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Allocations de chômage provisionnelles : quid en cas d’impossibilité d’obtenir le paiement de l’indemnité compensatoire de préavis ?

Commentaire de C. trav. Mons, 13 mars 2014, R.G. 2013/AM/209

Mis en ligne le lundi 16 février 2015


Cour du travail de Mons, 13 mars 2014, R.G. n° 2013/AM/209

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 mars 2014, la Cour du travail de Mons rappelle les obligations du bénéficiaire d’allocations de chômage provisionnelles vis-à-vis de l’ONEm d’une part et de son ex-employeur de l’autre.

Les faits

En février 1980, un employé, licencié (par une A.S.B.L.) sans préavis ni indemnité, bénéfice des allocations de chômage à titre provisionnel. Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Charleroi et un C4 est alors délivré. L’A.S.B.L. étant en grande difficulté financière, son liquidateur précise que le licenciement est intervenu avec indemnité de rupture, mais que celle-ci ne peut être payée, vu l’état des finances de l’association.

4 ans plus tard, l’ONEm exclut l’intéressé pour une période de 3 mois, au motif qu’il pouvait prétendre à une indemnité de rupture pendant celle-ci et qu’il n’y avait dès lors pas privation de rémunération.

Une procédure est alors introduite devant le Tribunal du travail de Mons. Un jugement est rendu en mai 1994, qui confirme la décision, condamnant l’intéressé au remboursement des allocations.

Appel est interjeté et un arrêt interlocutoire est rendu le 17 septembre 1997, demandant aux parties de s’expliquer sur plusieurs points, la cour ayant notamment précisé que l’article 7, § 12 de l’arrêté royal du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs est applicable au litige.

L’affaire revient devant la cour le 13 février 2014.

Dans l’arrêt rendu suite à cette audience, en date du 13 mars 2014, la cour reprend le texte de cet article 7, § 12. Celui-ci vise la situation de l’espèce, étant les conditions dans lesquelles le travailleur qui, en principe, n’a pas droit aux allocations de chômage pendant la période couverte par une indemnité ou des dommages et intérêts (à l’exception de l’indemnité pour dommage moral) auxquels il peut prétendre suite à la rupture du contrat de travail, peut cependant, lorsqu’il n’a pas reçu ceux-ci ou lorsqu’il ne les a reçus qu’en partie, bénéficier provisoirement des allocations.

Ce droit est conditionné, en sus des règles générales, à plusieurs engagements que doit prendre le bénéficiaire des allocations, étant de réclamer à l’employeur le paiement de l’indemnité, au besoin par voie judiciaire, de rembourser les allocations provisionnelles perçues dès l’obtention des montants auxquels il a droit de la part de l’employeur, ainsi que de s’engager à informer l’Office de toute reconnaissance de dette que ferait son employeur ou de toute décision rendue sur la question. Il doit également céder à l’ONEm l’indemnité ou les dommages et intérêts en cause, et ce à concurrence des allocations perçues.

La disposition prévoit également la situation de la faillite ou de la liquidation de l’entreprise, étant que, dans ces hypothèses, les mandataires, curateurs et liquidateurs ont les mêmes obligations que les employeurs pour ce qui est de la cession de créance.

La cour rappelle que cette disposition a été intégralement reprise dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (article 47) et que le texte ne prévoit aucune distinction selon le montant de la perception de l’indemnité, que celle-ci intervienne avant l’octroi des allocations ou après.

Le système prévoit que le travailleur est tenu de diligenter une action contre son employeur dans l’année qui suit la cessation du contrat et de la poursuivre. Il ne peut en aucun cas se désintéresser de l’action introduite, la cour précisant que la négligence du travailleur ne peut avoir pour effet de mettre à charge de la collectivité la dette de l’employeur.

En l’espèce, la cour constate que l’action a été introduite et qu’elle a été menée à son terme, le Tribunal du travail de Charleroi ayant fait droit à la demande de l’intéressé.

Pour la cour du travail, à partir de ce constat, il faut conclure que le travailleur a rempli toutes les conditions imposées par le texte réglementaire et qu’il peut dès lors continuer à bénéficier des allocations.

La seule question qui se pose est qu’aucune somme n’a été perçue.

Pour la cour, s’il peut être considéré que le droit à l’indemnité de rupture suffit pour exclure le cumul, encore faut-il que celui-ci ne soit pas hypothétique (la cour reprenant ici expressément la doctrine de M. WILLEMET et C. HALLUT, « Chômage et absence de rémunération », Chômage, 20 ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, Kluwer, 2011, p. 89).

En l’espèce, il y a impossibilité absolue d’obtenir le paiement de l’indemnité et le jugement est dès lors réformé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt statue dans une hypothèse fréquente, relative au droit du travailleur non indemnisé suite à la rupture du contrat de travail et qui se tourne vers l’ONEm aux fins de bénéficier des allocations de chômage. L’une des conditions d’octroi est bien sûr d‘être privé de rémunération et l’interdiction de cumuler des allocations avec une indemnité de préavis ou des dommages et intérêts consécutifs à la rupture (hors dommage moral) est la règle. Dans l’hypothèse où le travailleur est dans l’attente du paiement d’indemnités, le régime du chômage permet l’octroi d’allocations à titre provisionnel, dans les conditions ci-dessus. Parmi celles-ci, figure l’obligation pour le travailleur non seulement d’introduire l’action en paiement contre son ex-employeur dans le délai légal de l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978, mais également l’obligation de ne pas se désintéresser de sa procédure.

L’intérêt particulier de l’arrêt annoté est de rappeler, avec la doctrine récente, que le travailleur a des obligations s’il entend bénéficier des allocations provisoires, mais qu’une fois celles-ci remplies, il ne peut être privé des allocations si son droit au paiement de la part de l’employeur est tout à fait hypothétique. En l’espèce, s’agissant d’une A.S.B.L. en liquidation et sans aucune liquidité, la cour conclut à l’impossibilité absolue d’obtenir le paiement.

Sur la même question, il peut encore être renvoyé à un arrêt de la Cour du travail de Liège, section Namur, du 7 mars 2006 (C. trav. Liège, sect. Namur, 7 mars 2006, R.G. 7.616/04), qui rappelle la modification de la réglementation à la date du 1er janvier 1989, l’octroi d’allocations à titre provisionnel n’existant pas précédemment, le système étant fondé à l’époque sur une simple pratique administrative.

Dans l’arrêt du 7 mars 2006, la Cour du travail de Liège avait également conclu que, si le travailleur respecte les quatre conditions mises à sa charge, il conserve le bénéfice des allocations de chômage. Il s’agissait en l’espèce également d’une situation où l’employeur, une A.S.B.L., avait été mis en liquidation.


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