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Règlement 883/2004 : notion de prestations équivalentes en sécurité sociale

Commentaire de C.J.U.E., 21 janvier 2016, Aff. n° C-453/14

Mis en ligne le jeudi 26 mai 2016


Cour de Justice de l’Union européenne, 21 janvier 2016, Aff. n° C-453/14

Terra Laboris

Dans un arrêt du 21 janvier 2016, la Cour de Justice rappelle sa jurisprudence relative aux règles d’interprétation des textes européens, étant en l’occurrence la notion de prestations équivalentes, telles que définies à l’article 5, a) du Règlement 883/2004, à défaut pour celle-ci d’être définie dans le texte.

Les faits

Deux affaires sont examinées ensemble dans l’arrêt de la Cour de Justice du 21 janvier 2016. Elles concernent deux citoyens autrichiens qui se trouvent dans une situation similaire.

Ils résident en Autriche et sont bénéficiaires d’une pension autrichienne. Ils sont ainsi affiliés au régime d’assurance maladie autrichien. Ils perçoivent cependant une pension au Lichtenstein, et ce suite à l’exercice d’une partie de leur carrière en Suisse et dans ce pays.

En conséquence, les caisses de maladie autrichiennes ont considéré, dans chacun des deux dossiers, que les intéressés devaient payer des cotisations au régime de l’assurance maladie sur ces pensions (servies par la caisse du Lichtenstein).

Une décision administrative est cependant intervenue, réduisant le montant des cotisations à la partie des pensions qui entrent dans le champ d’application du Règlement 883/2004, c’est-à-dire les prestations légales minimales, la partie complémentaire (étant la partie « plus généreuse » que ce minimum), ainsi qu’un autre montant (spécifique alloué en vertu du régime de pension du Lichtenstein) ne devant pas être pris en compte pour le calcul de celles-ci.

Un recours a ainsi été introduit par les caisses de maladie, qui entendent faire fixer la cotisation sur la totalité des pensions.

La Cour de Justice est dès lors interrogée par la Cour administrative autrichienne.

La question préjudicielle

Pour le juge autrichien, la question est de savoir si les pensions étrangères peuvent être considérées comme des prestations équivalentes au sens de l’article 5, sous a), du Règlement 883/2004. Elles reposent en effet sur des dispositions juridiques de l’Etat relatives au régime de sécurité sociale couvrant les prestations de vieillesse. Indépendamment de ce point, la Cour se pose la question de savoir s’il n’y aurait pas, par le fait de l’inclusion de l’ensemble des prestations dans la base de cotisations de l’assurance maladie autrichienne, une entrave à la libre circulation (article 45 T.F.U.E.). La question est dès lors de déterminer la notion de prestations équivalentes.

La décision de la Cour

Une première question – spécifique – est abordée par la Cour en premier lieu, étant que les prestations de vieillesse servies par la caisse de sécurité sociale du Lichtenstein ont fait l’objet d’une déclaration effectuée par cet Etat au titre de l’article 9 du Règlement n° 883/2004, comme étant des prestations de vieillesse visées par le Règlement. La Cour rappelle que, pour l’application de celui-ci, la Principauté de Lichtenstein doit être assimilée à un Etat.

Sur la question des « prestations équivalentes », au sens de l’article 5, a), du Règlement, la question est de savoir si, dès lors que les deux régimes relèvent du champ d’application du Règlement 883/2004, ils peuvent être considérés comme tels dès lors qu’il s’agit de prestations de vieillesse servies par un régime de pension professionnelle d’un Etat et de prestations servies par un régime de pension légale d’un autre Etat.

La notion de « prestations équivalentes » n’est pas définie, et il faut dès lors appliquer les règles habituelles d’interprétation de la Cour, étant d’en mesurer les termes, le contexte et les finalités. La Cour souligne avec l’Avocat général que la notion de « prestations équivalentes » n’est pas nécessairement la même que celle de « prestations de même nature », le législateur européen ayant utilisé deux termes distincts.

La finalité de la disposition en cause est d’assimiler les prestations, les revenus et les faits, ainsi que l’a retenu la Cour dans diverses décisions antérieures. Sur la notion d’équivalence, celle-ci ne peut être rencontrée au seul motif que les deux prestations relèvent du champ d’application du Règlement, ce critère étant insuffisant. Il serait d’ailleurs de nature à vider la condition d’équivalence de toute portée.

Il faut vérifier concrètement si l’on a affaire à des prestations de vieillesse comparables (la Cour renvoyant à l’arrêt KLÖPPEL du 21 février 2008 (C.J.U.E., 21 février 2008, C-507/06, KLÖPPEL c/ TIROLER GEBIETSKRANKENKASSE), examen pour lequel il faut tenir compte de l’objectif poursuivi par les prestations elles-mêmes, ainsi que par les textes qui les ont instituées. En l’occurrence, le même objectif est atteint, s’agissant d’assurer le maintien d’un niveau de vie déterminé par rapport à celui dont bénéficiaient les intéressés avant la retraite. Il s’agit dès lors de prestations comparables et la possibilité de bénéficier de droits complémentaires (facultatifs) ne modifie pas cette conclusion.

La Cour conclut que, dans les circonstances qui lui sont soumises, il y a prestations équivalentes, dès lors que les deux catégories poursuivent le même objectif, celui-ci étant le maintien d’un niveau de vie en rapport avec celui dont les intéressés bénéficiaient avant leur retraite.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de Justice apporte une clarification terminologique importante. Comme la Cour le relève, la notion de prestations équivalentes n’est pas définie et le législateur européen utilise également celle de « prestations de même nature » (article 53 du Règlement). Il en découle que ces deux notions ont une acception distincte. Pour définir la condition d’équivalence, la Cour indique une méthode, renvoyant à l’arrêt ANGERER (C.J.U.E., 16 avril 2015, C-477/13, EINTRAGUNGSAUSSCHUSS BEI DER BAYERISCHEN ARCHITEKTENKAMMER c/ HANS ANGERER), qui a donné trois critères, étant la prise en compte des termes de la disposition, du contexte dans lequel elle a été prise, ainsi que de ses finalités.

La Cour donne le critère essentiel pour la solution à dégager, étant que, par prestations équivalentes, l’on peut entendre des prestations comparables. En l’espèce, la condition est remplie, les prestations en cause ayant le même objectif.


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