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Secteur AMI : notion de capacité de travail et d’incapacité de travail de plus de deux tiers

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 janvier 2015, R.G. 2013/AB/400

Mis en ligne le mercredi 13 mai 2015


Cour du travail de Bruxelles, 7 janvier 2015, R.G. n° 2013/AB/400

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 janvier 2015, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions d’indemnisation dans le secteur AMI : pour être reconnu incapable de travailler, le travailleur avoir cessé son activité en conséquence directe du début ou de l’aggravation de lésions ou troubles fonctionnels, ceux-ci impliquant l’exigence d’une capacité de travail lors de son entrée sur le marché du travail.

Les faits

Une personne est engagée comme technicienne de surface dans le cadre d’un contrat de travail à mi-temps, en 2007. Elle preste pendant une période de sept mois et demi et tombe alors en incapacité de travail. Celle-ci est liée à douleurs aux épaules. L’intéressée tombe à charge de sa mutuelle. Quelques semaines tard, elle doit subir une opération de la coiffe des rotateurs, ainsi que, ultérieurement, pour hernie gastrique.

L’année suivante, le Conseil Médical de l’Invalidité met fin à la reconnaissance de l’incapacité, admettant la possibilité pour l’intéressée d’effectuer un travail « adapté ».

Une procédure est introduite devant le tribunal du travail.

Un recours est introduit.

Décision du tribunal

Par jugement du 12 mai 2011, le tribunal désigne un expert, qui conclut à la réduction de capacité de gain de plus des deux tiers.

Le tribunal juge cependant la demande non fondée, par jugement du 14 mai 2013, au motif que l’intéressée n’aurait jamais présenté une réelle capacité de travail.

Appel est interjeté.

Décision de la cour

La cour est essentiellement saisie de l’habituelle problématique de l’existence d’un état antérieur qui aurait – ou non – privé le travailleur d’une réelle capacité de travail lors de son entrée sur le marché du travail.

La cour constate que, pour l’INAMI, travailler à raison de 2,5 heures par jour pendant une période de sept mois et demi ne permet de conclure à l’existence d’une capacité de travail.

Elle rappelle les règles en la matière, étant que, pour être indemnisé dans le cadre de la loi cordonnée le 14 juillet 1994, il faut que la cessation de l’activité professionnelle soit la conséquence directe du début ou de l’aggravation des lésions ou des troubles fonctionnels en cause. En cas d’aggravation de lésions, il faut un lien de causalité entre cette aggravation et la cessation de l’activité.

La cour souligne que, en vertu de ces règles, les personnes dont la capacité de gain était déjà diminuée d’une manière importante au début de leur mise au travail et dont l’interruption n’est pas la conséquence d’une telle aggravation ne peuvent être indemnisées au sens de l’article 100 de la loi. Si la capacité de gain était déjà inexistante lors de l’entrée sur le marché du travail, l’aggravation de l’état de santé n’ouvre pas le droit aux indemnités.

Pour qu’il y ait capacité de travail au sens légal, le travailleur ne doit pas être apte à 100% mais il faut qu’existe une capacité initiale, qui puisse faire l’objet d’une éventuelle aggravation.

La cour reprend, ensuite, des exemples tirés dans la jurisprudence, qui ont retenu – ou non – une capacité de travail du fait de l’exercice d’une activité professionnelle (et non une activité occasionnelle réduite). Elle y rappelle que la seule conclusion d’un contrat d’apprentissage ou encore le fait d’avoir travaillé très peu de temps comme travailleur intérimaire ne peut suffire à démontrer l’existence d’une telle capacité.

Des exemples de travailleurs s’étant vu reconnaitre une capacité de travail effective sont également donnés, à savoir le fait d’avoir presté pendant une quinzaine de mois, notamment.

La cour applique dès lors ces règles au cas qui lui est soumis et considère que, même s’il s’est agi d’un travail à mi-temps, l’intéressée a effectué un travail lourd (technicienne de surface). Elle a subi des traitements spécifiques, suite à l’incapacité de travail en cause.

La cour en conclut que l’incapacité de travail est venue se greffer sur une capacité de travail suffisante.

Le tribunal ne peut dès lors être suivi, pour la cour, lorsqu’il a conclu sur la base de ces éléments à l’absence d’une capacité de gain initiale, l’intéressée n’ayant subi que l’aggravation antérieure, soit préexistant à son entrée sur le marché du travail.

La perte de capacité de plus des deux tiers a été admise par l’expert, ce qui n’est pas contesté.

La cour réforme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cette condition de l’exigence d’une capacité de gain initiale est régulièrement abordée en jurisprudence. Il y a en effet lieu de vérifier l’existence d’un lien de causalité entre l’aggravation des lésions et la cessation de l’activité. Le législateur a en effet voulu exclure du secteur AMI les titulaires dont la capacité était déjà diminuée d’une manière importante au début de leur mise au travail : pour ceux-ci l’interruption n’est pas la conséquence de l’aggravation de l’état de santé.

Pour la jurisprudence, n’est pas exigée une capacité sur le marché normal de l’emploi qu’aurait une personne apte à 100%. Il faut et il suffit – comme le rappelle la cour dans l’arrêt commenté – que la capacité initiale ne soit pas inexistante et qu’elle puisse être affectée par une éventuelle aggravation. Il est ainsi fréquemment rappelé que le secteur AMI est une assurance de solidarité qui exclut que soit pratiquée une sélection des risques et des bénéficiaires (voir notamment sur la question C. trav. Bruxelles, 9 juillet 2014, R.G. n° 2012/AB/1208 et C. trav. Mons, 11 septembre 2014, R.G. n° 2013/AM/458 qui a abordé plus particulièrement le travail effectué en atelier protégé eu égard à la reconnaissance de la condition de la capacité de gain).


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