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Prescription des prestations : incidence de la loi programme du 24 décembre 2002

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 avril 2007, R.G. 46.652

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 19 avril 2007, R.G. 46.652

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 19 avril 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les principes en matière d’application des lois dans le temps en cas de modification des règles de prescription telles qu’introduites, en l’espèce, par la loi programme du 24 décembre 2002.

Les faits

La Caisse d’allocations familiales prit une décision en septembre 2003, considérant qu’un enfant bénéficiaire n’était pas atteint d’une incapacité physique ou mentale de 66%. Elle refusait ainsi l’allocation supplémentaire pour enfant handicapé avec effet au 1er mai 1998.

La mère introduisit un recours, agissant en qualité d’administratrice des biens et de la personne de son enfant mineur.

La position du tribunal

Le premier juge considéra la demande fondée et désigna un expert afin de départager les parties sur le plan médical. Il appliqua la prescription quinquennale, concluant, ainsi, que celle-ci était acquise pour toutes les prestations antérieures au 1er juillet 1998, la demande ayant été introduite en mai 2003. il chargeait l’expert de donner un avis sur la période à partir de cette date.

La position des parties en appel

La Caisse interjeta appel uniquement sur la question de la prescription, estimant que les prestations étaient prescrites pour la période antérieure au 1er octobre 1999.

Elle rappelait l’article 120 des lois coordonnées, tel que modifié par la loi programme du 24 décembre 2002, qui prévoit un délai de prescription actuellement de cinq ans, et ce à partir du 1er janvier 2003. Cependant, étant donné que les droits antérieurs au 1er octobre 1999 étaient, sauf interruption, déjà prescrits sur la base de l’ancien article 120, qui prévoyait un délai de prescription de trois ans, elle considérait que le nouveau délai de cinq ans ne pouvait prendre cours avant cette date.

Elle se fondait d’une part sur une circulaire ministérielle (n° 579 du 5 mars 2003) ainsi que sur un arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 1953, que la Cour reprendra dans ses considérants. Elle entendait, en conséquence, limiter la période d’examen de l’expert judiciaire, pour la faire débuter au 1er octobre 1999.

L’intimée estimait, pour sa part, que le nouveau délai de prescription devait être appliqué, la demande ayant été introduite le 26 mai 2003, de sorte que l’on pouvait revenir cinq ans en arrière, soit jusqu’au 1er juillet 1998, thèse qu’avait suivie le premier juge. Pour l’intimée, il fallait considérer que la modification du délai de prescription par la loi du 24 décembre 2002, qui a porté de 3 à 5 ans le délai de prescription à partir du 1er janvier 2003, ne peut valoir que pour l’avenir : ce nouveau délai est directement applicable aux demandes pendantes et il y a lieu de confirmer le jugement.

La position de la Cour

La Cour commença par relever que la jurisprudence invoquée par la Caisse, étant l’arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 1953 (Pas., 1953, 586) rappelait des principes généraux, figurant dans de nombreux arrêts rendus depuis lors, tant par la Cour suprême elle-même que par des juridictions de fond. Elle rappela la jurisprudence, confirmative de ces principes, à savoir qu’une nouvelle loi modifiant une disposition légale antérieure concernant la prescription ne peut rien changer aux droits acquis ; même si elle est applicable aux prescriptions en cours au moment de son entrée en vigueur, elle n’a aucun effet à l’égard des prescriptions acquises définitivement et qui le restent.

La loi ne dispose que pour l’avenir et n’a pas d’effet rétroactif, sauf si le législateur en dispose autrement, explicitement ou implicitement, mais de manière certaine. Par ailleurs lorsqu’en matière civile, une loi, fut-elle d’ordre public, établit pour la prescription d’une action un délai différent de celui fixé par une législation antérieure, ce nouveau délai ne commence à courir, si le droit à l’action est né avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, qu’à partir de cette entrée en vigueur, sans toutefois faire obstacle à la prescription déjà acquise et sauf volonté contraire du législateur (C. trav. Mons, 15 mai 1998, RG n° 11.364, cité dans l’arrêt).

Par conséquent, la Cour considère que la circulaire de la Caisse n’est pas une note interne rédigée unilatéralement mais une note explicative, illustrant à l’aide d’exemples concrets les règles nouvelles et expliquant pourquoi les prestations antérieures au 1er octobre 1999 sont prescrites sous l’empire de l’ancien article 120, sur la base du délai de prescription de trois ans. la Cour va dès lors réformer le jugement, considérant que toutes les allocations antérieures au 1er octobre 1999 sont prescrites et que la modification du délai de prescription ne pourrait les « ressusciter ». Pour la Cour, c’est dans ce sens que l’on doit comprendre l’expression selon laquelle le nouveau délai ne vaut que pour l’avenir, c’est-à-dire qu’il s’applique aux prestations non encore prescrites.

Pour le surplus, la Cour confirmera le jugement.

Intérêt de la décision

Cette décision fait le point sur les règles applicables en cas de modification du délai de prescription et rappelle les principes, étant qu’un nouveau délai peut s’appliquer aux prestations non encore prescrites sous l’empire de l’ancienne législation mais qu’elle ne peut concerner celles qui le sont déjà, ne pouvant, comme le précise l’arrêt, les « ressusciter ».


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