Terralaboris asbl

Y a-t-il des cotisations de sécurité sociale sur l’indemnité pour licenciement abusif (art. 63 LCT) ?

Commentaire de C. trav. Mons, 1er juin 2015, R.G. 2014/AM/194

Mis en ligne le lundi 11 janvier 2016


Cour du travail de Mons, 1er juin 2015, R.G. 2014/AM/194

ASBL Terra Laboris

Dans un arrêt du 1er juin 2015, la Cour du travail de Mons fait un rappel des modifications récentes intervenues sur les retenues à effectuer sur l’indemnité pour licenciement abusif visé à l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978.

Les faits

Le litige, qui se meut essentiellement dans la sphère du droit du travail, amène la cour, dans une très longue motivation, à rappeler les règles en vigueur en matière de licenciement d’ouvriers avant l’entrée en vigueur de la Convention collective n° 109 du 12 février 2014.

Après avoir conclu que la présomption légale existante dans le cadre de cette disposition n’était pas renversée et que dès lors l’indemnité pour licenciement abusif était due, la cour examine, in fine la question de savoir si l’indemnité est soumise aux cotisations de sécurité sociale. L’indemnité, correspondant à six mois forfaitaires de rémunération, n’était, traditionnellement, pas soumise aux dites cotisations.

L’article 19 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 revisant l’arrêté loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs détermine en effet les éléments sur lesquels les cotisations sont dues, renvoyant sur la question de rémunération à la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération.

Par dérogation à l’article 2 de cette dernière loi, de nombreuses indemnités sont considérées comme n’étant pas rémunératoires et, parmi celles-ci (§ 2, 2°), les indemnités dues au travailleur lorsque l’employeur ne respecte pas ses obligations légales, contractuelles ou statutaires à l’exception toutefois des indemnités dues en cas de rupture irrégulière du contrat (plus autres hypothèses non rencontrées).

Le Roi est intervenu, en 2013, par l’adoption d’un arrêté royal du 24 septembre 2013. Celui-ci a eu pour objet de modifier l’article 19, élargissant l’assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale. Il avait prévu que l’indemnité à laquelle l’ouvrier a droit en vertu de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 était visée, à la condition que ce droit soit né avant le 1er janvier 2014. La date d’entrée en vigueur de l’arrêté royal était le 1er octobre 2013.

Assez rapidement, cependant, est intervenu un nouvel arrêté royal, en date du 21 décembre 2013 (arrêté royal modifiant l’article 19 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969), apportant de nouvelles modifications au système, abrogeant en son article 2 la modification introduite par l’arrêté royal précédent. Il produit ses effets, rétroactivement, au 1er octobre 2013, date d’entrée de l’arrêté royal précédent.

La situation actuelle est dès lors revenue à sa forme initiale, étant que l’indemnité pour licenciement abusif doit faire l’objet d’une retenue, étant la retenue fiscale uniquement. Elle est à majorer, selon l’arrêt de la cour du travail, d’intérêts de retard sur le montant brut depuis la mise en demeure ainsi que des intérêts judiciaires depuis l’introduction de l’action en justice.

Intérêt de la décision

Cet arrêt fait le point – certes très brièvement mais de manière complète – sur la question. La nature de l’indemnité pour licenciement abusif a régulièrement été questionnée et à diverses reprises les juridictions du travail ont été amenées à statuer sur cette question de retenue sociale.

Il faut rappeler, ainsi, que dans un arrêt du 13 mars 2013 (C. trav. Bruxelles, 13 mars 2013, R.G. n° 22010/AB/1068), la Cour du travail de Bruxelles avait été d’avis que cette indemnité est de même nature que l’indemnité compensatoire de préavis, ayant également pour vocation de réparer forfaitairement le préjudice matériel et moral découlant de la rupture du contrat. La cour avait adopté dans cette décision une solution nouvelle, étant que, pour la période précédant l’arrêté royal du 24 septembre 2013, il y avait lieu d’admettre les retenues sociales. La cour avait renvoyé à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 8 juillet 1993 (C. const., 8 juillet 1993, n° 56/93), qui a constitué une première décision d’importance allant dans le sens du rapprochement des niveaux de protection contre le licenciement accordés aux ouvriers et aux employés. Pour la cour du travail, la protection spécifique offerte par l’article 63 avait cette même justification et il ne convenait pas de procéder à des distinctions sur les retenues à faire.

Si les litiges dans le cadre de l’article 63 sont progressivement amenés à disparaître, ils restent cependant nombreux à ce stade et la question posée est d’ailleurs une question d’actualité constante, dans la mesure où elle se pose pour de très nombreuses indemnités prévues en cas de rupture, que ce soit pour les retenues sociales ou fiscales.

Il peut sur cette question être très utilement renvoyé à l’article de Thierry DRIESSE et Christophe BROUCKE, « Le régime social et fiscal de certaines indemnités allouées à l’occasion de la fin du contrat de travail », Ors., 2014/10, p.3.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be