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Congé parental : droit aux allocations d’interruption et possibilité d’exercice d’une activité en cas de réduction des prestations ?

Commentaire de C. trav. Liège, div. Namur, 3 février 2015, R.G. 2014/AN/11

Mis en ligne le mardi 5 mai 2015


Cour du travail de Liège, division Namur, 3 février 2015, R.G. n° 2014/AN/11

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Dans un arrêt du 3 février 2015, la Cour du travail de Liège, div. Namur, rappelle les règles spécifiques en cas de réduction de prestations dans le cadre d’un congé parental eu égard au droit aux allocations d’interruption et à l’exercice d’une activité salariée ou indépendante.

Les faits

Une travailleuse salariée sollicite un congé parental (réduction des prestations de 1/5e temps) pendant une période de quinze mois. Elle répond par la négative à la question figurant sur le formulaire de demande concernant l’exercice d’une activité indépendante.

Deux mois et demi après la fin de ce premier congé parental, une demande est introduite pour un deuxième, à mi-temps, pendant une période de 18 mois. La même mention est apportée sur le formulaire.

Une troisième demande sera introduite ultérieurement, pour une interruption mi-temps couvrant une nouvelle période d’un an et la même réponse est encore apportée.

Ultérieurement, l’ONEm découvre que l’intéressée a le statut de travailleuse indépendante depuis près de dix ans.

Il prend dès lors une décision de revision et de suppression du droit aux allocations d’interruption pour les trois dernières années. La récupération de l’indu est de l’ordre de 7.250€.

Le Tribunal du travail de Namur, saisi du recours de l’intéressée, confirme la décision administrative par jugement du 12 décembre 2013.

Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

Pour l’appelante, c’est sur la base d’informations verbales d’un préposé de l’ONEm qu’elle a complété le formulaire comme elle l’a fait. Elle expose que les revenus perçus pendant la période de référence sont en grande partie relatifs à une activité antérieure et estime ne pas avoir exercé une activité accessoire incompatible avec les allocations d’interruption. Elle fait valoir sa bonne foi. Sur la décision de récupération, elle considère qu’elle n’est pas conforme à l’article 17, alinéa 2 de la Charte sociale et qu’elle ne peut dès lors avoir un effet rétroactif, l’ONEm ayant par ailleurs commis une faute en manquant à son obligation d’information et de renseignement ou à son devoir général de prudence. Cette clause justifierait des dommages et intérêts équivalents à l’indu réclamé.

En ce qui concerne l’ONEm, il considère que c’est par trois fois que l’intéressée a omis de déclarer son activité. Il estime dès lors que les conditions de l‘article 48 de l’arrêté royal ne sont pas remplies et que les allocations d’interruption ne peuvent être cumulées avec une activité d’indépendant (hormis cependant certaines hypothèses). Il conteste la bonne foi de l’intéressée et estime qu’il n‘y a pas lieu de limiter la récupération.

L’avis du ministère public

Le ministère public considère essentiellement qu’il y a eu déclaration inexacte à trois reprises et que l’activité exercée sans être déclarée ne pouvait permettre l’octroi d’allocations d’interruption.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle en premier lieu les règles en la matière, étant l’arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle. Lorsque le travailleur exerce le droit qui lui est conféré dans le cadre de ce droit au congé parental, le droit aux allocations d’interruption reste régi par l’arrêté royal du 2 janvier 1991 (auquel l’arrêté ci-dessus renvoie). Elles sont prévues pour les travailleurs qui interrompent ou réduisent leurs prestations dans le cadre du congé parental et elles peuvent être cumulées avec certains revenus dont ceux produits par une activité accessoire exercée en tant que travailleur salarié, et ce au moins pendant les trois mois qui ont précédé le début de la suspension de l’exécution du contrat ou la réduction des prestations de travail. En cas de suspension les allocations d’interruption peuvent également se cumuler avec les revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante mais cependant pendant une période maximale d’un an.

Il en résulte donc que, en cas de réduction des prestations de travail, il n’est pas possible de percevoir des allocations d’interruption et des revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante.

La cour examine également le régime général du crédit-temps, dans lequel il n’est pas davantage permis de cumuler les allocations d’interruption avec l’exercice d’une activité indépendante complémentaire sauf dans le cadre de la suspension complète des prestations de travail et ici encore pour autant que l’activité indépendante ait été exercée en même temps que l’activité dont l’exécution est suspendue, dans la présente hypothèse pendant au moins les douze mois précédant le début de la suspension complète. Le cumul est alors autorisé pendant une période maximale de douze mois.

La cour en conclut que, dans l’un et l’autre régime, les allocations d’interruption ne sont pas cumulables avec les revenus d’une activité indépendante s’il y a réduction des prestations.

Sont ainsi indifférents les critères de l’ampleur de l’activité en cause ainsi que des revenus perçus, du moment où elle est exercée ainsi que de celui où elle a débuté et, même, de la déclaration à l’ONEm.

La présente hypothèse est dès lors distincte de celle de la suspension totale des prestations et l’intéressée n’avait pas droit aux allocations d’interruption.

Enfin, pour ce qui est de la Charte, la cour déclare ne pas voir où se situerait une erreur de l’ONEm, au sens de l’article 17, alinéa 2 et la récupération doit être confirmée.

La cour ordonne une réouverture des débats aux fins de permettre à l’intéressée de conclure plus amplement sur sa demande de termes et délais.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une règle parfois ignorée, étant la distinction à faire en cas de suspension totale de prestations ou de réduction de celles-ci, eu égard à l’exercice d’une autre activité (salariée ou indépendante). L’arrêt examine les deux systèmes en vigueur, étant d’une part celui du congé parental sous forme de réduction des prestations et d’autre part le régime général du crédit-temps. Les deux réglementations contiennent des règles du même type (avec quelques nuances ne modifiant pas sensiblement la solution).

L’on peut encore utilement rappeler sur la question que dans un arrêt du 23 avril 2014 (C. trav. Bruxelles, 23 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/920), la Cour du travail de Bruxelles a statué sur les conditions d’octroi de l’allocation d’interruption en cas de fractionnement du congé.


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