Terralaboris asbl

La requalification d’une convention de collaboration indépendante : cas d’espèce

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 décembre 2006, R.G. 37.572

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 20 décembre 2006, R.G. 37.572

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 20 décembre 2006, la Cour du travail refuse de reconnaître l’existence d’un lien de subordination dans le cas d’un travailleur utilisant l’infrastructure d’autre carrossier pour réaliser des travaux pour ses propres clients et prestant en sous-traitance pour les clients de celui-ci

Les faits

M. W. exploite un garage à Anderlecht. Il occupe un apprenti.

Travaille également dans ce garage, M. T. qui , suite à la fermeture de son propre garage lui aurait demandé de pouvoir utiliser l’infrastructure du garage pour exercer sa profession.

Il dispose de sa propre clientèle et preste également pour les clients de M. W. en sous-traitance, le tout sur facture. Il est inscrit au registre du commerce, dispose d’une immatriculation et est affilié auprès d’une caisse sociale pour indépendants.

D’après les déclarations de M. W., l’utilisation de l’infrastructure du garage se fait en contrepartie d’une réduction du prix facturé par M. T. pour les travaux effectués sur les véhicules des clients de M. W.

Suite à une enquête menée par l’ONSS, celui-ci estime qu’il y a lieu de considérer M. T. comme travailleur salarié. Il introduit dès lors trois demandes auprès du Tribunal du travail, en paiement des cotisations de sécurité sociale (majorations et intérêts).

La décision du tribunal

Le Tribunal fit droit aux demandes de l’ONSS, considérant que l’enquête établit à suffisance l’existence d’un lien de subordination entre M. W. et M. T.

Le Tribunal fonde sa décision sur l’existence des indices de subordination suivants : travail régulier, utilisation de l’infrastructure du garage, fixation des prix, achat des pièces et détermination des délais de livraison par M. W.

Les positions des parties

Contestant l’appréciation faite par le Tribunal, M. W. interjeta appel. Il invoquait, à l’appui de sa requête, que les éléments sur lesquels se fonde le Tribunal ne sont pas exclusifs d’une collaboration indépendante et qu’il a omis de tenir compte de certains éléments du dossier, étant notamment que l’intéressé établissait lui-même ses horaires, qu’il facturait ses prestations, qu’il avait sa propre clientèle, qu’il participait aux frais d’exploitation (via une facturation pour les travaux au profit des clients de M. W. inférieure à la facturation établie pour ses propres clients).

Il faisait également grief au jugement d’avoir mal interprété le rapport d’enquête, notamment sur la question de la fixation des prix, qui ne visaient que les clients de M. W et non ceux de M. T.

Il estimait en conséquence que l’ONSS échouait à apporter la preuve du lien de subordination.

La décision de la cour

La Cour fait droit à l’appel de M. W.

Elle relève tout d’abord que la version des faits présentée par M. W. n’est infirmée par aucun des éléments du dossier, tandis que le fait que M. T. développe sa propre clientèle est attestée par les factures déposées au dossier.

La Cour estime par ailleurs que les éléments retenus par le 1er juge participent dela méthode dite « indiciaire », mais ne sont pas pertinents, établis ou conformes à la réalité. A cet égard, la Cour relève que l’absence d’occupation de travailleurs salariés n’est pas un indice du lien de subordination et qu’il y a en l’espèce participation aux frais d’exploitation. Sur ce dernier point, la Cour note que, en tout état de cause, il ne s’agit pas d’un indice révélateur du lien de subordination (la Cour cite Cass., 2 avril 1997, Bull., 905 et Cass., 16 oct. 1987, Bull., 180).

Il en va de même de la fixation unilatérale des prix (fixation libre par M. T., contrairement à ce qu’a retenu le 1er juge et non pertinence du critère).

La Cour considère en conséquence que les éléments soumis à son appréciation confirment la qualification donnée par les parties (collaboration indépendante).

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, sur la base de l’enseignement récent de la Cour de cassation, la Cour s’attache à vérifier si est établie l’existence d’éléments incompatibles avec la qualification indépendante donnée par les parties à leurs relations contractuelles.

Rappelons que c’est l’ONSS qui supporte la charge de la preuve du lien de subordination dans ce cas de figure et que, en présence d’éléments susceptibles de conclure à un contrat d’entreprise, l’existence d’indices de subordination pourra ne pas suffire à constituer cette preuve.


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