Terralaboris asbl

Accident du travail : le Fonds des Accidents du Travail doit-il intervenir lorsque l’assureur n’a pas encore pris position sur l’accident conformément à la loi ?

Commentaire de Cass., 5 janvier 2015, n° S.13.0385.F

Mis en ligne le lundi 22 juin 2015


Cour de cassation, 5 janvier 2015, n° C.13.0385.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 5 janvier 2015, la Cour de cassation rappelle que l’assureur qui estime qu’il y a doute sur l’application de la loi ou qui refuse de prendre le cas en charge ne peut être considéré comme étant en défaut de s’acquitter et que le Fonds des Accidents du Travail ne peut dès lors être amené à intervenir de ce fait.

Rétroactes

La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 1er octobre 2012. La Cour d’appel s’est prononcée dans le cadre d’une demande de récupération, ayant pour fondement l’enrichissement sans cause. Était également débattu le recours du F.A.T. contre l’assureur-loi en application de l’article 60 de la loi du 10 avril 1971.

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi fondé sur les dispositions de la loi du 10 avril 1971. Elle constate que le F.A.T. avait commis une erreur dans la gestion du dossier, étant qu’il était intervenu pensant que l’employeur n’avait pas conclu de contrat d’assurance, alors qu’en réalité, tel était le cas, l’assureur ayant cependant refusé de prendre l’accident en charge.

La Cour d’appel avait relevé que, même si l’erreur n’était pas intervenue, le F.A.T. aurait en tout état de cause été tenu d’intervenir au motif que l’assureur qui refuse d’intervenir est en défaut de s’acquitter au sens de l’article 58, § 1er, 3° LAT et avait en conséquence admis que, vu cette obligation légale, le F.A.T. disposait d’un recours sur pied de l’article 60 de la loi sur les accidents du travail.

Le F.A.T. s’est pourvu en cassation.

La décision de la Cour de cassation

La Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel, rappelant les dispositions légales applicables.

En vertu de l’article 63, § 1er LAT, l’entreprise d’assurances qui refuse de prendre le cas en charge ou qui estime qu’il existe un doute quant à l’application de la loi est tenue de prévenir le F.A.T. dans les 30 jours qui suivent la réception de la déclaration d’accident. En vertu du § 2, il est également tenu de prévenir l’organisme assureur AMI dans le même délai, la notification accompagnée d’une copie de la déclaration d’accident étant considérée comme une déclaration d’incapacité introduite en temps utile auprès de ce dernier. Lorsque l’entreprise d’assurances omet de faire cette déclaration en temps utile, les indemnités d’incapacité de travail prévues par l’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité sont dues. Ceci, du début de l’incapacité jusqu’au jour de la déclaration inclus.

Par ailleurs, parmi ses missions légales, le F.A.T. est tenu, en vertu de l’article 58, § 1er, 3°, d’accorder la réparation en matière d’accidents du travail conformément aux dispositions de la loi si l’employeur n’a pas conclu de contrat d’assurance (au sens de l’article 49) ou si l’assureur reste en défaut de s’acquitter. Les indemnités versées par le F.A.T. en application de la disposition ci-dessus seront récupérées à charge de l’employeur ou de l’entreprise d’assurances en défaut.

Dans son arrêt du 5 janvier 2015, la Cour de cassation a rappelé qu’il s’agit de deux situations différentes, étant que, lorsqu’il doute de l’application de la loi à l’accident ou s’il refuse de prendre celui-ci en charge, l’assureur ne peut être considéré comme étant en défaut de s’acquitter au sens de l’article 58, § 1er, 3°, de telle sorte que l’article 60 ne trouve pas à s’appliquer.

Intérêt de la décision

La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt que les deux hypothèses visées sont totalement distinctes.

Dans le cours normal de la procédure administrative, lorsque l’entreprise d’assurances reçoit la déclaration d’accident lui adressée par l’employeur, elle est tenue de prendre position dans un délai de 30 jours. Si, à l’issue de celui-ci, elle refuse de prendre le cas en charge ou si elle estime qu’il existe un doute quant à l’application de la loi, elle doit procéder à plusieurs notifications.

La première est à destination du F.A.T., qui pourra procéder à une enquête au sujet des causes et des circonstances de l’accident et dresser un procès-verbal. La finalité de cette première notification est de permettre la poursuite de mesures d’enquête aux fins de vérifier le bien-fondé de la décision de l’assureur et également d’investiguer davantage via les services de l’inspection du F.A.T. La loi du 21 décembre 2013 portant des dispositions diverses urgentes en matière de législation sociale a prévu qu’en cas de contestation entre l’entreprise d’assurances et le F.A.T. au sujet de la prise en charge de l’accident ou du maintien du refus, le F.A.T. peut porter le litige devant la juridiction compétente. Il en informe l’entreprise d’assurances, ainsi que la victime (ou les ayant-droits) et l’organisme assureur. Ceux-ci pourront manifester leur opposition à l’introduction d’une action par le F.A.T., action dans laquelle ceux-ci seront mis à la cause. Cette procédure sera introduite par le F.A.T. dans les 3 mois de la notification de l’intention de procéder.

La seconde notification à faire à l’issue du délai de 30 jours est destinée à l’organisme assureur en AMI. Cette notification, accompagnée d’une copie de la déclaration de l’accident, vaut déclaration d’incapacité introduite en temps utile dans ce secteur. Les indemnités d’incapacité de travail sont dues par l’entreprise d’assurances qui omet de faire en temps utile cette déclaration, et ce du début de l’incapacité jusqu’au jour de la déclaration inclus. Une condition est cependant mise par la loi, étant que, nécessairement, le travailleur doit remplir les conditions pour bénéficier de ces indemnités – hormis la formalité de déclaration. Des obligations similaires existent lorsqu’une modification intervient dans le pourcentage d’incapacité.

Indépendamment de ces règles, qui concernent le cours normal de l’instruction administrative du dossier, le Fonds des Accidents du Travail peut être amené à intervenir, comme l’arrêt le rappelle, dans la mesure où il a notamment pour mission légale d’accorder la réparation lorsque l’employeur n’a pas conclu de contrat d’assurance ou lorsque l’assureur reste en défaut de s’acquitter. Les indemnités versées seront dans ce cas versées par le F.A.T.

La Cour suprême confirme ici très logiquement que la sanction du refus de prise en charge par l’assureur n’est pas l’intervention automatique du F.A.T. sur la base de l’article 58, § 1er, 3° de la loi. Le litige devra être porté devant le tribunal à l’encontre de l’assureur.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be