Terralaboris asbl

Conditions de l’indemnisation pour écartement définitif dans le secteur des maladies professionnelles

Commentaire de C. trav. Liège, div. Liège, 24 avril 2015, R.G. 2012/AL/472

Mis en ligne le jeudi 20 août 2015


Cour du travail de Liège, division Liège, 24 avril 2015, R.G. n° 2012/AL/472

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 24 avril 2015, la Cour du travail de Liège (div. Liège) rappelle les principes en matière d’indemnisation en cas d’écartement définitif, étant que seule est prise en compte la cessation définitive de l’activité professionnelle exposant au risque de la maladie ou à son aggravation.

Les faits

Une demande d’indemnisation d’une maladie de la liste est introduite par un travailleur en 2007. Dans le cadre de celle-ci, le médecin-traitant donne un avis admettant la possibilité d’un écartement professionnel. Cette demande figure dans la rubrique correspondante du formulaire 503F introduit auprès du Fonds. Il est exposé que, vu l’affection lombaire dont l’intéressé souffre, l’exposition au risque (port de charges ou vibrations mécaniques) existe du fait de l’exercice de sa profession de soudeur.

Le Fonds ayant rejeté la demande, une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Liège, qui recourt à l’expertise. L’expert conclut à une incapacité permanente de 10%.

En appel, ce taux est porté à 12%, la cour du travail ayant rendu un premier arrêt le 9 avril 2013.

Dans le cadre de la poursuite de l’examen du dossier, des conclusions ont été prises demandant l’indemnisation de l’écartement définitif pour les travaux impliquant un port de charges ainsi que l’exposition aux vibrations mécaniques. Dans le premier arrêt rendu, la Cour a admis que la demande était recevable et a confié à l’expert une mission complémentaire. Cette mission est spécifique, eu égard à la demande limitée à l’indemnisation de l’écartement. La cour demande l’avis de l’expert sur la question de savoir si l’intéressé était ou non physiquement apte à exercer le métier qui était le sien (depuis 18 ans) et si l’exercice de cette activité professionnelle aurait entraîné le risque d’aggravation de la maladie. En conséquence, s’il était médicalement justifié d’écarter définitivement l’intéressé de cette activité, et ce à partir de quelle date.

L’expert conclut qu’il n’y avait pas aptitude physique pour le métier de soudeur, et ce depuis octobre 2011. En conséquence, l’écartement définitif était médicalement justifié.

Se pose, ensuite, la question de l’indemnisation, le F.M.P. considérant qu’il n’est pas redevable de l’indemnité d’écartement, eu égard au fait qu’au moment où la demande a été introduite, le travailleur n’exerçait plus ce métier depuis 4 ans. Le Fonds relève qu’il faut, selon l’article 37, § 3 des lois coordonnées, un écartement effectif et non un écartement purement théorique.

La cour examine dès lors cette question, pour laquelle elle reprend les règles applicables.

L’article 37, § 1er des lois coordonnées le 3 juin 1970 prévoit la possibilité d’écartement temporaire ou définitif de toute activité qui peut exposer le travailleur au risque d’une maladie professionnelle dont il peut être atteint ou menacé. Cet écartement peut être décidé par le Fonds. Si la personne accepte la proposition de cessation définitive, elle a droit au cours de la période de 90 jours qui suit celle-ci, à une allocation forfaitaire équivalente aux indemnités d’incapacité permanente totale.

La cour revient ensuite sur un arrêt du 25 février 2011 (C. trav. Liège, 25 février 2011, R.G. n° 2010/AL/347) qui avait admis la possibilité d’écartement dans l’hypothèse où le travailleur n’était plus occupé au travail et n’était dès lors plus exposé au risque de la maladie. Il s’agissait d’une personne à charge de la mutuelle lors de l’introduction de la demande d’écartement, suite à l’aggravation de la maladie professionnelle dont elle était atteinte et qui avait été reconnue. Dans cet arrêt, il avait été admis que les 90 jours devaient débuter à la date de prise de cours de l’aggravation justifiant la demande d’écartement.

La cour renvoie ensuite à un autre arrêt de la Cour du travail de Liège (autrement composée) du 23 octobre 2003 (C. trav. Liège, 23 octobre 2003, R.G. 30.987/02) dans l’hypothèse où, à la date d’introduction de la demande d’écartement, le demandeur était au chômage, n’étant ainsi plus exposé au risque de la maladie en cause. Il renvoie également à la doctrine (P. DELOOZ et R. MANETTE, « Les maladies professionnelles du secteur privé », CUP, tome 6, p. 53), qui considère que le critère d’application est d’ordre purement médical et préventif. Un tel travailleur peut dès lors bénéficier des dispositions de l’article 37.

Elle reprend également une décision plus ancienne de la Cour de cassation du 2 décembre 1985 (R.G. 4.887), selon lequel la personne atteinte ou menacée par une maladie professionnelle, qui cesse définitivement l’activité l’exposant à cette maladie en application de l’article 37, § 1er, ne doit pas être en état de chômage pour avoir droit à l’allocation forfaitaire du § 3.

La cour en conclut que la qualité de l’assuré social (chômeur, bénéficiaire d’indemnités AMI ou sans revenus de remplacement) est indifférente, ceci n’étant pas une condition d’octroi de la prestation sociale. La seule exigence est la cessation définitive de l’activité professionnelle exposant au risque de la maladie ou à son aggravation.

Elle considère dès lors qu’il faut faire droit à la demande de mesure d’écartement et d’indemnisation, la circonstance que celui-ci soit intervenu dans les faits depuis plusieurs années avant l’introduction de la demande est sans incidence.

Reste cependant une question, étant le point de départ dans une telle hypothèse où il y a un écart de plusieurs années entre la date de la cessation effective et la demande. La cour renvoie à l’article 37, § 3, qui fait débuter la période de 90 jours d’indemnisation au lendemain du jour de cessation effective de l’activité professionnelle.

Elle reprend dès lors la chronologie des faits, étant que l’intéressé occupait un emploi de chauffagiste depuis 1999 et que, vu ses problèmes lombaires, il fut pris en charge dans le secteur AMI pendant 14 mois (novembre 2007 – décembre 2008). Il fut alors déclaré définitivement inapte dans le cadre de l’évaluation de la santé (arrêté royal du 28 mai 2003), cette inaptitude définitive visant toute fonction impliquant la manipulation de charges et des positions anormales. Son contrat de travail fut alors rompu pour force majeure médicale. Il fut réengagé pour d’autres fonctions par la même société (dessin assisté), mais, vu la recrudescence de ses problèmes de santé, un second formulaire d’évaluation de santé en mai 2010 constata également l’inaptitude définitive pour ce nouveau poste, l’intéressé dépendant alors de l’assurance chômage. Il put ultérieurement changer d’orientation et travailler dans un secteur ne l’exposant plus au risque.

En octobre 2011, il introduisit dès lors une demande administrative d’indemnisation pour écartement, et ce auprès du Fonds. La procédure relative à l’indemnisation de l’incapacité permanente étant en cours, il déposa des conclusions dans le cadre de celle-ci, étendant sa demande.

L’expert ayant quant à lui admis que le point de départ devait coïncider avec la date de demande d’indemnisation d’écartement, la cour s’interroge, cependant, sur la possibilité de prendre en compte une date antérieure, eu égard aux conclusions des formulaires d’évaluation de santé et à la (double) rupture du contrat de travail pour force majeure.

L’expert est dès lors réinterrogé.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Liège rappelle un principe constant, relatif aux conditions d’indemnisation en cas d’écartement définitif d’un travailleur exposé à un risque professionnel. Ce n’est pas, comme le souligne la cour, avec renvoi à la doctrine et à la jurisprudence, l’écartement effectif qui doit être examiné, eu égard à la situation socio-professionnelle de l’intéressé, mais la condition médicale à remplir. La cour rappelle que la qualité de l’assuré social lorsqu’il demande le bénéfice des indemnités d’écartement est indifférente. Ce n’est pas une condition d’octroi de celle-ci. Le seul critère légal est que l’activité professionnelle exposant au risque de la maladie ou à son aggravation doit avoir définitivement cessé. L’intéressé peut dès lors se trouver au chômage, bénéficier d’autres indemnités ou n’avoir aucun revenu de remplacement. Cette circonstance ne doit pas être prise en compte.


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