Terralaboris asbl

Etendue de la récupération des allocations de chômage en cas d’exercice d’une activité non autorisée

Commentaire de C. trav. Mons, 17 juin 2015, R.G. 2013/AM/292

Mis en ligne le lundi 11 janvier 2016


Cour du travail de Mons, 17 juin 2015, R.G. 2013/AM/292

Terra Laboris ASBL

Dans un arrêt du 17 juin 2015, la Cour du travail de Mons rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation : en cas de déclaration inexacte, celle-ci est assimilée à un défaut de déclaration et l’exclusion du bénéfice des allocations est totale sauf preuve apportée par le chômeur qu’il n’a exercé celle-ci que certains jours.

Les faits

Un salarié perd son emploi en août 1999. Il s’inscrit au chômage. Deux ans et demi plus tard, il complète les formulaires C1 et C1A indiquant qu’il lance une activité accessoire. Il s’agit de relations publiques pour une société anglaise. Il déclare que l’exercice de celle-ci s’effectuera pendant les heures autorisées. Un mois plus tard, une décision intervient, suite à une enquête et la situation est acceptée par l’ONEm, sous réserve de revision des revenus tels que taxés ultérieurement dans l’avertissement-extrait de rôle.

Il s’avère que, dans ses fonctions de relations publiques, l’intéressé s’occupe du courrier destiné à la société et fait un accueil téléphonique sur les produits. Il est également censé participer occasionnellement à un salon professionnel (une fois par an). Suite à un contrôle effectué à l’occasion de ce salon, l’intéressé admet avoir omis de noircir les cases de sa carte de contrôle pour les journées du samedi et du dimanche. Il précise l’avoir fait pour les journées précédentes. Il confirme que son activité se limite à des contacts avec la clientèle.

Dans une nouvelle audition, il ajoute que l’adresse en Belgique de la société était dans un premier temps à son domicile et qu’elle a été transférée vers celui de son amie. Il précise que, si la société est régulièrement présente à l’exposition en cause, il y était, quant à lui, pour la première fois. Il reconnaît une nouvelle fois ne pas avoir noirci les cases de sa carte de pointage correspondant au samedi et dimanche et le fait à ce moment. Il admet que dans son formulaire C1A initial il n’avait pas fait mention de ces jours, dans la mesure où aucune prestation n’était prévue. Il ajoute que la société n’est pas immatriculée à l’ONSS en Belgique. Quant à son activité précise au salon professionnel, il déclare y remettre aux clients intéressés un bon de commande, qui lui est retourné. L’ensemble des documents est transmis en Angleterre, qui effectue la livraison. Son « salaire » est de 75€ par mois, majoré de 50€ par jour pendant l’exposition.

Lors d’une audition ultérieure, il confirme avoir participé à une autre foire commerciale et avoir reçu un « salaire » de la main à la main.

L’Office lui opposant qu’il était « managing director » de la société, et ce depuis sa création, il invoque son ignorance de cette qualité.

En fin de compte, il expose avoir mis un terme à cette activité en septembre 2003.

Une décision est dès lors prise en 2006, portant à la fois sur l’exclusion des allocations, la récupération ainsi qu’une sanction de vingt-six semaines, pour omission de l’obligation de noircir la carte de contrôle.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Binche (Ressaix), qui le déclare non fondé.

Appel est interjeté devant la Cour du travail de Mons.

Position des parties devant la cour

L’appelant entend démontrer qu’il a exercé une activité accessoire autorisée par l’ONEm et qu’il était dès lors effectivement et réellement privé de travail et de rémunération, sa présence lors de foires n’ayant été qu’occasionnelle. Il affirme avoir en général noirci ses cartes de pointage. Il ne pouvait dès lors s’agir de travail au sens de l’article 45, alinéa 1er de l’arrêté royal.

Il conteste également toute intention frauduleuse, faisant valoir qu’il ignorait son statut de « managing director », qui n’aurait été découvert que lors de son audition par les services de l’ONEm. Il estime que cette activité n’était nullement incompatible avec la perception d’allocations de chômage – raisons pour lesquelles d’ailleurs l’ONEm a autorisé cet exercice.

Enfin, et subsidiairement, il plaide que, eu égard à sa bonne foi, il y aurait lieu de limiter la récupération à deux jours, étant ceux visés ci-dessus.

Position de la cour du travail

La cour rappelle, en droit, les dispositions de la réglementation en matière de chômage relatives à l’exercice d’une activité accessoire. Elle examine, ensuite – et assez longuement – les éléments de fait lui soumis, aux fins d’appliquer les principes au cas de l’intéressé.

Le mécanisme de l’article 48, qui autorise l’exercice d’une activité accessoire, est dérogatoire. Une des conditions qu’il pose est que l’activité ne peut être exercée entre 7 et 18 heures. Constatant que tel a été le cas, la cour précise que le seul fait de l’exercice de cette activité implique que l’intéressé ne pouvait remplir les quatre conditions cumulatives requises. Si le chômeur ne satisfait pas à l’une d’elles, il perd le droit aux allocations.

En outre, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 3 février 2005, R.G. n° S.04.0117.F), une déclaration inexacte équivaut, au sens de ces dispositions, à un défaut de déclaration. Le droit aux allocations doit dès lors être refusé à partir du jour de la demande d’allocations. L’exclusion du bénéfice des allocations est dans ce cas totale. Si le chômeur entend demander la limitation de la récupération à certains jours et/ou à certaines périodes, il est tenu d’apporter la preuve que son activité s’est limitée à ceux-ci (la cour souligne ce point important). La charge de la preuve repose dès lors sur lui uniquement et non sur l’ONEm.

La cour reprend ensuite toute une série d’éléments de fait relatifs à l’activité exercée, concluant que si l’ONEm avait admis l’exercice d’une activité accessoire en mars 2002, celle-ci était limitée à certaines démarches et, en tout cas, devait être exercée avant 7 heures et après 18 heures, et non le week-end. Ayant travaillé sans respecter les conditions strictes imposées par l’article 48, l’appelant ne pouvait dès lors qu’être exclu, celui-ci restant par ailleurs en défaut de prouver que l’activité s’était limitée à certains jours.

Enfin, sur la récupération, la cour accorde quelques considérations à la notion de bonne foi, rappelant que celui qui s’en prévaut doit l’établir. En l’occurrence, non seulement celle-ci n’est pas présente mais elle retient la fraude, étant que l’intéressé a parfois biffé les cases de sa carte de contrôle et parfois non et qu’il a participé à divers salons et foires sans renoncer pour ces périodes aux allocations. Il a cependant déclaré être parfaitement informé de l’étendue de ses obligations. La prescription quinquennale est retenue, en conséquence.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Mons rappelle, si besoin en était encore, que la possibilité pour le chômeur indemnisé d’exercer une activité accessoire est un régime dérogatoire. Actuellement, depuis la modification par l’A.R. du 28 juillet 2006, l’article 48 impose le respect de quatre conditions cumulatives, étant (i) la déclaration lors de la demande d’allocations, (ii) la condition d’exercice de cette activité avant la mise en chômage et ce pendant une période de trois mois, (iii) une activité se déroulant principalement en dehors des heures où le chômeur est tenu d’être disponible, soit après 18 heures ou avant 7 heures et (iv) l’interdiction de certaines activités.

La cour rappelle que si la déclaration n’a pas été faite lors de la demande d’allocations, ceci entraîne la privation du droit aux allocations à partir de ce jour.

Il est à noter également que vu, la contrariété manifeste de l’activité exercée avec la réglementation, la cour retient la notion de fraude, celle-ci ayant une incidence sur la prescription. Dans l’appréciation de cette fraude, elle relève que le chômeur avait déclaré être informé de l’étendue de ses obligations.


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