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Fonds Spécial de Solidarité : précisions quant aux conditions d’intervention

Commentaire de C. trav. Gand (div. Bruges), 26 février 2016, R.G. 2014/AR/221

Mis en ligne le lundi 30 mai 2016


Cour du travail de Gand (division Bruges), 26 février 2016, R.G. 2014/AR/221

Terra Laboris

Dans un arrêt du 26 février 2016, la Cour du travail de Gand (division de Bruges) explicite les conditions d’intervention du Fonds Spécial de Solidarité : lorsque l’article 25bis de la loi fixe parmi les conditions exigées qu’il n’y ait pas de traitement alternatif dans le cadre de l’AMI obligatoire, ceci vise la nomenclature et non l’existence d’autres traitements pouvant également être pris en charge par le Fonds.

Les faits

Une demande est introduite (pour l’année 2009) auprès du Fonds spécial de Solidarité en remboursement d’un médicament relatif à l’hypertension artérielle (avec complications).

Le Collège des Médecins-directeurs refuse la prise en charge de ce médicament, considérant que les conditions de l’article 25bis de la loi du 10 juillet 1994 ne sont pas remplies. Il considère que la valeur scientifique et l’efficacité de l’indication médicale ne sont pas avérées dans le cas d’espèce, soulignant également que le stade expérimental n’est pas clos. Existe également une thérapie alternative complète indiquée pour la pathologie en cause et remboursée par le Fonds de Solidarité.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruges, qui, par jugement interlocutoire du 4 mai 2011, désigne un expert avec la mission de dire s’il est satisfait à toutes les conditions de la loi, étant les cinq conditions reprises à l’article 25.

Suite au dépôt de son rapport, le tribunal du travail conclut, par jugement du 17 septembre 2014, au non-fondement de la demande.

Appel est interjeté.

Dans le cadre de celui-ci, la KUL, intervenant pour les Hôpitaux universitaires (intéressés au litige), fait une intervention volontaire, demandant qu’il soit fait droit à la demande de l’assurée sociale et que le dossier soit renvoyé au Collège des Médecins-directeurs afin qu’il prenne le cas en charge. Une demande est formée à titre subsidiaire par la partie intervenante volontaire en vue d’obtenir la désignation d’un expert.

La cour considère que cette intervention volontaire est recevable, celle-ci pouvant intervenir pour la première fois en degré d’appel, contrairement à une intervention forcée.

Décision de la cour

La cour examine non seulement l’article 25, mais surtout l’article 25bis de la loi. En vertu de celui-ci, le Collège des Médecins-directeurs peut accorder des interventions dans le coût des prestations de santé pour des indications rares, mais celles-ci doivent en outre répondre à cinq conditions, étant que (i) la prestation doit être onéreuse, (ii) elle doit présenter une valeur scientifique et une efficacité largement reconnues par les instances médicales faisant autorité, le stade expérimental étant dépassé, (iii) elle doit être utilisée pour le traitement d’une affection qui porte atteinte aux fonctions vitales, (iv) il ne doit exister aucune alternative acceptable sur le plan médico-social en matière de diagnostic ou de thérapie dans le cadre de l’AMI obligatoire et (v) la prestation doit être prescrite par un médecin-spécialiste, spécialisé dans le traitement de cette affection et remplir d’autres conditions, à savoir être autorisé à pratiquer la médecine en Belgique (version applicable à l’époque).

Rejoignant le Ministère public, la cour est d’avis que le premier juge a fait une mauvaise application de la loi. Selon celui-ci, en effet, lorsque l’article 25bis fixe comme conditions cumulatives qu’il n’y ait pas d’alternative acceptable sur le plan médico-social dans le cadre de l’AMI, ceci signifie que la thérapie en cause figure sur la nomenclature, étant éventuellement ajouté comme condition que le médecin-conseil doit avoir délivré une autorisation préalable. Dans le cadre des articles 25bis et suivants, une prise en charge éventuelle par le Fonds spécial de Solidarité d’un traitement alternatif ne peut pas être considérée comme un traitement qui est remboursé dans le cadre de l’assurance soins de santé obligatoire.

La cour souligne que, si tel devait être le cas, il aurait été impossible, à l’époque, que l’un ou l’autre des traitements en cause puisse être remboursé, dans la mesure où, si une demande était introduite pour l’un, il aurait été répondu que l’autre existait dans le cadre du Fonds spécial de Solidarité et vice versa, ce qui aurait rendu l’intervention du Fonds impossible.

Pour la cour, lorsque l’article 25bis de la loi fixe parmi les conditions exigées qu’il n’y ait pas de traitement alternatif dans le cadre de l’AMI obligatoire, ceci vise la nomenclature.

Cette position est confirmée par l’article 25, alinéa 3, selon lequel le Fonds accorde uniquement des interventions dans le coût de prestations de santé pour lesquelles, dans le cas concret, aucune intervention n’est prévue en vertu des dispositions réglementaires de l’assurance soins de santé belge ou en vertu des dispositions légales d’un régime d’assurance obligatoire étranger. Il est renvoyé à la doctrine de M. VAN COTTHEM (« Het Bijzonder Solidariteitsfonds onder de loep », R.D.S., 2012, p. 249). La cour rappelle encore que la formulation actuelle de l’article 25 est issue de la loi du 27 avril 2005 et que celle-ci n’a pas entendu, sur ce point, modifier le système antérieur.

L’article 35, § 1er, dispose en effet que le Roi établit la nomenclature des prestations de santé. A l’époque, le médicament alternatif n’était pas repris dans la nomenclature. Il est donc, pour la cour, satisfait aux conditions de l’article 25bis. La cour relève que l’expert désigné par le tribunal avait donné un avis positif en ce qui concerne la valeur scientifique du traitement. Quant à la question du caractère expérimental, la cour conclut, à partir des éléments scientifiques au dossier, que ce stade était dépassé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Gand, rendu sur avis conforme du Ministère public, contient une conclusion claire, étant que l’article 25bis de la loi, qui vise en son point d) l’exigence de l’absence d’alternative acceptable sur le plan médico-légal en matière de diagnostic ou de thérapie dans le cadre de l’assurance soins de santé obligatoire, renvoie à la nomenclature. Dès lors que, comme en l’espèce, un traitement ne serait pas repris dans celle-ci, mais qu’il existerait également, il ne peut pas être pris en compte pour déterminer les conditions d’intervention du Fonds spécial de Solidarité.

Comme la cour le relève judicieusement, raisonner autrement impliquerait qu’à partir du moment où deux médicaments existeraient mais sans figurer dans la nomenclature, le recours au Fonds spécial de Solidarité serait impossible.

Soulignons encore que la disposition a été récemment modifiée en son point e), étant qu’est actuellement exigé, de la part du médecin spécialiste prescripteur, non seulement qu’il soit spécialisé dans le traitement de l’affection concernée (condition inchangée), mais qu’il soit légalement autorisé à pratiquer la médecine dans un Etat-membre de l’Union européenne ou un Etat appartenant à l’Espace économique européen (Loi du 7 février 2014, portant des dispositions diverses en matière d’accessibilité aux soins de santé – article 20).


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