-extrait de rôle, sans plus.

Il s’agit dès lors de savoir, pour la cour, quel sort la réglementation a prévu pour ces revenus imposables distinctement. L’arrêt constate, à la lecture de l’article 8, § 1er, alinéa 3 de l’arrêté royal, qu’il faut exclure des revenus de l’année de référence les revenus imposables distinctement perçus au cours de cette année et se rapportant à un autre exercice. Elle se pose dès lors la question de savoir si l’on peut procéder à l’opération inverse : peut-on inclure dans les revenus de l’année de référence des revenus payés au cours d’une autre année et se rapportant à celle-ci ?

Pour la cour, la réponse est affirmative. Elle se fonde sur trois considérations.

En premier lieu, un souci de cohérence implique que, si les revenus en cause ne sont pas pris en compte une année donnée (perception), ils le soient pour une autre (année à laquelle ils se rapportent), sous peine d’être ignorés. Ensuite, la cour constate que le texte de l’arrêté royal ne s’oppose pas à cette interprétation. Enfin, il n’est pas prévu dans la réglementation que l’on soit lié par les mentions du seul avertissement-extrait de rôle, pourvu que l’ensemble des données auquel l’on se réfère soit relatif à l’année de référence.

La cour rappelle également que la référence à l’avertissement-extrait de rôle est un élément d’ordre pratique, destiné à faciliter la tâche de contrôle et que, en l’absence de celui-ci d’ailleurs, il incombe à l’administration d’établir le revenu réel.

Il en va d’autant plus ainsi que, si un avertissement-extrait de rôle a été établi, il faut tenir compte de l’ensemble des revenus perçus, se rapportant à cette année, sous peine de créer une discrimination.

En l’occurrence, appliquant ces principes au cas d’espèce, la cour constate que l’année de référence (année moins 2) est l’année 2009 et que les revenus à prendre en compte pendant celle-ci (rémunérations et revenus de remplacement) font obstacle à l’octroi des allocations. La situation de l’année 2010 est drastiquement différente, les revenus imposables n’atteignant pas 7.000€.

La cour constate que la méthode de calcul de l’Etat belge, qui entend ajouter à ceux-ci des revenus taxables distinctement inscrits à l’avertissement-extrait de rôle des revenus 2011, est exacte. Il convient cependant d’en vérifier la correcte application et la cour du travail rouvre les débats sur la question.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles apporte indéniablement un élément de clarification quant à la notion de revenus à prendre en compte, étant que le critère est de retenir les revenus qui se rapportent à une année déterminée et non ceux qui ont été effectivement perçus au cours de celle-ci.

Peu importe, dès lors, selon cette jurisprudence, le moment où les revenus en cause ont été perçus, dans la mesure où ils sont susceptibles de viser un autre exercice. L’identification de ce type de revenu se fait par la voie de l’avertissement-extrait de rôle, qui les reprend à la rubrique « revenus taxables distinctement ».


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