Terralaboris asbl

Non-respect par une société des conditions d’agrément pour une activité de titres-services : conséquences

Commentaire de C. trav. Liège, div. Liège, 24 mars 2015, R.G. 2014/AL/286

Mis en ligne le mercredi 10 juin 2015


Cour du travail de Liège, div. Liège, 24 mars 2015, R.G. 2014/AL/286

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 24 mars 2015, la Cour du travail de Liège (div. Liège) rappelle que les conditions de récupération ont été durcies, depuis un arrêté royal du 25 octobre 2011, en cas de non-respect des conditions d’agrément pour l’exercice d’une activité de titres-services, puisque l’ONEm est, depuis l’entrée en vigueur de celui-ci, subrogé de plein de droit à l’utilisateur pour la récupération du prix d’acquisition du titre.

Les faits

Une société de titres-services de la Région liégeoise est active dans le secteur de la blanchisserie et du nettoyage de manière générale. Elle exploite un salon-lavoir et effectue également des activités de nettoyage à sec. Une ouvrière prestant dans ce service est placée régulièrement en chômage économique pour manque de travail.

La société sollicite, ultérieurement, son agrément dans le cadre des titres-services, pour des travaux de repassage.

L’ouvrière en question y preste régulièrement quelques heures par semaine et, pour le reste, exécute son contrat de travail.

Dans le cadre d’une enquête menée par l’ONEm, diverses infractions sont constatées en 2012, vu le non-respect des conditions d’agrément. Il est décidé de récupérer la contre-valeur de plus de 1200 titres services, pour un montant de l’ordre de 25.000 € (montant incluant à la fois l’intervention publique et la quote-part des utilisateurs). Il est reproché à la société de ne pas avoir enregistré correctement les activités « titres-services », permettant un contrôle eu égard aux prestations effectuées mensuellement par chaque travailleur.

Un recours est introduit et, parallèlement, la société met fin à son activité.

Le jugement

Le jugement rendu par le Tribunal du travail de Liège (div. Liège) du 24 avril 2014 confirme la décision de l’ONEm, ramenant cependant le montant à rembourser à l’intervention fédérale pour une bonne partie, étant pour la période courant jusqu’au 16 novembre 2011. La période ultérieure fait l’objet du remboursement complet (intervention publique et quote-part de l’utilisateur).

Appel est interjeté par l’ONEm.

Moyens des parties devant la cour

L’ONEm reproche le non-respect de la réglementation, étant l’absence de constitution au sein de la société d’une section titres-services sui generis s’occupant exclusivement de cette activité, faisant également valoir un manquement aux règles relatives à l’enregistrement de ses activités. Il fait surtout valoir qu’il faut appliquer, pour l’ensemble de la période, l’arrêté royal du 25 octobre 2011, modifiant l’arrêté royal du 12 décembre 2001 concernant les titres-services. Celui-ci prévoit en effet la récupération complète de l’intervention, en ce compris le prix d’acquisition du titre-service. L’ONEm se fonde sur l’article 2 du Code civil, faisant valoir que la décision de récupération a été prise après l’entrée en vigueur de celui-ci.

Quant à la société, elle fait valoir qu’elle a été de bonne foi et n’a pas agi dans un but frauduleux et conteste les montants à rembourser. Elle avance également divers griefs quant à la décision de l’Office, dont elle demande l’annulation.

La décision de la cour

La cour commence par rappeler qu’une société qui a une autre activité peut solliciter l’agrément pour des travaux ou des services de proximité, mais qu’elle doit, pour ce faire, créer en son sein une section sui generis, qui s’occupe spécifiquement de ceux-ci.

Une mesure d’exécution de cette règle figure à l’arrêté royal du 12 décembre 2001 (arrêté royal concernant les titres-services). Son article 2quater, § 2 contient, à propos de cette section sui generis, quatre conditions, étant qu’un responsable spécifique doit être désigné, que la section s’engage à être identifiable par son agrément comme entreprise agréée et la publicité ad hoc et que les activités couvertes par les titres-services doivent être enregistrées séparément, notamment à l’intention des structures de concertation sociale dans l’entreprise et de l’inspection sociale. Est également exigée la tenue d’une comptabilité distincte concernant les activités titres-services (condition ajoutée par l’arrêté royal du 3 août 2012 modifiant celui du 12 décembre 2001).

La cour constate que la société n’a pas fait le nécessaire pour différencier les activités des titres-services des autres activités exercées. Il y a dès lors non-respect de la réglementation.

Quant à la question de savoir s’il faut appliquer l’arrêté royal du 12 décembre 2001 dans sa mouture précédant (ou non) celui du 25 octobre 2011 (entré en vigueur le 16 novembre 2011), la cour entreprend de déterminer les effets de la modification des textes. Avant l’arrêté royal du 25 octobre 2011, la sanction, en cas de non-respect de la réglementation, est la possibilité pour l’ONEm d’interdire à la société émettrice de payer à l’entreprise l’intervention publique et, au cas où celle-ci avait été accordée, d’en demander la récupération. Par contre, depuis l’entrée en vigueur le 16 novembre 2011 de l’arrêté royal du 25 octobre 2011 (et, avant sa modification, par un autre arrêté royal du 14 décembre 2012), la sanction inclut la possibilité pour l’ONEm d’interdire à la société émettrice de payer l’intervention fédérale et, également, le prix du titre-service. Si ceux-ci ont été accordés indûment, la récupération de l’intervention et du montant d’acquisition peut intervenir.

La cour constate dès lors que la décision a effectivement été prise le 7 novembre 2012, soit après l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 25 octobre 2011, et qu’elle couvre des prestations entre novembre 2005 et mai 2012.

Se pose, dès lors, la question de savoir si la société est tenue de rembourser également le prix d’acquisition du titre-service, question à laquelle la cour répond que les infractions sont nées sous l’empire du texte ancien et que les effets de ces infractions ont été fixés par celui-ci. La récupération ne peut dès lors inclure la quote-part des utilisateurs.

La cour conclut que la société a bénéficié d’avantages qui ne pouvaient lui être accordés et qu’elle doit dès lors les restituer. Pour la période postérieure au 16 novembre 2011, elle relève encore qu’il y a subrogation de plein droit de l’ONEm à l’utilisateur à concurrence de sa quote-part.

Elle rejette également les arguments de la société en ce qui concerne l’invocation de la bonne foi, relevant que celle-ci pourrait être prise en compte dans le cadre d’une sanction, mais non pour ce qui est d’une récupération d’indu. Enfin, la société ayant plaidé le non-respect du délai raisonnable, la cour retient que le fait de ne pas avoir subi de contrôle n’impliquait pas le respect de la réglementation et que la société doit dès lors subir les conséquences légales de ses manquements.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège rappelle qu’une société peut organiser une activité de titres-services, complémentairement à une autre activité n’entrant pas dans le cadre de cette réglementation.

Aux fins, cependant, de permettre la vérification de la régularité de cet exercice, des conditions strictes sont exigées, et l’on notera – même si la cour n’a pas été amenée à examiner ce point dans l’arrêt en cause – que l’exigence d’une comptabilité distincte a été posée depuis un arrêté royal du 3 août 2012.

L’arrêt est également l’occasion de revenir sur les montants récupérables en cas de non-respect de la réglementation, et ce depuis l’arrêté royal du octobre 2011, qui permet la récupération non seulement de l’intervention fédérale – système antérieur –, mais également du prix d’acquisition des titres-services.


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