Terralaboris asbl

Chômage temporaire et conditions d’exercice d’une activité accessoire autorisée

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 septembre 2014, R.G. 2012/AB/1.119

Mis en ligne le lundi 17 novembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 3 septembre 2014, R.G. n° 2012/AB/1.119

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 3 septembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine l’articulation entre l’article 71, alinéa 1er de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et les règles régissant la récupération des allocations en cas de mauvaise utilisation de la carte de contrôle.

Les faits

Un travailleur est régulièrement mis en chômage temporaire par son employeur. Il remplit les documents C.1. et C.1.A., dans lesquels il déclare une activité, non exercée cependant pendant les périodes de chômage temporaire. Il s’agit d’une activité d’indépendant pour une société de construction. Il déclare, dans le cours de l’enquête de l’ONEm, que celle-ci est compatible avec son activité salariée, dans la mesure où il fait les pauses. Il confirme ne pas l’exercer, cependant, les jours de chômage.

Après avoir communiqué les documents relatifs aux journées d’occupation, il fait l’objet d’une décision de l’ONEm, qui l’exclut des allocations de chômage temporaire à concurrence d’une unité pour chaque dimanche et chaque jour habituel d’inactivité situé entre le premier jour de chômage du mois et la fin de celui au cours duquel une activité a été exercée. La récupération des allocations porte sur les 150 dernières allocations indues. Dans une décision rectificative, l’ONEm précise les journées en cause et il en ressort que 89 allocations sont retenues comme ayant un caractère d’indu.

Suite au recours introduit par l’intéressé, le Tribunal du travail de Nivelles confirme la décision administrative par jugement du 16 octobre 2012.

L’intéressé interjette appel, demandant que la récupération soit limitée à 13 allocations, étant celles relatives à des samedis durant lesquels il a effectivement presté.

La décision de la cour

La cour reprend les obligations du chômeur, telles que fixées par l’article 71, alinéa 1er, 1° de l’arrêté royal : le chômeur doit être en possession de sa carte de contrôle dès le premier jour de chômage effectif du mois jusqu’au dernier jour et il doit la conserver par devers lui. En outre, celle-ci doit être complétée conformément aux directives administratives (même disposition, 3°) et, en cas de chômage temporaire, il y a une carte de contrôle spécifique (carte C.3.2.A).

Examinant les instructions reprises sur cette carte quant aux mentions à y faire figurer, la cour constate que le chômeur temporaire doit mentionner son activité pour tous les jours du mois, et ce à partir du premier jour de chômage. Cette obligation existe même s’il ne demande pas les allocations pour ces jours-là et il doit notamment noircir les samedis et dimanches pendant lesquels il exerce cette activité.

La cour constate que l’intéressé n’a pas respecté ses obligations de manière stricte et qu’il ne le conteste pas, étant notamment qu’il n’a pas mentionné les samedis pendant lesquels il travaillait. Il est ainsi constaté qu’il a manqué à l’obligation d’indiquer sur sa carte, pour tous les mois ayant donné lieu à du chômage temporaire, les prestations accessoires du samedi postérieures au premier jour de chômage du mois en cause.

Le manquement n’étant pas contesté, la cour s’interroge sur les conséquences de celui-ci.

La position de l’ONEm est, en effet, qu’il faut récupérer toutes les allocations coïncidant avec un jour d’activité accessoire survenu pendant le mois en cause, et ce à partir du premier jour de chômage temporaire. L’Office reprend de manière détaillée, mois par mois, la date de cette journée et estime qu’il faut récupérer l’ensemble des allocations ultérieures.

Pour la cour, cette solution ne résulte d’aucun texte et est peu cohérente, puisqu’elle aboutit à récupérer une allocation par jour d’activité accessoire sans vérifier même si l’intéressé a bénéficié d’une allocation pour ce jour. Cette thèse fait abstraction de la vérification de l’existence d’un cumul injustifié.

La cour constate que, dans sa thèse, l’ONEm se fonde en réalité sur un arrêt de la Cour de cassation du 23 décembre 2002 (Cass., 23 décembre 2002, S.01.0130.F), dans lequel la Cour a interprété l’article 71, alinéa 1er, 1° comme signifiant que le chômeur doit être en possession de sa carte et en être porteur chaque jour du mois, dès le premier jour de chômage, pour bénéficier des allocations pour ce mois.

La cour rejette que cette jurisprudence puisse être appliquée en l’espèce, dans la mesure où l’on ne peut mettre sur le même pied le chômeur qui fait l’objet d’un contrôle alors qu’il est au travail et n’est pas en possession de sa carte de contrôle d’une part et, de l’autre, un chômeur dont il s’avère a posteriori (la cour souligne) qu’il a mal appliqué une instruction de l’ONEm en ce qui concerne la déclaration de son activité accessoire effectuée, comme en l’espèce, un jour habituel d’inactivité chez son employeur.

En outre, la cour constate que cette manière de voir est en contradiction avec l’article 169, alinéa 2 de l’arrêté royal, qui permet de limiter la récupération aux jours effectifs de cumul non autorisé.

S’appuyant sur cette disposition, elle relève que la déclaration des samedis en cause aurait porté sur 13 jours et retient qu’il faut limiter la récupération à ce journées, soulignant en outre que, s’il y a mauvaise utilisation de la carte de contrôle, l’on ne peut nécessairement conclure à la récupération de tous les jours du mois (ou, dans l’hypothèse d’un chômage temporaire, à tous les jours à partir du premier jour de chômage), dans la mesure où ceci rendrait inefficace l’article 169, alinéa 2 de l’arrêté royal. Si le chômeur prouve en effet qu’il n’a presté que pendant certains jours ou certaines périodes, il y a limitation de la récupération à ces mêmes jours ou périodes.

Suivre le raisonnement de l’ONEm impliquerait que quelqu’un qui n’aurait travaillé qu’un jour par mois et qui se trouverait ainsi en contravention avec les dispositions ci-dessus, puisqu’il n’a pas rempli sa carte de contrôle, devrait ainsi rembourser toutes les allocations, même s’il arrive à établir que la situation a été limitée à certaines journées ou certaines périodes. Ceci empêcherait l’application de l’article 169, alinéa 2.

Intérêt de la décision

Les obligations du chômeur dans le cadre du chômage temporaire sont très utilement rappelées à l’occasion de cet arrêt et, particulièrement, les instructions de l’ONEm telles que figurant sur la carte de contrôle C.3.2.A. :

  • Le travailleur doit noircir (à l’encre indélébile) la case correspondant au jour pour lequel il entame (i) une activité pour son propre compte ou pour un tiers, ou encore (ii) un travail salarié pour un autre employeur au cours d’un jour habituel d’inactivité chez celui-ci, ou encore (iii) une activité accessoire comme indépendant ou comme salarié ou occasionnel. Dans la mesure où l’activité accessoire a été autorisée par l’ONEm, il est également prévu de noircir les cases des samedis et dimanches pendant lesquels il y a travail, ainsi que les cases correspondant aux jours de la semaine pour lesquels il y aurait des prestations entre 7h00 et 18h00 (les instructions prévoyant que n’est pas visé le travail du soir pendant la semaine).
  • Cette obligation doit être exécutée avant le début de l’activité en cause.

L’arrêt contient, par ailleurs, un enseignement en ce qui concerne l’application combinée des articles 71, alinéa 1er, 1° de l’arrêté royal et de l’article 169, alinéa 2. Pour la cour, cette dernière disposition doit à tout le moins être considérée comme une disposition particulière dérogeant à l’article 71 et le chômeur peut dès lors établir les périodes pour lesquelles il y a cumul non autorisé, limitant ainsi la récupération à ces journées.


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