Terralaboris asbl

Demande du revenu d’intégration sociale : prise en compte des allocations familiales ?

Commentaire de Cass., 19 janvier 2015, n° S.13.0066.F

Mis en ligne le lundi 13 avril 2015


Cour de cassation, 19 janvier 2015, n° S.13.0066.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 janvier 2015, la Cour de cassation rappelle les règles de prise en compte des ressources de tiers en cas de cohabitation, ainsi que celles déterminant l’allocataire d’allocations familiales.

Rétroactes

L’arrêt attaqué, rendu par la Cour du travail de Bruxelles le 21 février 2013, décidait que les allocations familiales versées pour le demandeur du revenu d’intégration sociale à la mère de celle-ci (cohabitante) ne pouvaient être prises en compte pour déterminer le montant du revenu d’intégration sociale en faveur de ce dernier.

L’arrêt avait rappelé qu’en vertu de l’article 16 de la loi du 26 mai 2002, toutes les ressources, quelles qu’en soient la nature ou l’origine, dont dispose le demandeur doivent être prises en considération, en ce compris les prestations sociales. Peuvent également l’être – dans les limites fixées par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des Ministres – celles des personnes cohabitantes.

Par ailleurs, l’arrêté royal du 11 juillet 2002 dispose qu’il n’est pas tenu compte, pour le calcul des ressources, des prestations familiales pour lesquelles le demandeur a la qualité d’allocataire en faveur d’enfants dont il a charge, étant qu’il les élève et assume cette charge totalement ou partiellement.

La cour du travail avait rappelé que, si le demandeur percevait des allocations familiales en son nom propre, le C.P.A.S. aurait dû en tenir compte, s’agissant d’une ressource propre et, par ailleurs, d’une ressource non exonérée, puisqu’il ne s’agissait pas d’une allocation familiale pour un enfant dont le demandeur du revenu d’intégration sociale a la charge.

La cour du travail avait également constaté qu’il ne ressortait d’aucun élément que les allocations familiales auraient été versées directement à celui-ci et qu’il ne pouvait être tenu compte d’allocations familiales versées à la mère, puisque celles-ci ne constituent pas un revenu personnel à l’enfant (demandeur du revenu d’intégration sociale). La loi prévoit explicitement dans son article 16 qu’il ne peut être tenu compte des ressources des personnes avec lesquelles le demandeur du revenu d’intégration sociale cohabite que dans les limites fixées par la loi.

La cour du travail avait cependant émis un commentaire, par lequel elle se demandait s’il ne serait pas plus « logique » de prévoir un système légal qui tiendrait compte d’une manière ou d’une autre des allocations payées à la mère en cas de cohabitation. La cour avait constaté que rien n’a été réglé en ce sens et qu’au contraire, la circulaire ministérielle du 6 septembre 2002 prévoit que l’on ne peut tenir compte des prestations familiales qui « servent » pour le jeune demandeur du revenu d’intégration sociale, mais qui ne lui sont pas attribuées directement, et ce ni pour les parents cohabitants ni pour le demandeur du revenu d’intégration sociale.

Le pourvoi

Le C.P.A.S. s’est pourvu en cassation, faisant valoir, essentiellement, dans un premier moyen, que les allocations familiales pour travailleurs salariés, payées conformément aux lois coordonnées le 19 décembre 1939 à la mère d’un demandeur du revenu d’intégration sociale, sont des prestations allouées en vertu d’une législation sociale belge et qu’elles sont destinées à couvrir en partie des frais d’éducation et d’entretien de l’enfant. Il s’agit dès lors d’une ressource au sens de l’article 16, § 1er.

S’il est prévu que, pour fixer les ressources du demandeur d’intégration, il n’est pas tenu compte des allocations familiales payées pour les enfants qu’il élève et dont il assume la charge totalement ou partiellement, le Roi n’a pas à imposer qu’il ne soit pas tenu compte – au titre de ressources personnelles – des allocations familiales payées pour lui. Pour le C.P.A.S., la cour du travail n’a dès lors pas pu légalement décider que les allocations familiales payées à la mère ne pouvaient pas être prises en compte lors du calcul du revenu d’intégration sociale octroyé à son enfant.

La décision de la Cour

La Cour rappelle en trois brefs attendus les principes et l’articulation entre la loi du 26 mai 2002 et les lois coordonnées du 19 décembre 1939 sur la question.

En vertu de l’article 14, § 2 de la loi du 26 mai 2002, le montant du revenu d’intégration sociale est diminué des ressources du demandeur. Le mode de calcul est fixé à l’article 16 de la loi. Toutes les ressources, quelles qu’en soient la nature ou l’origine, dont dispose le demandeur doivent être prises en considération, ce qui inclut toutes les prestations allouées en vertu de la législation sociale (belge et étrangère). Les ressources des cohabitants peuvent également l’être, selon les conditions fixées par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres.

Par ailleurs, les lois coordonnées du 19 décembre 1939 déterminent (article 69, § 1er) l’allocataire, c’est-à-dire la personne à laquelle les allocations familiales sont payées en faveur de l’enfant bénéficiaire. Au sens de l’article 16, § 1er de la loi concernant le droit à l’intégration sociale, les allocations constituent une ressource de l’allocataire. L’on ne peut dès lors soutenir qu’il s’agirait d’une ressource de l’enfant bénéficiaire. Le moyen est dès lors rejeté.

La Cour accueille cependant un second moyen, relatif à la période concernée, de telle sorte que l’arrêt est cassé, la cassation étant cependant limitée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est important, puisqu’il rappelle que l’allocataire, à savoir la personne qui élève l’enfant, au sens des lois coordonnées en matière d’allocations familiales, perçoit celles-ci en vue de subvenir aux frais d’entretien et d’éduction de l’enfant dont il a la charge.

La question de savoir à qui doivent être attribuées celles-ci pour la prise en compte des ressources en tant que condition d’octroi du revenu d’intégration sociale n’avait pas fait l’objet d’une décision de la Cour de cassation à ce jour.

C’est désormais chose faite : ces allocations familiales ne peuvent être considérées comme venant en déduction du revenu d’intégration sociale du jeune demandeur de RIS, dans la mesure où celles-ci ne lui sont pas versées. La cour du travail avait en effet relevé expressément qu’il ne ressortait d’aucun élément du dossier que le demandeur les percevait directement.

La question de la prise en charge des ressources des cohabitants en matière d’allocations familiales a, précédemment, été abordée dans un autre arrêt de la Cour de cassation (Cass., 31 janvier 2011, n° S.10.0030.F), s’agissant en l’espèce d’allocations familiales d’orphelin perçues par l’épouse d’un demandeur du revenu d’intégration sociale. S’agissant des ressources du cohabitant (ou conjoint), cette prise en compte est obligatoire, contrairement aux ressources des ascendants/descendants au premier degré, pour lesquels le C.P.A.S. – et le tribunal du travail ensuite – dispose d’un pouvoir d’appréciation.


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