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Demande de réparation de maladie professionnelle : étendue de l’instruction à effectuer par le FMP

Commentaire de C. trav. Mons, 8 janvier 2014, R.G. 2013/AM/106

Mis en ligne le mercredi 25 février 2015


Cour du travail de Mons, 8 janvier 2014, R.G. n° 2013/AM/106

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 8 janvier 2014, la Cour du travail de Mons se prononce sur l’étendue de l’instruction administrative à effectuer par le FMP si les documents médicaux joints à la demande ne confirment pas le code repris sur celle-ci.

Les faits

Une demande de réparation est introduite par un travailleur le 15 février 2008. Il s’agit d’une demande visant une maladie figurant dans la liste (code n° 1.605.01). Le formulaire administratif 503F fait état de lésions dégénératives colonne cervicale et lombosacrée.

La demande est déclarée irrecevable par décision administrative du 28 mai 2008 au motif que les mentions exigées ne sont pas correctement remplies, les dispositions de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 n’ayant pas été observées et les documents médicaux n’étant pas joints.

La décision indique comme code pour lequel la demande avait été introduite le n° 1.605.03.

Cette décision ne fait pas l’objet d’un recours.

Suite à l’envoi de pièces nouvelles ultérieurement, le Fonds prend une nouvelle décision concluant à l’absence d’exposition au risque de la maladie professionnelle et ce, dans le cadre du code n° 1.605.03.

Un recours est alors formé devant le tribunal du travail de Charleroi qui, par jugement du 10 janvier 2013, désigne un expert dans les deux codes (1.605.01 et 1.605.03).

Le Fonds interjette appel de cette décision, faisant valoir essentiellement deux arguments, d’une part le caractère définitif de la décision administrative de rejet du 28 mai 2008 et d’autre part, le libellé incorrect de la mission de l’expert, qui vise les deux codes.

En conséquence, le Fonds demande de limiter la mission de l’expert eu égard à ces deux éléments.

Décision de la cour

La cour considère, à propos de la décision de rejet, que la notion de « autorité de la chose décidée » ne peut être retenue. Elle renvoie à la notion de « d’autorité de chose jugée » qui ne peut porter que sur ce qui a réellement été décidé. Or, en l’espèce, la décision litigieuse ne vise pas le fait que l’intéressé n’aurait pas été exposé au risque mais que les éléments de preuve n’étaient pas apportés – et la cour de renvoyer au fait que le FMP a malgré tout instruit le dossier ultérieurement.

Emme souligne également que, contrairement à la notion de « l’autorité de la chose jugée », celle de « chose décidée » ne bénéficie d’aucune présomption légale et que, saisie d’une contestation relative à un droit subjectif, elle doit exercer un contrôle de légalité. Dans le cadre de celui-ci, elle relève en tout cas deux motifs de contrariété à la loi, étant d’abord l’article 3 de la Charte de l’assuré social (obligation de communiquer d’initiative le complément d’information nécessaire à l’examen de la demande) ainsi que l’article 14 de la même loi (concernant les mentions obligatoires que doivent reprendre les décisions).

La cour constate encore que le Fonds, qui a rejeté la première demande au motif que n’étaient pas joints les documents médicaux, notamment les radiographies permettant de constater si la condition de précocité était remplie, ne peut être suivi lorsqu’il fixe d’office celle-ci à l’âge de 40 ans. La cour relève que ceci ne ressort d’aucun texte et qu’il y a ajout d’une condition (restrictive) ne figurant pas dans la loi.

La deuxième question examinée est également délicate, puisque, s’il est admis que la mission d’expertise peut inclure le code 1.605.03, le formulaire qui avait été introduit en 2008 visait le code 1.605.01. La cour rappelle l’évolution de ce dernier code au fil du temps, puisque des modifications sont intervenues par deux arrêtés royaux des 2 août 2002 et 27 décembre 2004, scindant les affections. En outre se pose la question de l’application des règles de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 déterminant la manière dont sont introduites et instruites les demandes auprès du Fonds. La cour rappelle à cet égard la modification intervenue par arrêté royal du 4 mai 2006 selon laquelle le Fonds limite l’examen à l’affection pour laquelle la demande est introduite.

Quant à savoir quelle est la lésion à retenir en l’espèce, elle renvoie à un arrêt du 6 décembre 1990 de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 6 décembre 1990, R.G. n° 23.952) qui a considéré que la maladie que le travailleur mentionne dans la demande qu’il adresse au Fonds des maladies professionnelles n’a qu’une valeur indicative. Pour la Cour du travail de Mons, la mission du FMP est déterminée par les mentions figurant sur les éléments médicaux produits à l’appui de la demande (rapport médical et documents médicaux). Si l’instruction administrative ne confirme pas le code repris dans la demande, le Fonds doit instruire le dossier de façon à établir si l’assuré social n’a pas entendu viser une autre réparation.

La cour examine dès lors le rapport médical repris sur le formulaire 503F et constate que les éléments qu’il contient sont sans rapport avec le code 1.605.01. La mission de l’expert est dès lors restreinte au code 1.605.03.

Intérêt de la décision

La première conclusion de l’arrêt, étant le rejet de la limitation dans le temps (date de la décision de rejet) est d’évidence, eu égard à la réouverture du dossier par le Fonds.

Quant à la solution dégagée sur les limites de l’examen de la demande, la cour retient que l’affection pour laquelle la demande de réparation est introduite doit être examinée eu égard aux éléments médicaux figurant dans la demande et en annexe de celle-ci et qu’elle ne peut être déterminée par le seul code visé. En cas de contrariété, la cour recherche la volonté de l’assuré social eu égard aux éléments décrits (diagnostic, mode d’apparition de la maladie, plaintes, constatations et traitements).

Cette interprétation découle de l’arrêt de la Cour du travail de Liège cité à l’appui. Il n’échappera pas, cependant, que l’article 9, 2e alinéa, de l’arrêté royal du 15 juin 1971 appliqué dans cette jurisprudence du 6 décembre 1990 n’est plus en vigueur actuellement, non plus d’ailleurs que l’ensemble de cet arrêté royal, depuis l’arrêté royal du 26 septembre 1996.

La précision contenue à l’article 8bis de ce dernier, selon lequel le Fonds limite l’examen de la demande à l’affection pour laquelle celle-ci est introduite, ne donne cependant pas de solution à la question qui était posée en l’espèce, puisque le code indiquait une affection et que la description du rapport médical renvoyait manifestement à une autre.


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