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Comment apprécier la notion d’incapacité physique (ou mentale) de 66% au moins donnant droit au supplément d’allocations familiales pour enfant handicapé ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 décembre 2006, R.G. 47.011W

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles – 14 décembre 2006 – R.G. N° 47.011/W

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 14 décembre 2006, la cour du travail de Bruxelles a précisé ce qu’il faut entendre par « incapacité physique » donnant droit, pour les enfants nés au plus tard le 1er janvier 1996, au supplément d’allocations familiales pour enfant handicapé.

Les faits

La caisse d’allocations familiales rejeta une demande introduite en vue d’obtenir un supplément d’allocations familiales du chef d’un handicap de 66%, pour un enfant atteint, de naissance, d’une malformation entraînant, malgré diverses opérations, la persistance d’une incontinence fécale.

Le tribunal du travail de Louvain désigna un expert, à qui il confia une mission dans le cadre de l’article 47 des lois coordonnées du 19 décembre 1939, à savoir de déterminer s’il y avait incapacité physique (ou mentale) au sens de cette disposition légale.

Dans ses conclusions, l’expert considéra que l’incapacité était inférieure à 66%.

Son avis fut entériné par le tribunal du travail.

Position des parties en appel

L’appelant, demandant la réformation du jugement, sollicitait la désignation d’un nouvel expert, voire d’un collège.

La caisse demandait confirmation pure et simple du jugement.

La décision de la Cour

La cour commença par rappeler que la disposition légale (article 47 §1er des lois coordonnées) permet l’octroi d’un supplément aux enfants de moins de 21 ans atteints d’une incapacité physique ou mentale d’au moins 66%.

Cette incapacité physique ou mentale est appréciée, en vertu des articles 47, 56 septies et 63 des lois coordonnées, ainsi que de l’arrêté royal du 3 mai 1991 (article 2 §1) sur la base du Barème officiel belge des invalidités et de l’annexe à l’arrêté royal, étant la liste des pathologies.

Il ressort du rapport d’expertise que, en l’espèce, l’incapacité purement physique est inférieure à 66% mais, selon l’expert, l’incapacité totale, tenant compte du contexte social, dépasserait ce taux.

L’expert, constatant que les parties s’opposaient sur le plan juridique, précise faire la distinction afin de permettre au tribunal de retenir celle de ces deux branches de l’alternative qui correspond au mécanisme légal.

Le BOBI fixant un taux d’invalidité de 30 à 100% pour ce type de pathologie, l’expert a retenu que sa manifestation, en l’espèce, entraînait sur le plan physique une incapacité inférieure à 66% (tout en retenant un taux supérieur s’il s’agissait de prendre en compte les aspects sociaux).

Dans son arrêt, la Cour va alors considérer que l’incapacité « sociale » au sens de cette réglementation est un critère qui n’existe pas, l’article 47 §1er des lois coordonnées n’y faisant pas référence et ne visant que l’incapacité physique (ou mentale).

La Cour relève encore de larges extraits du rapport d’expertise qui décrit l’incidence de ce handicap sur le déroulement de la journée de l’intéressé. Tout en relevant que celui-ci doit entraîner des difficultés pour l’enfant, elle conclut à un taux inférieur à 66% sur la base de la seule incapacité physique, confirmant ainsi le jugement rendu.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Bruxelles rappelle une fois encore l’inadéquation des critères légaux pouvant servir à l’appréciation des conditions d’octroi du supplément d’allocations familiales pour enfant handicapé, en ce qui concerne les enfants nés le 1er janvier 1996 au plus tard, puisque, pour ceux-ci, l’appréciation du handicap ou de l’affection se fait par référence au BOBI ou à la liste des pathologies jointe à l’arrêté royal du 3 mai 1991. Dans ce système, la référence se fait de manière automatique à des taux préétablis, sans que d’autres critères puissent être pris en compte que ceux fixés par barème. Relevons qu’ici une fourchette importante était donnée par le BOBI (de 30 à 100 %) et que l’expert va déterminer en fait, par l’examen des activités couvrant une journée ordinaire, si le taux est ou non atteint - difficulté supplémentaire donc puisqu’il s’agit d’une évaluation faite sans le recours à d’autres critères que la gêne occasionnée par l’affection sur les activités quotidiennes de l’enfant, cette évaluation ne tenant par ailleurs aucunement compte des incidences sociales de cette gêne !

Il faut également rappeler que, pour les enfants nés à partir du 2 janvier 1996, les critères de reconnaissance ont été modifiés, puisqu’il s’agit, pour ceux-ci, de tenir compte des « trois piliers » - principe qui se fonde sur les conséquence de l’affection sur le plan psychique et physique (premier pilier), sur celui de l’activité et de la participation de l’enfant (deuxième pilier), ainsi que pour son entourage familial (troisième pilier). Si ces critères avaient pu être appréciés en l’espèce, ils auraient peut-être permis la reconnaissance de l’affection, les juridictions du travail ayant bien dû se conformer ici à la terminologie utilisée par le législateur, étant que l’invalidité doit être examinée sur le plan purement physique.


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