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Droit aux allocations de chômage et intention d’exercer une activité indépendante

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 novembre 2014, R.G. 2012/AB/950

Mis en ligne le lundi 29 décembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 5 novembre 2014, R.G. n° 2012/AB/950

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 5 novembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions de l’article 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant que ne peut être cumulée avec les allocations de chômage une activité réellement effectuée, la simple intention ne suffisant pas. En cas d’activité exercée pour compte propre, celle-ci doit en sus pouvoir être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services.

Les faits

Un travailleur salarié devient indépendant en janvier 2002, activité qu’il exerce jusqu’en août 2005. Il sollicite, ensuite, le bénéficie des allocations de chômage. L’année suivante, il retrouve un travail à temps plein pendant un mois et retombe au chômage.

Cinq mois plus tard, il informe l’ONEm de son intention d’exercer une activité indépendante et remplit le formulaire correspondant (déclaration d’activité préparatoire à l’installation comme indépendant). Il s’agit d’une activité d’expert et d’agent immobilier.

En novembre 2007, il retrouve un travail salarié (mi-temps) et s’inscrit comme indépendant complémentaire auprès d’une caisse d’assurances sociales. Un certificat de chômage est rempli pour les heures d’inactivité. Le contrat de travail se termine six mois plus tard et l’intéressé réintroduit alors une demande d’allocations de chômage et est réadmis. Il retrouvera ultérieurement du travail.

L’ONEm fait une enquête, dont l’objet est d’examiner un éventuel cumul entre les allocations de chômage perçues et une activité indépendante. L’intéressé expose, lors de son audition, qu’il s’était inscrit comme indépendant complémentaire pour exercer l’activité d’expert immobilier projetée mais qu’il n’avait jamais entamé celle-ci, n’ayant pas eu le soutien financier requis.

L’ONEm décide sur la base de ses déclarations de l’exclure du bénéfice des allocations et de récupérer 490 allocations journalières, portant sur un montant de l’ordre de 18.000€. Il est encore prévu une sanction d’exclusion de quatre semaines sur la base de l’article 154 de l’arrêté royal étant que l’intéressé n’avait pas biffé sa carte de contrôle avant le début d’une activité incompatible avec le droit aux allocations.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 4 septembre 2012, déboute l’intéressé de sa demande au motif qu’il a été actif au sein d’une société, que des revenus avaient été déclarés et des cotisations au statut social payées.

Appel est interjeté.

Décision de la cour du travail

La cour est ainsi saisie de l’application des articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

L’article 45 prévoit en son dernier alinéa les conditions autorisées pour le cumul d’allocations de chômage et une activité exercée pour compte propre, la réglementation autorisant celui-ci à la triple condition que (i) l’activité ne soit pas réellement intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et ne soit pas exercée dans un but lucratif, (ii) qu’elle ne permette que de conserver ou d’accroître modérément la valeur des biens et (iii) que par son ampleur elle ne compromette pas la recherche d’un emploi non plus que son exercice.

La cour constate que, en l’espèce, l’intéressé a été affilié à une caisse d’assurances sociales et que, conformément à l’évolution de sa situation professionnelle vue ci-dessus, cette affiliation est intervenue à titre complémentaire d’abord, à titre principal ensuite et de nouveau à titre complémentaire, pour en fin de compte l’être de nouveau à titre principal.

Elle examine la position des parties, étant que pour l’ONEm ceci fait apparaître une intention persistante d’exercer une activité indépendante et que pour l’intéressé il y a eu des prestations à temps partiel autorisées et respectant la réglementation. Quant à l’exercice d’une activité indépendante, celui-ci fait défaut. Il y a, pour l’appelant, certes eu affiliation en tant qu’indépendant complémentaire (la période litigieuse visant la réinscription en cette qualité alors qu’une activité salariée avait été reprise). Il précise n’avoir cependant jamais entamé celle-ci, ayant d’ailleurs donné les raisons, étant qu’il avait manqué des appuis financiers nécessaires.

La cour vérifie dès lors, à partir de ces éléments, si l’article 45 trouve à s’appliquer.

Elle relève d’emblée que le texte réglementaire ne vise pas l’intention d’exercer une activité, celui-ci exigeant au contraire que l’activité soit effectuée (souligné par la cour) pour compte propre, condition à laquelle est jointe l’exigence que cette activité soit susceptible d’être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services. Retenir la simple intention ne serait pas compatible avec les caractéristiques de l’activité autorisée par le même article 45 et reprise ci-dessus, puisqu’il est prévu d’autoriser l’activité exercée mais limitée à la gestion des biens propres (les précisions relatives à cette gestion étant d’ailleurs également reprises dans le texte).

La cour procède, cependant, à l’examen des éléments fiscaux du dossier et conclut à l’absence de revenus d’indépendant, constatant également que la société pour laquelle l’activité salariée a été exercée à mi-temps est rapidement tombée en faillite, celle-ci étant clôturée par défaut d’actif.

Elle conclut ainsi à l’absence d’exercice effectif d’une activité incompatible avec l’octroi d’allocations de chômage, la seule affiliation à une caisse d’assurances sociales (à titre complémentaire en l’espèce) ne suffisant pas à établir l’exercice effectif de l’activité requise. Elle constate également que le montant des cotisations payées par l’intéressé était peu élevé, la cour précisant encore que ce paiement peut être intervenu « à tort ou à raison », question qui n’est pas tranchée.

Intérêt de la décision

Il est certes important de rappeler que si le chômeur fait de multiples démarches – comme en l’espèce – pour tenter d’échapper au chômage, les règles anti-cumul entre les allocations et des revenus professionnels supposent que l’activité non autorisée soit, pour être prise en compte, réellement effectuée. La solution trouve un appui clair dans la disposition légale (article 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991) mais rejoint également la logique : le fait d’effectuer des démarches en vue d’exercer une activité indépendante ne peut être assimilé – même fiscalement – à l’exercice d’une telle activité. Aboutir à la conclusion inverse impliquerait d’ailleurs une exclusion quasi-automatique des chômeurs effectuant de telles démarches – alors qu’ils ne sont pas du tout certains que l’activité projetée pourra effectivement être entreprise.

Rappelons par ailleurs, en ce qui concerne les critères exigés, que l’activité doit être susceptible d’être régulière (pour un cas d’application récent tranchant entre l’activité visée par le texte et un simple hobby, voir C. trav. Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2013/AB/561).


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