Terralaboris asbl

Non-présentation à une convocation auprès des services de l’emploi : notion de justification suffisante

Commentaire de C. trav. Mons, 22 mai 2014, R.G. 2013/AM/2

Mis en ligne le lundi 16 mars 2015


Cour du travail de Mons, 22 mai 2014, R.G. n° 2013/AM/2

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 22 mai 2014, la Cour du travail de Mons rappelle qu’il faut donner à cette notion un contenu large, la notion pouvant s’apprécier conformément à celle de « motif valable » au sens de l’Accord de Coopération du 3 mai 1999 conclu entre l’Etat, les Communautés et les Régions.

Rétroactes

Un bénéficiaire d’allocations de chômage a été exclu pour une durée de 13 semaines, au motif qu’il ne s’était pas présenté auprès du service de l’emploi.

Il avait reçu une première convocation sous pli simple pour un premier entretien et une seconde par voie recommandée.

En conséquence, le FOREm a informé l’ONEm que l’intéressé était radié de la liste des demandeurs d’emploi. L’ONEm a alors convoqué celui-ci pour qu’il soit entendu sur cette radiation et sur sa disponibilité sur le marché de l’emploi. Dans le cadre de la procédure administrative, l’intéressé signale qu’il était en France au moment de la réception des lettres. Il précise qu’il est disponible pour tout emploi convenable, compatible avec une occupation pour la saison d’hiver auprès de stations de ski. Il expose qu’il doit pouvoir se libérer pour une date déterminée et que, de ce fait, il ne s’est inscrit qu’auprès d’agences intérimaires. Il fait également valoir des perspectives d’emploi de courte durée en Belgique et signale qu’il va très régulièrement en France, et ce parfois pour plusieurs semaines d’affilée.

Il est exclu par décision du 21 octobre 2009, sur pied des articles 51 et 52bis (non-présentation), de même sur base de l’article 56 (pour la durée de son indisponibilité) et sur pied de l’article 58 (parce qu’il n’est pas inscrit comme demandeur d’emploi). D’autres sanctions sont prises sur pied de l’article 56, § 1er, 66 de l’arrêté royal (l’intéressé n’étant plus disponible sur le marché de l’emploi et ne résidant pas effectivement sur le territoire belge de manière régulière) et sur pied de l’article 154 pour une période de 4 semaines (parce qu’il n’a pas complété sa carte de contrôle correctement), l’ONEm décidant de récupérer les allocations perçues indûment du 1er juin 2009 au 22 septembre 2009 en sus.

L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail de Charleroi, qui le déboute.

Il forme dès lors appel, demandant l’annulation de la décision dans toutes ses dispositions et, à titre subsidiaire, la réduction des sanctions.

La décision de la cour

La cour examine l’affaire, dans un premier temps, à partir de la notion de justification suffisante, telle que figurant aux articles 51, § 1er et 52bis de l’arrêté royal. En vertu de ces dispositions, le travailleur devenu chômeur par suite de circonstances dépendant de sa volonté peut être exclu du bénéfice des allocations pendant 4 semaines au moins et 52 semaines au plus s’il s’abstient de se présenter sans justification suffisante au service de l’emploi ou de la formation professionnelle alors qu’il a été convoqué.

Pour la cour, l’Accord de Coopération du 3 mai 1999 entre l’Etat, les Communautés et les Régions concernant le plan d’accompagnement des chômeurs peut donner une piste de réflexion, son annexe 2 prévoyant la possibilité d’invoquer des « motifs valables » de nature à justifier l’absence à une convocation. Ceux-ci visent non seulement les éléments en lien avec la disponibilité positive sur le marché de l’emploi, mais aussi les actions spécifiques, notamment, consécutives à des accords de coopération menées par les administrations en vue du développement des chances et des capacités d’insertion des personnes. Pour la cour, ces critères peuvent être transposés à la situation de l’espèce, le juge pouvant tenir compte des efforts de réinsertion fournis par le chômeur en recherchant activement un emploi et en collaborant avec les services pour augmenter ses chances.

La cour examine dès lors les explications avancées, étant que, pour la première convocation, celle-ci est arrivée pendant une période de vacances, période que l’intéressé avait dûment reprise sur sa carte de pointage et que la situation s’est présentée de la même manière pour la seconde. Il précise que, lors de son retour, le délai pour retirer le pli recommandé à la Poste était expiré. La cour constate que, si le chômeur doit mettre tout en œuvre pour répondre aux convocations, il est cependant autorisé, par la réglementation, à prendre des vacances, les conditions de celles-ci devant cependant être respectées et, notamment, l’apposition de la lettre « V » sur la carte de pointage. Le dossier étant incomplet à cet égard, la cour ne règle pas la question, renvoyant la décision finale sur ce point dans le cadre d’une réouverture des débats.

Elle examine, cependant, la question de la mesure d’exclusion visée à l’article 56, § 1er, 2e alinéa de l’arrêté royal, étant l’exclusion de 13 semaines pour indisponibilité sur le marché de l’emploi (réserves non fondées).

Elle rappelle la notion d’indisponibilité, précisée par ailleurs dans une circulaire 056.D.01 du 20 décembre 1992. Cette notion vise une indisponibilité objective plus générale et une indisponibilité subjective plus spécifique. La première concerne le chômeur qui, en raison d’une disposition légale ou réglementaire, ou par suite de circonstances de fait, se trouve dans l’impossibilité d’accepter toute offre d’emploi convenable. La seconde, celui qui manifeste clairement sa volonté de ne pas travailler ou de ne travailler que sous certaines conditions non justifiées. Dans le premier cas, l’exclusion vise toute la période et peut être rétroactive, contrairement au second.

En l’espèce, est visée l’indisponibilité subjective, eu égard au projet exposé par l’intéressé quant à ses activités en France en hiver. La cour constate cependant que l’ONEm ne précise pas quelles sont les réserves que l’appelant aurait faites dans la déclaration en cause et, avec le Ministère public, la cour constate que tel n’est pas le cas, d’autant que la réglementation européenne favorise la circulation des travailleurs.

La cour va, ensuite, aborder brièvement les autres points, d’une part la mesure d’exclusion de l’article 58 (l’intéressé n’étant plus inscrit comme demandeur d’emploi), ainsi que celle des articles 56, § 1er, alinéa 1er et 66 (le chômeur ayant déclaré résider depuis le mois de juin 3 à 4 semaines d’affilée en France, ce qui compromettrait sa disponibilité sur le marché de l’emploi en Belgique). La cour constate ici devoir également réserver à statuer, souhaitant être mieux informée sur la question de l’inclusion des vacances annuelles dans la période en cause.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail de Mons du 22 mai 2014 contient deux points d’analyse spécifiques :

  1. L’interprétation de la notion de « justification suffisante » au sens des articles 51, § 1er, alinéa 2, 4° et 52bis, § 1er, 2° de l’arrêté royal. Pour la compréhension de cette notion, il faut, pour la cour, renvoyer à celle de motif valable au sens de l’annexe 2 de l’Accord de coopération du 3 mai 1999 entre l’Etat, les Communautés et les Régions, concernant le plan d’accompagnement des chômeurs. L’ONEm ou le juge peut dès lors tenir compte d’éléments objectifs sérieux et concrets établis, mais également de la disponibilité positive du chômeur, c’est-à-dire des efforts de réinsertion qu’il a fournis en recherchant activement un emploi et en collaborant avec l’administration pour augmenter ses chances et ses capacités personnelles d’insertion (la cour renvoyant à un arrêt de sa propre cour du 9 septembre 2010, R.G. 2009/AM/21.559 – consultable sur www.terralaboris.be).
  1. L’on notera également les précisions de l’arrêt en ce qui concerne la notion d’indisponibilité et, particulièrement, les conditions d’indisponibilité subjective, étant qu’est exigée la manifestation claire de la volonté du chômeur de ne pas travailler ou de ne travailler que sous certaines conditions non justifiées.

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