Terralaboris asbl

Représentants du personnel : notion d’entreprise et demande de réintégration

Commentaire de Cass., 9 mars 2015, n° S.14.0019.N

Mis en ligne le vendredi 17 juillet 2015


Cour de cassation, 9 mars 2015, n° S.14.0019.N

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 9 mars 2015, la Cour de cassation rappelle la définition de l’entreprise dans la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel et pour les candidats (CE et CPPT) ainsi que les effets juridiques d’une demande de réintégration adressée à une société qui n’est pas l’employeur du travailleur, mais qui fait partie de l’UTE.

Rétroactes

Un travailleur est au service d’une société A depuis le 2 novembre 2007. Il est licencié moyennant paiement d’une indemnité correspondant à 7 jours calendrier le 4 mars 2008.

Il est cependant candidat aux élections sociales et une organisation représentative de travailleurs présente sa candidature pour le CPPT. Ce comité est relatif à une unité technique d’exploitation, comprenant deux entités juridiques distinctes, à savoir la société A et une autre société B.

Suite au licenciement, l’organisation syndicale demande sa réintégration, par courrier recommandé du 31 mars. Celle-ci est envoyée à la société B. Lors des élections sociales, tenues en mai, l’intéressé est élu avec la qualité de suppléant.

Par courrier du 5 juin, l’organisation syndicale fait un nouveau courrier recommandé, réclamant l’indemnité de protection, eu égard au fait qu’il n’a pas été donné de suite à la demande de réintégration.

Une procédure est introduite au fond et l’arrêt qui sera rendu par la Cour du travail conclut que la demande de réintégration n’était pas valable, au motif qu’elle n’a pas été adressée à la société A et qu’en conséquence, la demande d’indemnité de protection ne peut être accueillie.

Un pourvoi est introduit.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation rappelle l’articulation des dispositions pertinentes de la loi du 19 mars 1991. Son article 2 dispose que les délégués et les candidats délégués ne peuvent être licenciés que pour un motif grave préalablement admis par les juridictions du travail ou pour des raisons d’ordre économique ou technique préalablement reconnues par l’organe paritaire compétent.

S’il est mis fin au contrat sans respecter les conditions et procédures légales, la réintégration du travailleur dans l’entreprise peut être demandée par lui-même ou par l’organisation qui a présenté sa candidature. Cette réintégration doit intervenir dans les mêmes conditions que celles dont il bénéficiait avant la rupture du contrat. Elle doit être formée par lettre recommandée à la poste dans les 30 jours qui suivent la date de la notification du préavis ou la date de la rupture du contrat sans préavis, ou encore le jour de la présentation des candidatures si celle-ci est intervenue après la date ci-dessus. C’est l’article 14 de la loi.

En ce qui concerne la définition de l’entreprise, celle-ci se trouve à l’article 1er, 5° : on entend par entreprise l’UTE au sens de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie et de la loi du 10 juin 1952 concernant la santé et la sécurité des travailleurs.

La Cour de cassation rappelle encore qu’en vertu de l’article 17, § 1er de la loi, si le travailleur (ou l’organisation qui a présenté sa candidature) a demandé la réintégration et que celle-ci n’est pas acceptée par l’employeur dans les 30 jours suivant celui où elle a été envoyée par lettre recommandée à la poste, l’employeur est tenu de payer l’indemnité de protection fixe (dépendant de l’ancienneté – article 16), ainsi que la rémunération pour la période restant à courir jusqu’à la fin du mandat des membres représentant le personnel à l’élection desquelles il a été candidat.

L’article 14 ne précise pas à qui la demande de réintégration dans l’entreprise doit être adressée. Il ne découle pas davantage de l’article 17, § 1er qu’une demande de réintégration dans l’entreprise serait sans effet au seul motif qu’elle n’a pas été adressée à l’entité juridique avec laquelle le contrat de travail a été signé, l’ayant toutefois été à l’entreprise pour laquelle a été instauré un Conseil d’entreprise ou un CPPT et dont l’entité juridique fait partie.

La Cour de cassation casse donc l’arrêt de la cour du travail qui avait considéré une telle demande de réintégration non valable pour ce seul motif. Elle accueille le pourvoi et renvoie la cause à la Cour du travail de Gand.

Intérêt de la décision

La notion d’entreprise est définie, dans la loi du 19 mars 1991, de manière explicite à l’article 1er, 5°, étant que le législateur a voulu se référer à celle d’unité technique d’exploitation au sens des deux lois précitées. La Cour de cassation précise, cependant, dans cet arrêt, non la notion d’entreprise elle-même, mais celle d’employeur, puisque l’article 17, § 1er de la loi dispose que, lorsque le travailleur ou l’organisation qui a présenté sa candidature a demandé sa réintégration et qu’elle n’a pas été acceptée par l’employeur (nous soulignons) dans les 30 jours qui suivent le jour où la demande lui (nous soulignons) a été envoyée par lettre recommandée à la poste, cet employeur (nous soulignons) est tenu de payer au travailleur l’indemnité fixe, ainsi que l’indemnité variable.

L’article 1er, § 1er de la loi ne précise pas cette notion d’employeur et elle n’est dès lors nullement restreinte à l’entité juridique qui a signé le contrat de travail, dans la mesure où celle-ci est, au sens de la loi du 19 mars 1991, intégrée dans une UTE plus large.

La règle dégagée par la Cour en ce qui concerne la définition de cette notion est certes logique, puisqu’elle s’inscrit dans l’objectif de la loi, qui est d’envisager l’entreprise dans un sens plus large, eu égard aux critères sociaux et économiques. La notion d’employeur au sens strict du droit du travail individuel, étant celui avec qui le contrat de travail a été signé, s’efface dès lors devant la notion spécifiquement retenue dans cette matière de droit collectif.


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