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Droit aux allocations d’insertion : examen en référés

Commentaire de Prés. trav. Mons et Charleroi (div. Mons), 6 octobre 2015, Rôle n° 15/8/C

Mis en ligne le lundi 25 janvier 2016


Prés. trav. Mons et Charleroi (div. Mons), 6 octobre 2015, Rôle n° 15/8/C

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Dans une ordonnance du 6 octobre le Président du Tribunal du travail de Mons et de Charleroi (Division Mons), statuant dans le cadre du référé ordonne au FOREm d’offrir à un bénéficiaire d’allocations d’insertion dont le droit venait d’être suspendu un trajet approprié au sens de l’article 63 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Les faits

Un assuré social est exclu du droit aux allocations d’insertion avec effet au 31 décembre 2014, et ce en application de l’article 63, § 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 limitant le droit aux allocations d’insertion à trente-six mois. Le 30 janvier 2015, il introduit une demande de prise en charge aux fins d’obtenir l’élargissement du droit pour raisons médicales. Le FOREm le convoque pour un entretien (à une adresse apparemment quittée). L’intéressé ne se présente pas à celui-ci.

Un examen médical est pratiqué en mars 2015, dont il ressort que l’intéressé présente une inaptitude permanente d’au moins 33%. L’ONEm admet la prolongation du droit aux allocations d’insertion pendant deux ans supplémentaires à la condition qu’au moment de l’expiration de la période initiale de trente-six mois (éventuellement prolongée), il collabore à un trajet approprié organisé par le FOREm.

L’intéressé introduit une nouvelle demande de prise en charge en avril. Il lui est alors répondu que la demande d’accompagnement faite dans le cadre de la prolongation du droit aux allocations d’insertion aurait dû être introduite avant l’expiration du droit aux allocations.

En mai, l’assuré social remplit un document en vue de bénéficier d’un accompagnement spécifique de type médicosocial, demande rejetée également au motif que l’intéressé ne serait pas à considérer « comme un public répondant aux conditions réglementaires prévues à l’article 63 de la réglementation chômage ».

Une intervention est alors faite par l’organisation syndicale. Celle-ci fait valoir que l’intéressé ne conteste pas la première décision mais que le refus de parcours adapté est injustifié, dans la mesure où l’inaptitude permanente de 33% a été constatée. Le représentant syndical souligne que l’intéressé a respecté scrupuleusement la réglementation.

Le FOREm fait savoir, à ce moment, qu’il ne s’est pas rendu à une première convocation et que son dossier n’a pu être analysé dans les temps (en février).

L’intéressé introduit un recours devant le tribunal du travail et saisit également le président en référé. La procédure est dirigée à la fois contre l’ONEm et le FOREm.

Décision du président du tribunal

Le président du tribunal examine, tout d’abord si les conditions du référé sont remplies, tant sur le plan de la recevabilité que du fondement. Il reprend, dans le cadre de l’examen de l’urgence, la réglementation relative à l’élargissement du droit aux allocations d’insertion.

Depuis le 1er janvier 2015, l’article 63 (§§ 2 à 6) de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 règle le droit aux allocations d’insertion. Celles-ci sont limitées à une période de trente-six mois, avec des hypothèses de prolongation pour certaines catégories de jeunes travailleurs, notamment ceux qui bénéficient d’une dispense ou d’une allocation de garantie de revenus en tant que travailleurs à temps partiel avec maintien des droits.

En outre, des dispositions spécifiques visent les demandeurs d’emploi ayant des problèmes sérieux, aigus ou chroniques de nature médicale, mentale, psychique ou psychiatrique d’une part ainsi que ceux justifiant d’une inaptitude permanente au travail d’au moins 33% de l’autre.

La réglementation prévoit plus particulièrement, pour ces derniers (inaptitude permanente au travail d’au moins 33%), que le jeune travailleur qui, au plus tard le 28 février 2015, est considéré par le service régional compétent comme appartenant au groupe-cible concerné et collabore positivement à un trajet approprié est assimilé à un jeune travailleur qui satisfait à ces conditions à l’expiration de la période de trente-six mois.

Le tribunal retient de la combinaison des dispositions en question qu’elles instaurent une possibilité de maintien – sans interruption – du droit aux allocations d’insertion durant une période complémentaire de deux ans à partir de l’expiration de la période de trente-six mois (le cas échéant prolongée jusqu’au 28 février 2015), pour autant que certaines conditions soient remplies, étant que (i) le chômeur appartienne au groupe-cible concerné (c’est-à-dire qu’il justifie d’une inaptitude permanente au travail d’au moins de 33% et ce au plus tard à la date du 28 février 2015) et (ii) qu’il collabore positivement à un trajet approprié, organisé ou reconnu par le service régional de l’emploi compétent au plus tard à la date du 28 février 2015 (ceci supposant qu’une demande sur la base de l’article 63 ait été introduite au plus tard à cette date).

Le tribunal constate au dossier que la demande introduite par l’intéressé fin janvier 2015 n’a entraîné aucune décision et que, par ailleurs, la procédure au fond ne sera pas traitée avant de nombreux mois. Les conditions du référé sont dès lors réunies, tant l’urgence que le fait qu’il est statué au provisoire.

La question se pose en effet d’examiner si les conditions au maintien du droit aux allocations d’insertion pendant une période complémentaire de deux ans sont remplies dans le chef de l’intéressé. Il n’est pas contesté que le médecin de l’ONEm a constaté une inaptitude permanente d’au moins 33% depuis le 11 février 2015 et que, sur la base de cet avis médical, l’ONEm a revu la possibilité de la prolongation du droit pendant une période supplémentaire de deux ans à la condition que l’intéressé collabore positivement au trajet approprié organisé par le service régional de l’emploi.

Il ne peut être contesté par ailleurs qu’il appartienne au groupe-cible concerné et il n’est, comme le tribunal le souligne, nullement établi qu’il ne collabore pas positivement à un trajet approprié. La seule convocation à laquelle il ne s’est pas présentée, pour le 18 février 2015, ne peux viser une absence de collaboration dans la mesure où le FOREm ne produit pas la convocation elle-même et qu’il s’avère que celle-ci a été envoyée à son ancienne adresse et ce, en sus, par lettre ordinaire.

Enfin, le tribunal retient que, si la case relative aux problèmes sérieux de nature médicale, mentale, psychologique ou psychiatrique a été cochée, ceci ne peut nuire au travailleur dans la mesure où le formulaire de demande vise le maintien aux allocations sur la base de l’article 63, qui englobe diverses hypothèses.

Il renvoie encore au principe de bonne administration, qui devait être respecté par le FOREm, étant que celui-ci est tenu, soit de prévoir des formulaires de demande plus précis avec des références aux diverses hypothèses possibles, soit de réorienter les demandes.

L’intéressé remplissant les conditions au maintien du droit aux allocations d’insertion, il y a lieu de condamner le FOREm à offrir de manière provisoire un accompagnement sous forme d’un trajet approprié tel que visé à la disposition de l’arrêté royal et également à prolonger de manière provisoire le droit aux allocations d’insertion.

Intérêt de la décision

Cette ordonnance rendue par le président du Tribunal du travail de Mons et de Charleroi, Division de Mons, est une nouvelle illustration du pouvoir du juge du travail en référé. Le tribunal retient que, eu égard aux délais habituels d’instruction d’une affaire au fond, il y a lieu de prendre des mesures provisoires dans le cadre des référés et d’examiner, d’ores et déjà, le droit de l’intéressé à bénéficier de la poursuite des allocations d’insertion, et ce avant la décision du tribunal au fond. La décision porte également condamnation du FOREm à une obligation de faire, étant d’offrir un accompagnement sous forme d’un trajet approprié au sens de la disposition correspondante de l’arrêté royal.

En l’occurrence, le demandeur a été particulièrement bien inspiré d’introduire une telle procédure. Même si elle ne préjudicie pas l’examen au fond que fera le tribunal du travail, il a déjà pu faire valoir, dans le cadre de ce premier examen prima facie un non respect par le FOREm de ses obligations, notamment eu égard à l’irrégularité manifeste d’une convocation, qui a fortement préjudicié ses droits.


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