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Accident du travail : conditions d’indemnisation des séquelles d’un accident de la vie privée survenu après un accident du travail

Commentaire de C. trav. Gand, 16 janvier 2015, R.G. 2014/AG/182

Mis en ligne le mardi 5 mai 2015


Cour du travail de Gand, 16 janvier 2015, R.G. n° 2014/AG/182

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 16 janvier 2015, la Cour du travail de Gand (div. Gand) examine l’application de l’article 25 de la loi du 10 avril 1971 dans l’hypothèse où une victime d’un accident du travail subit, ultérieurement, un accident dans le cadre de sa vie privée.

Les faits

Un travailleur manuel, travaillant dans un garage, a un accident du travail en décembre 2010. Celui-ci entraînera une incapacité temporaire et ses séquelles seront consolidées avec un taux d’IPP de 3%.

En 2012, alors qu’il est occupé à nettoyer les fenêtres de son domicile, il ressent une vive douleur au siège de la lésion causée par l’accident du travail (épaule gauche) et consulte son médecin. Celui-ci conclut à un problème de la coiffe des rotateurs et prévoit une incapacité de travail temporaire.

L’intéressé s’adresse à l’assureur-loi, qui refuse son intervention, considérant qu’il n’y a pas de lien causal avec l’accident du travail.

Une procédure est dès lors introduite devant le Tribunal de Termonde (div. Termonde). L’objet de la demande est de faire reconnaître une période de sept mois d’incapacité de travail, étant une aggravation temporaire des lésions de l’accident du travail de décembre 2010. Il y a également une demande de remboursement de soins.

Le tribunal du travail désigne un expert par jugement du 3 février 2014.

L’assureur interjette appel.

Décision de la cour du travail

La cour doit dès lors examiner si elle est saisie d’un litige indemnisable dans le cadre de la loi du 10 avril 1971.

L’article 25 de la loi du 10 avril 1971 dispose que, si l’incapacité permanente causée par un accident du travail s’aggrave à un point tel que la victime ne peut plus exercer temporairement la profession dans laquelle elle a été reclassée, elle peut prétendre, durant cette période, aux indemnités journalières.

La cour constate que l’assureur ne conteste pas l’application de cette disposition légale mais qu’il conteste le lien de causalité de la lésion nouvelle avec l’accident.

La cour rejette que puisse être assimilée à la présente espèce une décision invoquée par la partie appelante (C. trav. Gand, 16 septembre 2011, R.G. n° 2010/AG/323), les éléments de fait n’étant pas comparables (absence d’incapacité permanente dans l’exemple auquel il est fait référence).

Elle rappelle que pour qu’il y ait lieu à appliquer l’article 25 de la loi, il faut que subsiste une incapacité permanente et que celle-ci soit aggravée, ne permettant plus à la victime d’exercer ses activités professionnelles (le renvoi étant fait dans la loi à l’octroi des indemnités journalières des articles 22, 23 et 23bis).

En ce qui concerne le lien de causalité entre la seconde lésion et l’accident du travail, la cour constate qu’il est établi. En outre, il y a eu une nouvelle période d’incapacité temporaire.

Il en découle que la mesure d’instruction telle qu’ordonnée par le tribunal se justifie. Elle en précise toutefois la mission, rappelant que l’article 23 n’exige pas que l’aggravation de l’incapacité permanente soit causée par les lésions de l’accident du travail (ainsi si une personne rendue aveugle par un accident heurte ultérieurement quelque chose du fait de sa cécité). L’hypothèse visée par la disposition légale est l’existence d’un lien de causalité avec l’accident lui-même.

La cour reprend encore l’exemple d’un accident qui aurait entraîné une lésion à une épaule, causant une incapacité permanente et, celle-ci étant ultérieurement aggravée du fait que quelque chose lui serait ultérieurement, dans le cadre de sa vie privée, tombé sur le pied.

Or, en l’espèce, la victime a eu deux lésions à l’épaule gauche, la première du fait de l’accident du travail et l’autre du fait de l’accident de la vie privée. Il semble dès lors qu’une des causes de la seconde lésion soit l’accident.

La cour considère ainsi que le lien de causalité doit être établi dans le cadre de l’expertise et elle charge l’expert judiciaire de dire si celui-ci existe, question posée en priorité, les autres points habituels de la mission ne devant être abordés que dans cette hypothèse.

Intérêt de la décision

Cet arrêt fait une juste application de la règle selon laquelle il y a lieu à indemnisation (ou, en tout cas dans un premier temps à la désignation d’expert), si l’on est en présence d’une lésion qui trouve son origine dans la lésion admise dans le cadre d’un accident du travail. Il peut être renvoyé ici à l’arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2004 (Cass., 28 juin 2004, n° S.03.0004.F).

Cependant, il est plus conforme au texte de la loi de retenir que la présomption de causalité s’étend à la présente hypothèse, ainsi d’ailleurs que ceci a été confirmé par un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 26 mai 2014 (C. trav. Bruxelles, 26 mai 2014, R.G. n° 2012/AB/655) et qui est également confirmé dans un autre arrêt de la même cour du 17 avril 2013 (C. trav. Bruxelles, 17 avril 2013, R.G. n° 2011/AB/808). Ce dernier précise qu’il est nécessaire dans le cadre de l’examen des séquelles de l’accident du travail soumis à son appréciation de vérifier si, sans les lésions consécutives à celui-ci, les accidents ultérieurs de la vie privée se seraient produits tels qu’ils se sont produits, auquel cas les lésions produites par ceux-ci seraient censées être la conséquence de l’accident du travail.

Dans l’arrêt du 26 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles avait insisté sur la règle selon laquelle la présomption joue non seulement pour la lésion qui trouve son origine dans l’événement soudain au sens strict mais également si la lésion invoquée trouve son origine dans une lésion consécutive à l’accident et avait souligné qu’il est indifférent que les lésions diagnostiquées ultérieurement à l’accident soient survenues dans des circonstances de la vie privée.

Les deux arrêts renvoient à une décision de la Cour de cassation du 26 mars 1990 (N° 7032) selon laquelle pour qu’il y ait prise en charge par l’entreprise d’assurances des séquelles d’un accident de la vie privée survenu après un accident du travail il ne faut pas que ce dernier ait facilité la survenance des lésions produites par l’accident de la vie privée mais il faut que les lésions produites par l’accident du travail aient provoqué fût-ce partiellement l’accident de la vie privée en question.


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