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Quel est le régime de pension des membres du personnel des universités libres subventionnées ?

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 13 octobre 2015, R.G. 2014/AN/74

Mis en ligne le jeudi 10 mars 2016


Cour du travail de Liège (div. Namur), 13 octobre 2015, R.G. 2014/AN/74

Terra Laboris

Dans un arrêt 13 octobre 2015, la Cour du travail de Liège, division Namur, fait un imposant rappel des règles applicables aux membres du personnel des universités libres subventionnées en matière de régime de pension, reprenant l’enseignement de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 1er juin 2005 : l’égalité de statut en matière de pension du PATO de toutes les universités n’est pas exigée, la différence découlant du lien contractuel, qui a pour conséquence un assujettissement au régime de pension des travailleurs salariés.

Rétroactes

Une action avait été lancée par un membre du personnel administratif, technique et ouvrier (ATO) d’une université subventionnée, en vue d’obtenir sa condamnation au paiement de cotisations patronales d’assurance de groupe lui permettant de bénéficier d’une pension complémentaire souscrite par elle et dont il n’avait pu bénéficier. Dans le cadre de cette instance, l’université avait formé une action en intervention forcée à l’égard de la Communauté française, aux fins d’obtenir sa condamnation à la garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle.

Le Tribunal du travail de Namur fit droit à sa demande par jugement du 10 décembre 2012 et un second jugement fut rendu le 21 janvier 2014, condamnant la Communauté française à payer à l’université un montant de l’ordre de 75.000 € de dommages et intérêts.

La Communauté française interjette appel, demandant à la cour de déclarer l’action en garantie non fondée.

Les faits

Les faits concernent un membre du personnel en service depuis septembre 1980. A l’époque, l’établissement avait décidé de contracter une assurance de groupe pour conférer à son personnel un statut équivalent à celui des institutions universitaires de l’Etat. Le projet avait cependant dû être abandonné, suite à un recours du délégué du Gouvernement de la Communauté française. Un contrat d’assurance de groupe fut en fin de compte conclu en 1987 avec une compagnie d’assurances, couvrant le personnel engagé à durée indéterminée et ayant une ancienneté de deux ans au moins. L’objet était d’assurer des prestations complémentaires à la pension légale.

L’intéressée (avec une de ses collègues) presta jusqu’en 1996 dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs. Elle reçut alors un contrat à durée indéterminée. Le délégué du Gouvernement de la Communauté française fit, à partir de l’année 2005, plusieurs démarches afin de tenter d’obtenir le bénéfice de l’assurance de groupe aux intéressées, et ce pour des motifs d’égalité de traitement et de non-discrimination. L’université entreprit de procéder aux calculs de régularisation avec l’assureur. Un litige survint, cependant, quant à la prise en charge du coût de celle-ci.

La position des parties

Les parties développent des thèses très fouillées.

Pour la Communauté française, il y a contestation de l’existence d’une faute dans le chef du délégué du Gouvernement dont elle devrait répondre, la Communauté française faisant valoir que la loi du 10 février 2003 relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques n’est pas d’application, le délégué du Gouvernement étant un mandataire et non un agent subordonné. Elle considère par ailleurs qu’il n’y a pas de base légale justifiant sa condamnation. Les cotisations extra-légales de pension incombent en effet aux universités libres subventionnées et non à la Communauté française, l’obligation d’assurer un statut équivalent, contenue à l’article 41 de la loi du 27 juillet 1971 ne s’étendant pas au régime de pension.

Quant à l’université, elle considère avoir agi conformément aux instructions du délégué du Gouvernement, qui avait fait état de la prise en charge financière de l’opération par la Communauté française. Elle renvoie également à l’obligation dans laquelle elle se trouvait de souscrire une assurance de groupe pour permettre l’équivalence du statut de son personnel avec celui des universités d’Etat, le but de l’assurance de groupe étant celui-là et non d’accorder un avantage complémentaire au personnel.

La décision de la cour

La cour examine la question du « statut équivalent », étant l’obligation qu’avait l’université de souscrire une assurance de groupe destinée à assurer une pension complémentaire à son personnel ATO.

En ce qui concerne le personnel enseignant, ainsi que les membres du personnel scientifique, les pensions de retraite sont à charge du Trésor public. Par contre, pour les membres du personnel ATO, il n’existe pas de pension dans le secteur public. La cour reprend les discussions intervenues lors de l’élaboration de la loi du 27 juillet 1971, ainsi que de celle du 21 juin 1985 notamment, discussions qui ont confirmé l’application des règles de pension des travailleurs salariés. La demanderesse relève donc du régime de pension des travailleurs salariés et non de celui du secteur public.

Cette précision apportée, la cour souligne que la question se pose de savoir si le régime complémentaire visé doit permettre de compenser la différence de traitement avec le personnel enseignant ou scientifique ou avec le personnel ATO des universités de communauté (de l’Etat), question à laquelle elle répond que l’égalité de statut en matière de pension du PATO de toutes les universités n’est pas exigée. Il y a une différence et celle-ci découle du lien contractuel, qui a pour conséquence un assujettissement au régime de pension des travailleurs salariés. C’est l’enseignement de la Cour constitutionnelle dans un arrêt du 1er juin 2005 (C. const., 1er juin 2005, n° 97/2005).

L’université n’avait donc pas l’obligation d’assurer à son personnel un régime de pension identique ou équivalent à celui du personnel des universités de communauté. L’assurance de groupe a dès lors été souscrite sur une base volontaire.

L’université peut-elle cependant réclamer, à charge de la Communauté française, les cotisations patronales en cause ?

Les charges de pension et d’éméritat ne sont pas reprises dans les allocations de fonctionnement octroyées conformément à la loi du 27 juillet 1971. Examinant l’ensemble des mécanismes de financement possibles, la cour conclut que les cotisations patronales à une assurance de groupe extra-légale ne relèvent d’aucun des mécanismes existants. Par ailleurs, il ne ressort pas des éléments du dossier que la Communauté française se soit valablement engagée unilatéralement à prendre celles-ci en charge, la cour relevant qu’un tel engagement serait en outre contraire aux dispositions légales et réglementaires, puisque le financement des universités subventionnées est organisé selon des règles qui ont un caractère limitatif. L’université ne peut dès lors demander la condamnation de la Communauté française dans le cadre de son financement.

Se pose cependant la question de savoir s’il n’y a pas, en l’espèce, vu les démarches effectuées par le délégué du Gouvernement, lieu d’appliquer l’article 1382 ou 1384, alinéas 1er et 3 du Code civil, ou encore la loi du 10 février 2003.

L’ensemble de ces dispositions requiert une faute, un dommage et un lien de causalité. La cour relève que l’intéressée remplissait, dès le début, les conditions pour bénéficier d’un contrat d’assurance de groupe, ce qui a en fin de compte été admis par l’université. Les demandes faites en ce sens par le délégué du Gouvernement n’ont dès lors pas été déterminantes, puisqu’elle était juridiquement tenue d’accomplir cette affiliation.

Le dommage allégué par l’université se serait, au demeurant, produit de la même manière sans l’intervention de celui-ci.

Elle conclut que l’appel de la Communauté française est fondé.

Intérêt de la décision

Cet important arrêt de la Cour du travail de Liège fait un rappel complet des règles applicables aux diverses catégories de membres du personnel des universités libres subventionnées eu égard à leur situation en matière de sécurité sociale, plus précisément pour ce qui est du régime des pensions.

Elle rappelle que, si, selon l’article 41 de la loi du 27 juillet 1971 sur le financement et le contrôle des institutions universitaires, les universités subventionnées par l’Etat fixent pour leur personnel un statut équivalent à celui du personnel des universités de l’Etat, cet article n’exige pas qu’il y ait identité complète des statuts. Il y en effet des différences de fait et de droit entre les institutions universitaires et chaque institution subventionnée a une marge d’appréciation propre. L’arrêt renvoie ici très utilement à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 1er juin 2005 (n° 97/2005), qui a admis la constitutionnalité de ces différences de traitement.


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