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Gérant de société et associé actif : assujettissement au statut social ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 octobre 2014, R.G. 2013/AB/1.025

Mis en ligne le lundi 22 décembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 10 octobre 2014, R.G. n° 2013/AB/1.025

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 10 octobre 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine les conditions d’assujettissement d’un gérant de société au statut social des travailleurs indépendants à partir des règles applicables à l’associé actif : les présomptions légales n’étant pas applicables, il appartient à la Caisse d’établir que les conditions de l’assujettissement sont remplies.

Les faits

Un travailleur indépendant signale à sa caisse qu’il prend sa pension le 1er janvier 2011 et qu’il cesse dès lors, toute activité indépendante. Après la prise de cours de la pension, il constitue une SPRL dont il est le seul associé et dont il est gérant statutaire unique. Le mandat est précisé dans les statuts comme n’étant pas rémunéré sauf décision contraire de l’assemblée générale.

L’intéressé fait apport de son fonds de commerce à cette société, apport évalué à près de 140.000€ et rémunéré par 100 parts sociales ainsi que par un « compte de dette vis-à-vis de l’apporteur pour près de 120.000€ » (l’apport du fonds de commerce étant ainsi rémunéré par la création d’une dette dont il est prévu qu’elle sera remboursée en fonction de ses disponibilités financières et au plus tard au 1er janvier 2014).

L’INASTI considère que l’assujettissement doit être poursuivi, dans la mesure où, si la gratuité du mandat peut admise, l’intéressé est associé unique et qu’il détient l’attestation de gestion.

Une procédure est introduite par lui devant le tribunal du travail, suite à la signification d’une sommation avec contrainte. La société intervient volontairement à la cause.

Par jugement du 24 juillet 2013, le tribunal du travail considère qu’il y a lieu de confirmer la décision. Le jugement est déclaré commun à la société.

Appel est interjeté.

Décision de la cour du travail

La cour est saisie de l’appel principal du gérant, portant à la fois sur l’exercice de l’activité et le calcul des cotisations, ainsi que d’un appel incident de la caisse, relatif au montant des indemnités de procédure.

Sur le premier point de l’appel principal, la cour du travail rappelle les principes découlant des présomptions d’assujettissement des mandataires de société. Elle souligne ensuite qu’indépendamment de cette qualité et sans que la loi édicte sur ce point une présomption particulière, la qualité d’associé actif implique l’assujettissement au statut social. La cour reprend divers arrêts de la Cour de cassation (dont Cass., 26 janvier 1987, Pas. I, p. 609), selon lesquels l’associé d’une société de personnes qui exerce une activité dans le but de faire fructifier le capital qui lui appartient (en partie) est en tant qu’associé actif considéré comme travailleur indépendant pour l’application du statut social.

Pour la cour, une distinction doit dès lors être opérée entre l’associé actif et l’associé non actif, ce dernier recueillant les fruits éventuels du capital dont il et détenteur mais ne se livrant pas à une activité, au contraire de l’associé actif.

Dans le cas d’espèce, la cour du travail relève que la caisse ne se fonde pas sur la qualité de gérant de l’intéressé mais sur celle d’associé actif pour conclure à son assujettissement. Dans la mesure où il n’y a pas de présomption, dans cette hypothèse, la caisse doit apporter la preuve d’une activité. Pour la cour, elle le fait, eu égard aux éléments de fait qu’elle produit (examen du site d’internet, présentation de collections (vu l’activité de couture), interview donné à un magazine spécialisé, etc.). Il y a dès lors exercice habituel d’une activité ainsi que but de lucre. Que le mandat de gérant ne soit pas rémunéré est dès lors sans incidence.

La cour précise encore que dès lors que le but de lucre est démontré, peu importe qu’il y ait perception effective de revenus et que, à cet égard, est sans intérêt la circonstance que le prix obtenu pour la cession du fonds de commerce se rattache à une activité professionnelle antérieure.

Enfin, l’intéressé se référant aux critères du droit fiscal concernant les associés actifs, la cour rappelle que cette notion n’est pas, malgré les modifications du C.I.R., devenue obsolète en droit social. Ainsi, s’il n’est plus fait état dans le texte actuel du code des impôts sur les revenus (article 30, 3°), de l’associé actif mais du dirigeant d’entreprise, cette modification est sans intérêt dès lors que la question en débat ne vise pas la présomption fiscale.

Sur le calcul des cotisations, la cour rappelle qu’à partir du trimestre au cours duquel il atteint l’âge de la pension, l’assujetti n’est redevable d’aucune cotisation si ses revenus professionnels en qualité de travailleur indépendant acquis au cours de l’année de référence n’atteignent pas un seuil fixé. Le pensionné qui poursuit son activité indépendante après la pension doit payer les cotisations calculées sur les revenus imposables de la 3e année civile qui précède celle-ci avec, cependant, une particularité, étant le plafonnement de la base de calcul, qui ne peut dépasser le montant maximum des revenus pouvant être cumulés avec la pension.

La cour conclut dès lors à la confirmation du jugement sur ces questions.

En ce qui concerne la demande de la caisse, formée dans son appel incident relatif au montant de l’indemnité de procédure, la cour conclut que celle-ci doit être fixée à 1.320€, étant qu’il faut appliquer l’article 2 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007. La cour rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation (dont Cass., 18 octobre 1999, n° S.98.0046.F), selon laquelle la condamnation aux dépens est prononcée à charge de l’institution de sécurité sociale en ce qui concerne les demandes introduites par ou contre les bénéficiaires mais cette règle n’est pas applicable à l’INASTI lorsque la demande est introduite par ou contre un travailleur indépendant en tant qu’assujetti et non en tant que bénéficiaire.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles présente l’intérêt d’aborder une question d’assujettissement de mandataire de société par le biais de sa qualité d’associé actif. Les règles sont distinctes, sur le plan de la preuve, par rapport à l’examen de l’assujettissement d’un mandataire de société.

L’on peut encore rappeler sur la même problématique, un arrêt de la même cour du travail du 9 mars 2012 (C. trav. Bruxelles, 9 mars 2012, R.G. n° 2010/AB/828), qui a considéré que constituaient des actes susceptibles de faire reconnaître au gérant la qualité d’associé actif le fait de participer à la constitution de la société (dont l’intéressé possède pratiquement la moitié des parts sociales), d’y exercer une activité professionnelle au début de l’existence de celle-ci (préparation de supports commerciaux) et le fait d’avoir engagé celle-ci financièrement.

Dans cette espèce, où les actes avaient été limités dans le temps, la cour du travail avait restreint la demande de la caisse à la période correspondant à cet exercice effectif.


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