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Accident survenu lors d’une manifestation sportive : un important rappel de la Cour de cassation

Commentaire de Cass., 9 novembre 2015, n° S.15.0039.N

Mis en ligne le mardi 12 avril 2016


Cour de cassation, 9 novembre 2015, n° S.15.0039.N

Terra Laboris

Dans un arrêt du 9 novembre 2015, la Cour de cassation a rappelé les critères légaux permettant de donner à un accident survenu lors d’une manifestation sportive le caractère d’accident du travail : seule compte la limitation de la liberté du travailleur en conséquence du contrat de travail.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Gand du 17 avril 2014.

Celui-ci statuait dans le cadre d’une demande de réparation d’un accident survenu lors d’une manifestation sportive et auquel il était demandé de retenir le caractère d’accident du travail au sens de la loi du 10 avril 1971.

La cour du travail avait conclu à l’existence d’un tel accident, s’appuyant sur des éléments de fait assez nombreux. Elle avait relevé que, si la manifestation n’avait pas lieu dans l’entreprise, elle était réservée aux membres du personnel de la société et à ceux de sociétés-sœurs, faisant partie de la même unité technique d’exploitation, et ce sans égard à leurs catégories professionnelles. Des tiers, ayant des relations professionnelles avec l’entreprise (sous-traitants) avaient été autorisés à participer, mais avec certaines conditions. La manifestation intervenait dans le cadre d’un tournoi de football émanant du club du personnel de l’entreprise et devait se dérouler sur plusieurs jours. De la publicité avait été faite dans celle-ci au sein des locaux. L’appui donné à la manifestation et la publicité faite révélaient l’appui tout au moins implicite de la direction de la société. Enfin, une contribution financière était prévue.

La cour relevait encore que le club du personnel avait son siège au siège social et que, constitué sous forme d’asbl, il avait certes une personnalité juridique distincte de celle de l’employeur mais qu’il constituait une entité satellite de l’entreprise, dont le but était de promouvoir les activités culturelles, sportives et de loisirs des membres du personnel.

D’autres éléments de fait étaient encore relevés et notamment la circonstance que l’employeur avait fait couvrir le risque d’accident pour ces manifestations par un avenant à sa police d’assurance, et ce depuis plusieurs années.

L’arrêt insistait enfin sur le rôle d’émulation et de stimulation entre les participants.

Les moyens du pourvoi

L’assureur-loi a formé un pourvoi contre cet arrêt, s’appuyant sur les termes de l’article 7, 1er et 3e alinéas de la loi du 10 avril 1971. En vertu de ceux-ci, l’exécution du contrat de travail couvre les circonstances où le travailleur se trouve sous l’autorité de l’employeur au moment de l’accident. Par autorité, il est admis au sens de ces dispositions, que le travailleur doit être limité dans sa liberté personnelle.

C’est, pour le pourvoi, cet élément qui doit être central pour admettre ou non l’existence de l’exécution du contrat au moment de l’accident. Les éléments retenus par la cour (essentiellement des éléments de fait relatifs au mode d’organisation, aux liens entre l’asbl et l’entreprise, ainsi que d’autres considérations purement factuelles) étaient étrangers au critère légal.

Pour l’assureur, l’ensemble de ces constatations, qu’elles soient prises dans leur ensemble ou séparément, ne permettait pas de retenir qu’il y avait limitation de la liberté personnelle du travailleur pendant sa participation au tournoi inter-entreprises, en tant que conséquence de l’exécution du contrat de travail.

Décision de la Cour

Dans un bref attendu, la Cour accueille le pourvoi. Elle relève que, par les considérations retenues par la cour du travail, les conditions légales ne sont pas rencontrées. La Cour a retenu qu’il y avait existence de l’autorité de l’employeur à partir de constatations qui n’ont aucun lien avec celles-ci. Elles n’ont d’ailleurs pas trait à la question de savoir si le travailleur avait, en conséquence de son contrat de travail, eu sa liberté personnelle limitée pendant sa participation à cette compétition. Pour la Cour de cassation, la cour du travail n’a pas légalement motivé sa décision.

Intérêt de la décision

Cet arrêt - quoique très bref dans sa motivation – rappelle très judicieusement les principes, en ce qui concerne la notion spécifique d’exécution du contrat dans la loi du 10 avril 1971. Il y a exécution non seulement pendant la réalisation des tâches professionnelles mais chaque fois que le travailleur voit sa liberté personnelle limitée du fait de l’exercice des fonctions.

La Cour de cassation précise que cette limitation doit être examinée en tant que conséquence du contrat de travail.

Par conséquent, en cas de compétition sportive – question qui revient régulièrement dans les débats -, c’est cette limitation elle-même qui est le critère à examiner et non l’ensemble des conditions dans lesquelles ladite compétition a pu être organisée, étant à des degrés à déterminer, connues, soutenues ou encouragées par la société.

Cet arrêt constitue un rappel strict de la seule condition légale exigée.


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