Terralaboris asbl

Revenus générés par une activité artistique et allocations de chômage : une précision importante

Commentaire de Cass., 16 novembre 2015, n° S.14.0008.F

Mis en ligne le lundi 14 mars 2016


Cour de cassation, 16 novembre 2015, n° S.14.0008.F

Terra Laboris

Dans un arrêt du 16 novembre 2015, la Cour de cassation précise que l’article 130, § 2, al. 4 de l’A.R. du 25 novembre 1991, selon lequel il n’est pas tenu compte pour la réduction de l’allocation de chômage du revenu tiré de l’exercice d’activités artistiques ayant pris définitivement fin avant le début de la période de chômage ou depuis au moins deux années civiles consécutives, vise l’ensemble des activités artistiques et non chaque œuvre prise séparément.

Le contexte du litige

La Cour du travail de Bruxelles avait été saisie d’un litige relatif à la déduction de l’allocation de chômage des revenus générés par une activité artistique autorisée visée à l’article 130 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. En vertu de cette disposition, les allocations doivent faire l’objet d’une déduction du montant de ces revenus (après abattement). Il s’agissait de droits d’auteur générés par des œuvres artistiques créées et enregistrées à la SABAM pour une activité de parolier avant la demande d’allocations de chômage ainsi que d’autres en cours de chômage mais depuis plus (ou pour certaines de ces œuvres moins) de deux ans.

Examinant la disposition légale, la cour du travail avait dû se prononcer sur l’interprétation à donner à la notion de « activité antérieure ayant pris définitivement fin ». Pour l’ONEm, l’exonération ne valait que si toute activité artistique avait pris fin avant la demande d’allocations ou, en cas de cessation de l’activité en cours de chômage, si elle avait cessé depuis deux années civiles consécutives.

La cour du travail avait relevé que cette interprétation aboutit à considérer que, si une activité artistique (de création ou d’interprétation) est poursuivie pendant le chômage, son bénéficiaire ne peut demander l’exonération des revenus perçus pour des œuvres créées avant le début du chômage. Pour la cour, l’article 130, § 2, alinéa 4 prévoit deux hypothèses distinctes d’exonération et l’on ne pouvait conclure que les œuvres créées moins de deux années civiles avant le chômage ne donnaient pas lieu à exonération. Pour autant qu’elles aient été créées et enregistrées avant le chômage, les revenus qui en découlent devaient être exonérés, et ce indépendamment du délai échu entre la date de création définitive de l’œuvre et le début du chômage : la perception de ces revenus ne devait entraîner aucune réduction des allocations.

Le pourvoi

Le pourvoi considère que le chômeur qui, pendant son chômage, poursuit (comme en l’espèce) une activité artistique ne peut bénéficier de l’exonération pour les revenus perçus pour des œuvres artistiques créées et enregistrées avant le début de la période chômage ou en cours de chômage depuis plus de deux ans.

Dans la mesure où la cour du travail a constaté que l’intéressé n’avait pas mis définitivement fin à toute activité artistique et qu’il pouvait se prévaloir de l’article 130, § 2, alinéa 4 de l’arrêté royal pour ce qui est des revenus générés par les œuvres créées et enregistrées avant la demande d’allocations ou en cours de chômage mais depuis plus de deux ans, il y avait violation de la disposition.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation reprend en premier lieu la définition de l’activité artistique reprise à l’article 27, 10° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (en sa version applicable aux faits) : il s’agit de la création et de l’interprétation d’œuvres artistiques, touchant notamment les domaines des arts visuels et plastiques, de la musique, de l’écriture littéraire, du spectacle, de la scénographie et de la chorégraphie.

En ce qui concerne l’activité artistique de création, son exercice n’est pas considéré comme une profession principale dès lors, notamment, que le chômeur a fait la déclaration (soit au moment de la demande d’allocations soit ultérieurement si l’activité a débuté en cours de chômage ou s’il a perçu des revenus tirés d’une activité artistique antérieure). Elle ne doit pas être mentionnée sur la carte de contrôle (sauf exercice d’un contrat de travail ou activité statutaire).

L’activité d’interprétation doit, par contre, figurer sur la carte de contrôle et n’est pas cumulable avec l’allocation pour les journées d’activité.

Pour la Cour de cassation, il faut comprendre par activité susceptible d’être exercée comme profession et dont le chômeur tire un revenu non chacune des œuvres examinées séparément mais l’ensemble des activités artistiques du chômeur.

En l’espèce, celui-ci avait bénéficié d’allocations de chômage du 12 septembre 2005 au 30 juin 2008, avait poursuivi une activité artistique d’interprétation et de création et avait perçu des droits d’auteurs pendant cette période pour l’exploitation d’œuvres créées et enregistrées à la SABAM avant le début du chômage.

La Cour casse la décision de la Cour du travail de Bruxelles qui avait conclu à la non prise en compte de ces droits d’auteur, au motif que l’activité de création doit être considérée comme ayant pris fin définitivement dès que les prestations y afférentes ont été accomplies, c’est-à-dire que l’œuvre a été créée et enregistrée.

Par activités artistiques ayant pris définitivement fin avant le début de la période de chômage (ou depuis au moins deux années civiles consécutives), il faut donc entendre l’ensemble des activités artistiques et non chaque œuvre prise séparément.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour de cassation apporte un éclairage utile sur la notion d’activité artistique dont les revenus produits sont cumulables avec les allocations de chômage. Il s’agit, au sens des dispositions réglementaires, de la cessation de l’ensemble des activités artistiques du chômeur et non de chaque œuvre isolée, comme l’avait retenu la cour du travail. Cette précision est capitale dans la mesure où la Cour de cassation donne de la disposition une interprétation restrictive, l’activité étant appréhendée globalement.

Elle rappelle à propos, par ailleurs, la distinction entre activités de création et activités d’interprétation sur le plan des obligations du chômeur (carte de contrôle) et des effets de celles-ci sur les allocations de chômage.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be