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Un travailleur licencié pour motif grave, qui fait une chute dans le parking de l’entreprise, est-il victime d’un accident du travail ?

Commentaire de C. trav. Liège, Division Liège, 15 mai 2014, R.G. 2013/AL/574

Mis en ligne le jeudi 22 janvier 2015


Cour du travail de Liège (div. Liège), 15 mai 2014, R.G. n° 2013/AL/574

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 mai 2014, la Cour du travail de Liège (div. Liège) rappelle les principes en matière de chemin du travail, concluant qu’un tel trajet est en rapport direct avec l’exécution du contrat.

Les faits

Un travailleur est licencié sur le champ un mardi vers 15h00. Il est prié de quitter les lieux, ce qu’il fait. Il rentre, ensuite, un certificat d’incapacité de travail au motif d’entorse consécutive à une chute. L’incapacité de travail aura une durée initiale de 4 mois. Une rechute de 2 mois sera ensuite constatée.

Le lendemain du licenciement, le travailleur écrit à l’employeur, signalant qu’après la fin de son travail, et ce suite à la demande lui adressée de quitter le lieu du travail, il a glissé sur le parking et a fait une chute. Il signale avoir immédiatement contacté son médecin-traitant pour être examiné. Il transmet le certificat qui lui a été délivré et demande à l’employeur de faire une déclaration à sa compagnie d’assurances. Ceci est fait.

L’assureur refuse son intervention, au motif de l’absence de preuve des faits invoqués. Suite à cette décision, le travailleur remet deux attestations de tiers auprès de qui il a fait état de cette chute. Un troisième témoin fait ultérieurement une attestation, précisant avoir vu l’accident.

Une requête est introduite devant le Tribunal du travail de Verviers, qui, par jugement du 5 septembre 2013, déboute l’intéressé au motif que le contrat de travail était rompu avant la survenance de l’accident. Appel est interjeté.

La décision de la cour

La cour rappelle les définitions de l’accident du travail au sens strict (article 7 de la loi) et de l’accident sur le chemin du travail (article 8). Pour cette deuxième catégorie d’accidents, dont une énumération figure dans la disposition légale, la cour souligne que certains trajets sont encore assimilés au chemin du travail et que la liste donnée est énumérative et non limitative.

Pour la cour du travail, l’on peut dès lors étendre la notion de trajet à ceux qui sont « en rapport direct » avec l’exécution du contrat de travail et, rappelant un arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2003 (Cass., 13 janvier 2003, n° S.00.0007.F), selon lequel, au sens de l’article 8, § 2 (étant la disposition relative aux trajets assimilés), il y a un rapport direct avec l’exécution du contrat de travail lorsque le travailleur se trouve en un endroit en vue de remplir une obligation ou d’exercer un droit résultant du contrat.

Dans l’hypothèse d’un licenciement verbal pour motif grave, il est évident, pour la cour, que le travailleur qui fait une chute en quittant l’entreprise effectue un trajet en rapport direct avec l’exécution du contrat de travail. Elle conclut qu’il s’agit donc d’un trajet assimilé, au sens de l’article 8, § 2.

Elle renvoie encore à deux arrêts de la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 16 avril 1997 et 24 juin 1998, J.T.T., 1997, p. 406 et J.T.T., 1999, p. 303), qui avaient visé l’hypothèse d’un travailleur s’étant rendu à l’entreprise pour signer un contrat, celui-ci ne devant débuter que le lendemain.

La cour va, ensuite, examiner les éléments de fait, afin de voir si l’intéressé établit à suffisance de droit l’existence d’un événement soudain. Elle considère celui-ci comme non-établi à suffisance de droit. Cette appréciation relève des éléments de fait produits, étant essentiellement les trois déclarations ci-dessus.

Intérêt de la décision

L’on constate que la cour du travail, dans une motivation sommaire, admet le principe de l’existence d’un accident sur le chemin du travail en recourant au caractère non limitatif de l’énumération de l’article 8, § 2 de la loi.

L’on pourrait utilement ajouter que, dans un arrêt du 14 janvier 1991 (Cass., 14 janvier 1991, Chron. Dr. Soc., 1991, p. 218), la Cour de cassation avait été saisie d’une telle hypothèse, le travailleur étant cependant, au moment de l’accident survenu au retour du travail, dans l’ignorance de la rupture. La Cour suprême avait rappelé dans cet arrêt que les effets du congé se produisent en effet au moment où le travailleur en a connaissance. Sur renvoi, la Cour du travail de Bruxelles avait cependant précisé dans son arrêt du 29 mars 1993 (C. trav. Bruxelles, 29 mars 1993, Bull. Ass., 1993, n° 304) que la connaissance effective, étant le retrait du pli recommandé à la Poste, n’est cependant pas exigée et que, si l’intéressé avait été mis à-même de prendre connaissance du pli recommandé, il ne pouvait invoquer diverses occupations pour justifier qu’il n’avait pas retiré celui-ci. Seule la force majeure aurait pu être invoquée.

Il en découle que le travailleur qui n’a pas été mis à-même de prendre connaissance du congé pour motif grave notifié (et donc du fait qu’il n’a plus l’obligation d’exécuter le travail convenu) se trouve encore sur le chemin du travail. Il s’agit, selon cette jurisprudence, du chemin visé à l’article 8, § 1er, alinéa 2 de la loi et non de trajet assimilé, au sens du § 2 de la même disposition.

Sur la même problématique, l’on peut encore relever que, dans un jugement du 11 août 1999 (Trib. trav. Louvain, 11 août 1999, R.D.S., 1999, p. 853), le Tribunal du travail de Louvain avait retenu qu’il y avait chemin du travail, le travailleur ayant été informé verbalement de son licenciement pour motif grave et étant rentré à son domicile. Le tribunal a relevé que, dans une telle hypothèse, peu importe que l’on ne puisse plus à proprement parler considérer l’entreprise comme lieu d’exécution du travail.


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