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Conditions de prise en charge par l’AWIPH de travaux d’aménagement du domicile d’une personne handicapée

Commentaire de Cass., 16 mars 2015, n° S.14.0049.F

Mis en ligne le vendredi 24 juillet 2015


Cour de cassation, 16 mars 2015, n° S.14.0049.F

Terra Laboris

Dans un arrêt du 16 mars 2015, la Cour de cassation donne la lecture à faire de l’article 278 du Code wallon de l’action sociale et de la santé ainsi que de l’article 4 de l’Arrêté du Gouvernement wallon du 14 mai 2009 relatifs à la prise en charge par l’AWIPH des travaux d’aménagement du domicile de la personne handicapée.

Rétroactes

La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Liège (section Namur) du 18 février 2014. Cet arrêt avait dit pour droit que l’Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées (AWIPH) devait intervenir dans le coût d’aménagement d’escaliers-échelles. Les échelles existantes étaient des échelles inclinées et dépourvues de rampe et l’intéressé avait sollicité le remplacement par de vrais escaliers avec main-courante et balustrade.

La cour du travail avait considéré que la demande rencontrait les conditions légales d’intervention de l’AWIPH.

La cour avait repris les dispositions pertinentes du Code wallon de l’action sociale et de la santé du 29 septembre 2011, dont l’article 278 dispose notamment que, dans le cadre de la demande de la personne handicapée, il est tenu compte des particularités des besoins et de sa situation, dont notamment (i) la nature de l’aide requise, (ii) le degré de nécessité des prestations sollicitées et (iii) le coût normal des prestations demandées ainsi que le coût supplémentaire à celui qu’une personne non handicapée doit exposer dans des situations identiques.

Elle avait également examiné les conditions et modalités d’intervention d’aide individuelle fixées à l’arrêté du Gouvernement wallon du 14 mai 2009, dont l’article 4 impose la prise en charge de l’aide individuelle à l’intégration pour les frais qui, en raison du handicap, sont nécessaires aux activités ou à la participation à la vie en société de la personne handicapée. Il doit, selon le texte, s’agir de dépenses supplémentaires à celles qu’une personne valide encourt dans des circonstances identiques. Quant aux limitations fonctionnelles, elles peuvent être définitives, ou encore d’une durée prévisible d’un an, ou avoir un caractère évolutif. Après avoir passé en revue l’ensemble des interventions prévues à charge de l’Agence, la cour du travail avait conclu, à propos de l’article 278 du Code wallon, que deux interprétations pouvaient être données, étant que soit l’intervention est limitée à la différence de coût entre l’intervention que toute personne, valide ou non, devrait faire pour effectuer les travaux d’aménagement et celle qui est rendue nécessaire par le handicap (position de l’AWIPH), soit que l’intervention doit être justifiée par le handicap, s’agissant d’un coût supplémentaire dès lors que les travaux ne devraient pas être exécutés sans celui-ci.

Reprenant la finalité de la législation, qui est le maintien de la personne handicapée à son domicile, en assurant les adaptations de celui-ci au handicap, la cour du travail avait considéré que l’interprétation de l’Agence était très restrictive. Celle-ci considérait en effet que le remplacement d’escaliers-échelles par des escaliers ordinaires n’emportait pas un surcoût par rapport aux mêmes travaux qu’une personne valide devrait faire. Pour la cour de travail, le fait que, même pour une personne valide, les travaux d’aménagement seraient utiles ne justifie pas de retenir une interprétation restrictive : c’est la personne handicapée, avec son handicap, et les répercussions de celui-ci sur sa vie quotidienne, qui doit être le seul point de comparaison.

Le pourvoi

L’AWIPH fait valoir que l’article 4 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 14 mai 2009 instaure deux conditions distinctes et cumulatives de prise en charge : la partie qui demande une aide individuelle doit non seulement prouver que les travaux sont nécessaires à ses activités ou à sa participation à la vie en société, mais elle doit également établir qu’ils entraînent une dépense supplémentaire par rapport à celle que ces travaux impliqueraient pour une personne valide placée dans les mêmes conditions. En ce qui concerne le contrôle judiciaire, l’AWIPH fait valoir qu’il est certes un contrôle de pleine juridiction, mais qu’il est soumis aux mêmes limites que celles qui lui sont imposées (ou à son comité de gestion). Pour l’AWIPH, la cour ne pouvait fonder sa décision sur la circonstance que les nouvelles échelles seraient utiles voire rendraient l’habitat plus sécurisant. La cour ne pouvait dès lors justifier la prise en charge par l’Agence au motif que les modifications sont dans un tel cas nécessitées par le handicap et que le surcoût est lié à celui-ci.

La décision de la Cour de cassation

La cour reprend l’article 4, alinéas 1er et 2 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 14 mai 2009 et considère que, si des frais sont nécessaires, en raison du handicap, aux activités du handicapé ou à sa participation à la vie en société, ils ne doivent cependant être pris en charge que s’ils excèdent ceux que devrait, dans les mêmes circonstances, exposer une personne valide. L’on ne peut, dès lors, motiver l’obligation de prise en charge par l’Agence par des circonstances que la personne handicapée se mettrait en danger, eu égard à l’infrastructure existante et que la demande porterait sur des frais de remplacement de ces installations par d’autres plus sûres. La cour du travail ayant considéré qu’il ne s’agissait pas de remplacer du vieux par du neuf, mais de sécuriser les lieux – travaux rendus nécessaires par le handicap –, la Cour conclut que les conditions légales ne sont pas respectées. L’arrêt est dès lors cassé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt donne un éclairage utile sur l’interprétation des dispositions du code wallon de l’action sociale et de la santé ainsi que de l’arrêté du Gouvernement wallon en la matière. Comme la cour du travail l’avait judicieusement relevé, il y a deux interprétations possibles de la condition relative au coût des prestations demandées, le texte prévoyant qu’il y a lieu de tenir compte du « coût normal des prestations demandées et de leur coût supplémentaire à celui qu’une personne non handicapée encourt dans des situations identiques ». Ayant repris ces deux interprétations dans son arrêt, la cour du travail avait considéré ne pas devoir retenir la vision restrictive de l’AWIPH, et ce eu égard à la finalité de l’intervention prévue par la législation, dont un des objectifs est, comme elle l’avait rappelé, le maintien de la personne handicapée à son domicile en l’adaptant à son handicap. La cour du travail avait également fondé sa conclusion sur le fait qu’il s’agissait en l’espèce de sécuriser l’habitat. La cour de Cassation opte, dans sa lecture de la disposition, pour l’interprétation restrictive, étant que les frais nécessaires en raison du handicap aux activités du handicapé ou à sa participation à la vie en société ne doivent être pris en charge que s’ils excèdent ceux que devrait, dans les mêmes circonstances, exposer une personne valide.


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