Terralaboris asbl

L’extension du champ d’application de la législation sur la sécurité sociale des travailleurs salariés vaut-elle pour les mandataires d’associations et organisations se livrant à des opérations industrielles ou commerciales ?

Commentaire de Cass., 13 octobre 2014, n° S.11.0151.N

Mis en ligne le lundi 22 juin 2015


Cour de cassation, 13 octobre 2014, R.G. n° S.11.0151.N

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 octobre 2014, la Cour de cassation a été saisie, sur pourvoi de l’ONSS, de la question de l’application de l’article 3, alinéa 1er de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 à une association sans but lucratif qui se livre également à des opérations commerciales, eu égard également à la nature de l’activité du mandataire concerné.

Les rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi à la requête de l’ONSS contre un arrêt rendu le 16 juin 2011 par la Cour du travail de Bruxelles. Cet arrêt avait conclu au non assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés d’un mandataire d’une ASBL (une fédération patronale d’un secteur énergétique). L’arrêt avait en conséquence condamné l’Office à rembourser à cette association les cotisations indûment payées à concurrence d’un montant supérieur à 280.000€.

Pour la cour du travail la question était de trancher l’application de l’article 3, 1° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 à la cause qui lui est soumise. Cette disposition permet d’étendre l’application de la loi aux personnes qui, en qualité de mandataire et contre rémunération autre que le logement et la nourriture, consacrent leur principale activité à la gestion ou à la direction journalière des associations et organisations qui ne se livrent pas à des opérations industrielles ou commerciales et qui ne cherchent pas à procurer à leurs membres un gain matériel, ainsi qu’à ces associations et organisations.

La cour avait accueilli la position de la fédération, selon laquelle l’extension de la loi vaut uniquement pour les associations et organisations qui ne se livrent pas à des opérations industrielles ou commerciales et qui ne cherchent pas à procurer à leurs membres un gain matériel. Pour la cour du travail, la définition légale de l’association sans but lucratif était sans incidence sur l’application de la disposition en cause. La cour avait également puisé dans le caractère d’ordre public des dispositions relatives à l’exigibilité des cotisations de sécurité sociale l’exigence d’une interprétation restrictive de celle-ci. Elle avait dès lors conclu que l’extension doit être limitée aux associations et organisations qui remplissent deux conditions cumulatives, étant (i) de ne pas se livrer à des opérations industrielles ou commerciales et (ii) de ne pas chercher à procurer à leurs membres un gain matériel.

Elle avait retenu l’existence (non contestée) d’opérations commerciales, la Fédération ayant notamment fait valoir qu’elle donnait des avis à ses membres contre paiement, prestations de services rémunérés et étant donc des opérations commerciales au sens de l’article 3, 1°. Quant au mandataire pour qui l’assujettissement avait été décidé par l’Office, la cour avait relevé que sa principale activité n’était pas consacrée à la gestion ou la direction journalière de l’association et que cette autre condition n’était pas remplie.

Le pourvoi

Dans sa première branche, le pourvoi considère que l’article 3, 1° de l’arrêté royal vise les associations sans but lucratif telles qu’elles sont définies par la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, étant qu’il s’agit d’associations qui ne se livrent pas à des opérations industrielles ou commerciales et qui ne cherchent pas à procurer à leurs membres un gain matériel. Il faut dès lors examiner si la fédération en cause peut être considérée comme une association sans but lucratif, le moyen rappelant que deux conditions sont exigées par l’arrêté royal du 28 novembre 1969.

Il rappelle qu’une ASBL peut se livrer à des opérations industrielles ou commerciales sans violer son statut légal lorsqu’elle ne tend pas par celles-ci à un enrichissement personnel ou à un gain direct ou indirect pour ses membres. Ces opérations doivent conserver un caractère subsidiaire et être nécessaires à la réalisation du but désintéressé de l’association. Le gain doit être affecté entièrement à la réalisation de celui-ci.

Pour l’Office, l’arrêt de la cour du travail n’a pas constaté qu’en donnant des avis à ses membres contre paiement, il y a violation par l’association de son statut légal. En ne constatant pas cette violation, la cour n’a pas, pour l’Office, légalement décidé qu’elle ne constitue pas une association au sens de l’article 3, 1°.

Décision de la Cour

La Cour de cassation accueille le pourvoi, rappelant que sont notamment visées par l’extension légale les sociétés mutualistes, fédérations et unions nationales reconnues et agréées dans le secteur AMI ainsi que les organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs salariés ou indépendants ou encore les sociétés coopératives répondant aux conditions de l’article 5 de la loi du 20 juillet 1955 portant institution du Conseil national de la coopération et les associations sans but lucratif. Rappelant également la définition de ces dernières par la loi du 27 juin 1921, la Cour de cassation considère que, si une telle association se livre à des opérations industrielles ou commerciales subsidiaires, elle conserve son statut légal, ceci valant également pour l’application de l’article 3, 1° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969. Pour la Cour de cassation, la cour du travail ne pouvait écarter l’application de l’article 3, 1° par la seule considération que l’ASBL se livrait à des opérations commerciales. Elle était également tenue de constater qu’en se livrant à de telles opérations, elle violait son statut légal.

L’arrêt est cassé et la cause est renvoyée devant la Cour du travail de Gand.

Intérêt de la décision

Cette hypothèse particulière d’extension du champ d’application de la réglementation en matière d’assujettissement à la sécurité sociale pose, dans cet arrêt, une question intéressante, étant de savoir si elle inclut ou non les associations sans but lucratif qui se livrent à des opérations industrielles ou commerciales tout en respectant leur statut légal. Ces associations peuvent conserver la qualité d’ASBL au sens de la loi du 27 juin 1921 même si elles exercent de telles activités, à la condition que celles-ci soient limitées, étant qu’elles n’entraînent pas d’enrichissement personnel ni de gain direct ou indirect pour les membres et qu’elles soient à la fois subsidiaires et nécessaires à la réalisation du but désintéressé de l’association.

Dans son arrêt du 13 octobre 2014, la Cour de cassation considère qu’à défaut de constatation de la violation par l’association de son statut légal, l’application de l’article 3, 1° ne peut être écartée.


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