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Abandon d’emploi convenable et droit aux allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 29 octobre 2014, R.G. 2013/AB/30

Mis en ligne le lundi 29 décembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 29 octobre 2014, R.G. n° 2013/AB/30

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 29 octobre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’il appartient au chômeur, qui abandonne son emploi au motif qu’il ne serait pas convenable, d’en apporter la preuve ou d’établir qu’il y avait un motif légitime à sa démission.

Les faits

Un travailleur signe un contrat de travail d’ouvrier avec une société de télécommunications. Quinze jours plus tard il démissionne de son emploi et sollicite le bénéfice des allocations de chômage. Il expose à l’ONEm les motifs de sa démission, étant « une mésentente » avec ses collègues ainsi qu’une dépression. Il signale également que le travail ne lui convenait pas.

Lors de son audition, il précise encore que ce travail était hors de son domaine de compétences, dans la mesure où il était électricien dans le bâtiment et qu’il était dans son nouvel emploi dans un autre secteur, étant celui des télécommunications. Il explique que la nature du travail est plus complexe (tableaux électriques de 2000 à 4000 lignes alors que précédemment il ne gérait que des tableaux d’une vingtaine de lignes). Il communique des nouvelles preuves de demandes d’emploi depuis sa réinscription et dépose également un certificat médical attestant d’un problème psychique.

L’ONEm procède à son exclusion pour une période de treize semaines, et ce pour abandon d’emploi convenable sans motif légitime.

Suite au recours introduit par l’intéressé, le tribunal du travail annule la décision administrative, considérant que les motifs pour lesquels l’intéressé a quitté son emploi ne sont pas clairs mais que l’ONEm s’est contenté de constater l’abandon d’emploi et qu’aucune démarche n’a été faite envers la société elle-même aux fins de s’enquérir des raisons réelles de celui-ci. Le tribunal conclut qu’il n’y a pas abandon d’emploi convenable, retenant à la fois la question de la qualification de l’intéressé et son problème psychique. Il souligne également la volonté sincère de celui-ci de trouver un emploi.

Décision de la cour

Suite à l’appel interjeté par l’ONEm, la cour reprend les principes guidant la notion d’emploi convenable tel que défini à l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991.

Il s’agit d’examiner la version applicable avant le 1er janvier 2012, étant que le texte de l’article 23 précisait à l’époque qu’un emploi est réputé non convenable pendant les six premiers mois de chômage s’il ne correspond ni à la profession à laquelle préparent les études ou l’apprentissage, ni à la profession habituelle, ni encore à une profession apparentée.

La cour constate qu’il n’est pas établi que l’emploi ne correspondrait pas à la profession d’électricien, et ce eu égard au diplôme obtenu par le travailleur. En outre, aucune indication ne figure dans le contrat de travail. La cour souligne que le changement de secteur ne suffit pas à rendre non convenable l’emploi en cause.

En ce qui concerne l’état de santé, la cour rappelle l’article 33 de l’arrêté royal selon lequel un motif médical peut être invoqué pour justifier une démission mais celui-ci doit être déclaré au plus tard au moment de l’audition préalable à la décision de l’ONEm. Tout en soulignant que l’éventuel non respect de cette disposition ne prive pas le chômeur de la possibilité de prouver que l’emploi n’est pas convenable, et ce dans le cours de la procédure judiciaire, la cour relève le caractère vague de l’attestation médicale produite, qui ne permet pas de conclure que le problème psychique pouvait être invoqué à l’appui de la démission.

Elle en vient, après cet examen factuel, aux règles de preuve et s’écarte ici fortement de l’appréciation du tribunal. Elle rappelle que la question de la charge de la preuve est ici controversée : il n’est en effet pas clair de savoir s’il appartient au chômeur d’établir que sa démission est justifiée par un motif légitime ou si ceci doit être prouvé par l’ONEm. La cour rappelle les développements faits en doctrine à cet égard (H. MORMONT, « La charge de la preuve dans le contentieux de la sécurité sociale », R.D.S., 2013, p. 391) et relève que l’ONEm pouvait, à partir du peu de consistance des éléments fournis par le travailleur, conclure au caractère illégitime de la démission. Il n’était par ailleurs pas tenu (et la cour renvoie ici à un arrêt du 13 avril 2011 (C. trav. Bruxelles, 13 avril 2011, R.G. n° 2010/AB/207)) de diligenter une enquête particulière.

La cour réforme dès lors la décision du tribunal.

Sur l’exclusion, elle confirme le principe de la sanction mais considère qu’une durée de treize semaines est disproportionnée eu égard aux éléments du dossier, étant essentiellement qu’il s’agit d’une première sanction et que l’intéressé recherche très activement un emploi. La sanction est dès lors réduite à quatre semaines. Celles-ci ne sont cependant pas assorties d’un sursis ou remplacées par un avertissement, dans la mesure où l’emploi a été quitté rapidement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle très utilement les règles en matière de preuve dès lors qu’il y a abandon d’emploi au motif que celui-ci ne serait pas convenable ou que le chômeur aurait un motif légitime permettant de justifier sa décision.

Pour la cour du travail, cette preuve est à apporter à suffisance de droit par le travailleur et malgré les débats en doctrine et en jurisprudence sur l’étendue de la charge de la preuve et le partage de celle-ci, le chômeur est dès lors invité à la plus grande prudence, dans la mesure où il a la charge de la preuve des éléments factuels.


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