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Intégration sociale et professionnelle pour personnes en maison de repos : les limites à l’intervention en maison de repos

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 juillet 2015, R.G. 2013/AB/915

Mis en ligne le mardi 26 janvier 2016


Cour du travail de Bruxelles, 6 juillet 2015, R.G. 2013/AB/915

Terra Laboris ASBL

Dans un arrêt du 6 juillet 2015, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la notion d’intégration sociale et professionnelle au sens de l’arrêté COCOF du 25 février 2000.

Les faits

Suite à un accident cérébral, un assuré social reste paralysé des quatre membres. Il est placé en maison de repos. Il souffre de tétraparésie et d’aphasie. Ses seuls moyens de communication avec son entourage sont un ordinateur portable.

Ses intérêts sont gérés par son épouse, administratrice provisoire.

Celle-ci demande l’intervention de la COCOF dans l’achat de matériel informatique spécialisé, ainsi que dans des frais relatifs à l’achat d’une voiturette (frais supplémentaires laissés à sa charge).

La COCOF notifie une décision de refus, au motif que l’intéressé vit dans une maison de repos et de soins et qu’il ne répond ainsi pas à la notion d’intégration sociale et professionnelle au sens de l’arrêté du Collège de la COCOF du 25 février 2000 (article 28).

Suite au recours introduit, le Tribunal du travail de Bruxelles condamne la COCOF à intervenir financièrement, et ce par jugement du 19 juin 2013. L’intervention porte sur l’achat du matériel informatique spécialisé (de l’ordre de 2.250 €), ainsi que des frais d’adaptation de la voiturette (avoisinant 2.100 €).

La COCOF interjette appel.

La décision de la cour

La cour examine en droit les dispositions invoquées par la COCOF pour refuser son intervention. Il s’agit du décret du 4 mars 1999 relatif à l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées (articles 24 et 25), ainsi que de l’arrêté du Collège de la COCOF du 25 février 2000 (articles 28 à 39). Ces dispositions concernent les aides et interventions en vue de l’intégration sociale et professionnelle.

La cour pointe plus particulièrement l’article 28 de l’arrêté du 25 février 2000, qui subordonne l’octroi de l’aide individuelle à une condition de finalité, étant qu’elle doit réaliser l’un des deux objectifs suivants : (i) permettre l’intégration sociale ou professionnelle au travers d’une des activités visées (exercice d’un emploi, suivi d’une formation, etc.) ou (ii) favoriser le maintien à domicile à l’exclusion de tout hébergement en institution.

En ce qui concerne la conformité de l’article 28 à la Constitution, celle-ci a été abordée dans un autre arrêt de la même cour (C. trav. Bruxelles, 18 décembre 2014, R.G. 2012/AB/1.266 et 2012/AB/1.280), dont la cour (autrement composée) partage ici la conclusion. Elle en reprend d’ailleurs un très long extrait, contenant notamment l’historique de la réglementation, qui a évolué dans le sens d’un élargissement progressif du droit. Il ne s’agit pas de priver d’aide les personnes qui ne peuvent pas accomplir l’une des activités visées, ni celles qui sont hébergées en institution, mais bien d’accorder une aide aux personnes qui accomplissent l’une de ces activités, ainsi qu’aux personnes qui résident à domicile.

Pour la cour, il y a une dynamique d’extension et non de restriction des droits. Il n’est pas déraisonnable de ne pas étendre l’aide individuelle aux personnes handicapées qui n’accomplissent aucune de ces activités et qui séjournent en institution, et ce dès lors que la COCOF intervient dans le financement de leur hébergement (via les subventions). L’aide est ainsi accordée sous une autre forme. En l’état actuel du droit, aucune disposition nationale ni supranationale ne prévoit la prise en charge par les pouvoirs publics de tous les besoins des personnes handicapées. Dans la mesure où il n’y a pas d’exercice d’une activité professionnelle ou assimilée, la demande d’aide ne peut être déclarée fondée sur la base de l’article 28, alinéa 1er.

Elle passe ensuite à l’examen de la notion de maintien à domicile, visée à l’alinéa 2 de la même disposition, étant que, si le handicap ne permet pas de réaliser une des activités ci-dessus, l’aide peut quand même être accordée si elle facilite le maintien à domicile, à l’exclusion de tout hébergement en institution. La cour rappelle que seule est refusée l’aide individuelle sollicitée si la personne handicapée séjourne en institution, notion définie par le décret du 4 mars 1999 (articles 65 et suivants), qui reprend les missions de ces centres, parmi lesquels figurent, pour les personnes adultes handicapées, un accompagnement psychosocial et éducatif, ainsi qu’une aide à l’intégration sociale et professionnelle, notamment.

Etant hébergé en institution – même si le domicile est resté chez son épouse où il passe certains week-ends –, l’intéressé n’entre pas dans les conditions d’octroi de l’aide.

La cour décide dès lors de la réformation du jugement, en toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles renvoie à une autre espèce, tranchée précédemment. Elle se réfère à l’arrêt du 18 décembre 2014, par lequel la cour du travail avait vidé sa saisine en cette précédente affaire. Un premier arrêt avait déjà été rendu dans celle-ci, en date du 2 juin 2014, arrêt dans lequel avait été longuement examinée la conformité des dispositions en cause avec la Convention de New-York relative aux droits des personnes handicapées.

C’est la même jurisprudence qui se retrouve dans l’arrêt du 6 juillet 2015 commenté. Elle se fonde sur la finalité de l’aide individuelle, rappelant que l’on se situe dans une extension progressive des droits et non dans une logique d’exclusion. L’aide individuelle doit répondre à la finalité du législateur communautaire et elle ne peut être octroyée dès lors que celle-ci n’est pas rencontrée, étant que la personne réside dans une institution (en l’occurrence une M.R.S.) pour laquelle sont déjà allouées des subventions couvrant l’objectif d’intégration sociale et professionnelle.


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